Entretien avec Corinna Niemeyer, directrice artistique et musicale de l’OCL

14 oct. 2021
Entretien avec Corinna Niemeyer, directrice artistique et musicale de l’OCL

© Simon Pauly
Article en Français
Auteur: Pablo Chimienti

« J’ai le projet d’ouvrir les portes en grand »

Le rendez-vous avec Corinna Niemeyer est donné à l’Hôtel Simoncini, où s’était tenue, quelques heures plus tôt, la conférence de presse de présentation de la saison 2021/22 de l’Orchestre de chambre du Luxembourg (OCL) dont l’Allemande est la directrice artistique et musicale. Parfaitement à l’heure, la chef d’orchestre de 35 ans, auparavant chef assistante à l'Orchestre philharmonique de Rotterdam, s’excuse malgré tout pour son retard. Elle était en train d’admirer notre capitale et n’avait pas trop regardé l’heure, précise-t-elle. Elle récupère deux livrets de saison et c’est parti pour trente minutes d’une rencontre passionnante.

Vous venez de présenter la saison 2021/22 de l’OCL. Sans rentrer dans le détail des vingt manifestations prévues, que nous réserve-t-elle ?

C’est très important pour moi de partager la passion de la musique. La direction de notre saison, mais aussi de notre approche générale, c’est de chercher la proximité avec le public. Nos mots clés sont proximité, intégration et ouverture. Cela se décline de plusieurs manières, déjà l’OCL sera beaucoup plus présent dans tout le pays cette saison, avec, entre autres, une nouvelle coopération avec les centres culturels régionaux, notamment avec deux concerts au CAPE (Centre des Arts Pluriels Ettelbruck) et au Trifolion. On veut vraiment rayonner dans tout le pays et on a l’intention d’aller plusieurs fois au même endroit pour créer vraiment un lien avec le public. Une autre grande ligne est concrétisée par la série « Place aux jeunes ! » qui regroupe des projets dans lesquels des jeunes participeront à la production musicale. On aura deux concerts au Conservatoire de la Ville de Luxembourg, avec des élèves qui joueront en solistes avec l’orchestre et deux partages de scène avec les lauréats du Prix Jeunes Talents du Rotary et l’ouverture du 14th European Youth Musical Festival à la Rockhal.

Vous êtes devenue directrice artistique de l’OCL il y a pile un an, à quel point peut-on dire que cette programmation porte votre patte ?

Là, c’est vraiment ma première saison ; on garde bien évidemment quelques traditions, comme le concert de l’Avent à la Cathédrale, le partenariat avec la Philharmonie ou encore le partenariat à Dudelange, mais on sent une nouvelle direction. Cette saison a mon ouverture d’esprit, mon envie d’aller vers les publics, de créer des liens. Il y aura les concerts commentés de Corinna – les CocoCo –, que j’imagine comme des moments d’écoute et de partage et, en ce qui concerne les concerts de la Philharmonie, chaque concert propose un voyage, une aventure avec une narration qui offre de l’émotion aussi bien à un spectateur averti qu’à quelqu’un qui vient découvrir. Tous les programmes sont accessibles et j’ai programmé pas mal de premières luxembourgeoises, des morceaux ou des compositeurs que j’ai découvert pendant le confinement. Tout est dans un état d’esprit de découverte, de surprise, de spontanéité.  Il y a même un concert pour lequel on n’annonce pas le programme. On veut qu’on nous suive dans l’aventure, qu’on nous fasse confiance.

© Simon Pauly

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Il y aura des surprises, de bonnes surprises !

Vous êtes très jeune, est-ce une manière de dépoussiérer une institution déjà vieille de plus de 45 ans ?

Oui, je pense qu’on peut dire ça. Je ne viens pas d’une famille de musiciens, j’ai donc pu découvrir la richesse d’un orchestre. Je suis passionnée par ça et par le fait de partager cela avec d’autres. J’ai donc, c’est vrai, le projet d’ouvrir les portes en grand.

Ouvrir les portes, mais dans le pays ; l’OCL ne passe plus les frontières ?

Si, l’OCL est le seul orchestre de chambre de la Grande Région et le rayonnement au-delà des frontières nationales est clairement noté dans ses statuts. Mais c’est vrai que ce n’est pas prévu au programme pour le moment, à cause de la situation sanitaire.

Le COVID, parlons-en. Votre première année à la tête de l’OCL a dû être pour le moins particulière, non ?

L’orchestre a dû faire face à beaucoup d’annulations, mais, et ça montre le dynamisme de l’équipe, tous les concerts organisés par l’OCL ont bien eu lieu. Mais ça a été vraiment très difficile. Pour une première année, je dois reconnaître qu’elle a été très complexe, aussi par rapport à mes autres engagements à l’international ; mais du coup, j’avais plus de temps pour les recherches de programme. Ce qui m’a permis de trouver toutes ces premières luxembourgeoises qu’on propose cette saison. Vous verrez, il y aura des surprises, de bonnes surprises !

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Un répertoire qui va du baroque au contemporain

Comment avez-vous évolué en contact avec les musiciens de l’OCL et comment ont-ils évolué à votre contact ?

C’est un peu difficile à dire, on est encore au début de notre coopération, on travaille musicalement ensemble depuis avril seulement, avant c’était encore des projets avec des chefs invités. Mais l’orchestre a de grandes qualités même s’il n’est pas encore assez connu. Il existe à la fois en formation ensemble, avec par exemple une quinzaine de musiciens, mais aussi en orchestre avec une trentaine de musiciens, ce qui lui donne un répertoire qui va du baroque au contemporain. Il y a donc beaucoup de choses à explorer. Et je me réjouis de ça, comme je me réjouis des projets plus modernes, un peu hors cadre, auxquels est ouvert l’orchestre, comme ce concert théâtralisée à neimënster en juillet dernier ou encore le spectacle chorégraphique en mai dernier au Kinneksbond. J’ai plein d’autres idées pour l’OCL, mais l’orchestre n’a pas nécessairement les moyens financiers pour toutes les réaliser.

La saison de l’OCL va s’ouvrir, le 24 octobre, avec le violoncelliste Aurélien Pascal. Vous êtes, vous-même, violoncelliste de formation. Ça ne vous manque pas l’instrument, le frottement de l’archet sur les cordes, les pizzicato, les col legno ?

Je joue de temps en temps et ça me fait beaucoup de bien, mais en ce moment je sens plus une envie, un besoin, de diriger que de jouer. J’ai fait ce pas de violoncelliste à chef d’orchestre et ça me va très bien. L’année dernière ça m’a manqué terriblement de diriger ! Des musiques me passaient pas la tête et je sentais ce besoin d’expression et tout particulièrement d’expression avec les mains. C’est tellement beau de pouvoir moduler, modifier, créer du son avec les mains, même si ça passe à travers les musiciens et leurs instruments.

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J'ai envie de faire vibrer la ville

C’est ça être chef ? Quel est le sentiment qui prédomine quand vous dirigez l’orchestre ? Que se passe-t-il en vous en ce dernier moment de silence juste avent votre premier mouvement de baguette ?

Juste avant, sur le podium, je dois créer en moi l’énergie du début du morceau pour pouvoir l’extérioriser ensuite. Contrairement à un danseur qui va créer le mouvement sur la musique, un chef d’orchestre va faire son mouvement juste avant la musique. Il doit l’anticiper un peu. Pour le reste, être chef c’est préparer les programmes, travailler sur les partitions, répéter avec les musiciens, travailler ensemble, on se concerte pour être prêts pour le concert. Et c’est ce qui compte. Et pour ce moment-là, il faut une concentration énorme et une précision du moment.

Vous parliez tout à l’heure de plusieurs idées, mais pour lesquelles vous rencontriez des problèmes de financement. Quel rêve avez-vous pour les prochaines années de l’OCL ?

J’ai beaucoup d’idées de projets hors cadre en lien avec ce que je vis au Luxembourg. Je me promène beaucoup ici et ça m’inspire des musiques, des projets, des coopérations, des partenariats… J’ai envie de faire vibrer la ville, de créer avec l’OCL des moments inspirants pour tout le monde en continuant cette ouverture et ce rayonnement dans le pays. Je suis certaine que musique peut enrichir tout un chacun.

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