Entretien avec Pit Brosius, directeur artistique et musical de l'ONJ

04 nov. 2021
Entretien avec Pit Brosius, directeur artistique et musical de l'ONJ

Article en Français
Auteur: Pablo Chimienti

Présenté le 26 octobre dernier lors d’une conférence de presse, le tout nouvel Orchestre National des Jeunes du Luxembourg tient son premier concert ce samedi 6 novembre au Mierscher Kulturhaus. Un concert avec le célèbre violoncelliste germano-canadien Johannes Moser. Au programme : Little Suite (Mala Suite) de Witold Lutosławski, What the Wild Flowers tell me de Gustav Mahler dans un arrangement de Benjamin Britten, Tänzchen im alten Stil d’Erich Wolfgang Korngold et le Concerto pour violoncelle et orchestre en si mineur, op. 104 d’Antonín Dvorák. Interview, avant ce premier concert autour de différentes interprétations de la musique traditionnelle et des danses folkloriques, avec le directeur artistique et musical de l’ONJ, Pit Brosius.

L’Orchestre National des Jeunes (ONJ) va donner son tout premier concert ce samedi 6 novembre. Comment est venue l’idée de créer cet ONJ ?

L’ONJ est, en quelque sorte, la continuité du SOL, le Summer Orchestra Luxembourg, qui était un orchestre de projet créé en 2014. On a commencé avec un événement par saison, après il y en a eu plusieurs et les dernières années, on était en résidence au Mierscher Kulturhaus. L’orchestre a grandi d’une telle façon que la structure associative était devenue trop petite pour tout gérer. En parallèle, on a regardé le travail de différents orchestres nationaux de jeunes à l’étranger. Nous avons constaté que ces orchestres nationaux avaient d’autres moyens que des orchestres de projet gérés par des associatifs. On a donc commencé à travailler il y a trois ans sur ce projet d’Orchestre National des Jeunes qui voit enfin le jour.

Qu’est-ce qui différencie l’ONJ de l’OPL, l’OCL, Estro Armonico ou encore tout autre orchestre déjà existant au Luxembourg ?

Tout d’abord le fait que l’ONJ n’est pas un orchestre professionnel. Ensuite le fait que pour faire partie de l’ONJ il faut avoir moins de 30 ans. L’orchestre est prévu pour des jeunes avec un niveau de musique élevé : les élèves des conservatoires et des écoles de musique au Luxembourg, les étudiants d’universités à l’étranger en bachelor, master ou même au-delà. Je précise cependant que toute la structure, toute l’organisation autour de l’orchestre travaille de manière professionnelle.

« L’ONJ est une occasion rare pour les jeunes de travailler comme des professionnels, avec des professionnels, dans le but de devenir professionnels »

Qu’est-ce qui différencie alors l’ONJ d’un orchestre ou un ensemble de conservatoire ?

Je dirais le niveau. Les musiciens de l’ONJ ne sont pas professionnels, mais on travaille comme dans un orchestre professionnel. Pour chaque projet, on va passer une semaine ensemble avec un ou deux concerts à la clé. Et puis, on réunit des musiciens de différents conservatoires, de différentes écoles et universités du Luxembourg, mais aussi un peu de l’étranger.

© Pierre Weber

© Pierre Weber

Combien de musiciens vont former l’ONJ ?

Ça va dépendre du répertoire. Pour le programme de notre premier projet, on est à une bonne cinquantaine.

Comment sont-ils sélectionnés ?

On a lancé un appel à participation. Chaque postulant devait inscrire dans la fiche son cursus, son niveau, le nom de ses professeurs… et à partir de là on fait une sélection. L’appel était ouvert aux musiciens du Luxembourg, mais aussi d’autres pays et nous avons reçu pas mal d’applications de l’étranger, ce qui va donner une envergure encore plus grande au projet et des échanges encore plus enrichissants pour les jeunes musiciens nationaux.

À quoi sert un orchestre national de jeunes ?

Pour moi, le plus important dans un tel projet c’est le contact entre les musiciens plus jeunes et les plus âgés ainsi que les jeunes professionnels. L’ONJ est une occasion rare pour les jeunes de travailler comme des professionnels, avec des professionnels, dans le but clair de devenir professionnels. Ce n’est pas une condition obligatoire pour postuler à l’ONJ, mais je pense que même ceux qui ne veulent pas nécessairement devenir professionnels vont s’ouvrir de nouvelles perspectives grâce à l’orchestre.

 « Il y a une énergie toute particulière du fait de la jeunesse des musiciens »

Comment voyez-vous votre rôle de directeur artistique et musical de l’ONJ ?

Travailler avec un orchestre comme l’ONJ est très différent. Les jeunes musiciens arrivent avec une grande envie. Il y a, d’un côté, quelques limites techniques, mais de l’autre côté une volonté et une énergie qui donnent toujours de très beaux concerts.

© Pierre Weber

© Pierre Weber

Est-ce l’ONJ va s’inscrire dans un répertoire ou pense-t-il à l’inverse se laisser porter par les projets ?

Il y a le grand répertoire d’orchestre et il est très important que les jeunes musiciens puissent avoir un premier contact avec lui. C’est un répertoire énorme et important, on va donc le travailler, mais j’essaye toujours d’introduire des répertoires moins connus, plus contemporains aussi. Beaucoup de jeunes rechignent un peu devant la musique contemporaine ; il me semble important de leur offrir ce premier contact rapproché. Dans l’avenir, on va essayer de travailler avec des compositeurs contemporains et peut-être luxembourgeois, mais sans laisser de côté le répertoire et les différentes périodes, classique, moderne, romantique… On essaye de faire un peu de tout parce que ça fait partie de l’éducation de base que doit avoir tout bon musicien. La façon avec laquelle on joue un programme baroque est très différent de la manière avec laquelle on joue Mahler par exemple.

« À la longue on espère que tout cela permettra d’avoir plus de musiciens du Luxembourg dans les orchestres professionnels du Grand-Duché et d’ailleurs »

Mahler, justement, il sera présent lors du programme du premier concert de l’ONJ. Comment s’est dessinée cette première programmation ?

C’est principalement moi qui décide des projets ; je les propose ensuite à notre équipe, on fait des ajustements et on décide ensemble de la programmation finale. Après, comme on travaille toujours avec des solistes professionnels – ce sera le cas du violoncelliste Johannes Moser pour ce premier projet –, ils nous font aussi des propositions. Moser, par exemple, nous a proposé de jouer le Concerto pour violoncelle et orchestre de Dvořák. En partant de cette proposition, on essaye de proposer un programme intéressant qui se tienne.

Pour le premier projet de cette saison, vous serez sur scène avec le violoncelliste Johannes Moser, en avril, vous accompagnerez le pianiste Joseph Moog, puis en juillet l’ONJ participera à un opéra : Herzog Blaubarts Burg de Béla Bartók. Trois styles de spectacles très différents…

Absolument ! C’est voulu. Accompagner un violoncelliste et un pianiste c’est déjà quelque chose de très différent mais prendre part à un opéra, effectivement, c’est tout un autre monde. Pour de jeunes musiciens c’est une occasion rare. On tient vraiment à leur faire découvrir différents types de concerts et de manifestations.

L’ONJ est désormais une réalité. Comment l’imaginez-vous dans dix ans ?

C’est difficile à dire. On commence avec une saison avec trois grands projets, on va très probablement se limiter par la suite à deux projets par saison. On est déjà en contact avec tous les autres orchestres professionnels du Luxembourg, nous allons donc essayer de travailler avec eux. Il y a plein de pistes, plein de possibilités, plein d’idées pour cet Orchestre national de jeunes, nous verrons bien. On imagine des concerts au Luxembourg, mais aussi en dehors de nos frontières. Je pense tout particulièrement aux festivals pour orchestres de jeunes qui permettent des échanges intenses entre ces orchestres. À la longue on espère que tout cela permettra d’avoir plus de musiciens du Luxembourg dans les orchestres professionnels du Grand-Duché et d’ailleurs. Ça ne dépend bien évidemment pas que de nous, mais nous allons faire tout notre possible pour aider les jeunes à y parvenir.

https://onj.lu