Dans les coulisses du TROIS C-L (Centre de Création Chorégraphique Luxembourgeois)

07 oct. 2021
Dans les coulisses du TROIS C-L (Centre de Création Chorégraphique Luxembourgeois)

© Marco Pavone
Article en Français
Auteur: Loïc Millot

Juste derrière la gare, dans le quartier de Bonnevoie, une structure discrète, mais toujours en ébullition arbore au milieu du voisinage une couleur jaune reconnaissable à cent mètres à la ronde. Un vaste hangar se dresse dans le paysage urbain, abritant d’immenses espaces où ont pris place des bureaux et trois salles de répétitions dont la plus grande peut accueillir jusqu’à 80 personnes pendant les représentations. C’est dans ce vestige industriel des années 1960 que nous accueille Bernard Baumgarten, lunettes sur le nez, pour évoquer ses missions et la structure dont il assure la direction artistique depuis 2007. 

Situé au 12 rue du Puits dans un ancien entrepôt de fruits et légumes réaménagé, le lieu en a conservé le nom qu’on lui attribuait à l’époque – la Banannefabrik. Il en a gardé aussi bien le sens de l'échange et du partage : l'aide à la création et la diffusion fait partie de ses missions principales, tout comme la formation continue et la mise en commun des compétences, à l'instar du réseau Grand Luxe fondé en 2015 par le TROIS C-L au côté de six autres structures transfrontalières pour offrir aux jeunes créateurs un parcours d'accompagnement adapté. Doté d’un budget de fonctionnement annuel de 600.000 euros, le TROIS C-L réunit toutes les conditions pour favoriser l’éclosion d’une scène chorégraphique luxembourgeoise de premier plan : « Elle est en plein décollage », se réjouit son directeur artistique, Bernard Baumgarten. On dénombre aujourd'hui quelques 25 chorégraphes aux projets réguliers ou ponctuels. Tous évoluent en tant que professionnels. « Ce qui est énorme pour un pays de la taille du Grand-Duché », dit-il, entouré de jeunes gens masqués circulant librement dans les lieux.

© Dominique Gaul

© Dominique Gaul

Formé au Conservatoire de la ville de Luxembourg, Bernard Baumgarten rejoint Francfort puis Berlin pour y établir la compagnie UnitControl qu’il a fondée en 1995 au Luxembourg. De retour au pays natal, il prend en 2007 la direction du « Danz Festival Lëtzebuerg » lors de l’année de la Capitale européenne de la culture. A cette occasion, il initie en collaboration avec le TROIS C-L le « Dance Palace », retentissant lieu de création éphémère qui s’évertuait à dévoiler au public ses coulisses. Et lorsqu'il voulut partir au terme de son contrat, le Conseil d’administration du TROIS C-L lui demanda de rester. Ce qu’il fit.

En 2011, cinq structures se partagent les locaux de la Banannefabrik – l'association MASKéNADA, la THEATER FEDERATIOUN, le Théâtre du Centaure et le Théâtre des Casemates – et lancent le Centre de production et de création artistique (CPCA). Des artistes issus de différents horizons se fréquentent au quotidien et se mettent à travailler ensemble, toutes disciplines confondues, comme à la grande époque du Bauhaus. De son côté, Bernard Baumgarten continue à veiller à la professionnalisation des danseur.seuse.s et chorégraphes luxembourgeois en leur assurant une aide qui peut être financière, technique ou administrative. La formation continue dispense quant à elle des enseignements chaque matin, ainsi que trois masterclass en cours d’année à l’attention des professionnels. On y reçoit un cursus théorique et bien sûr pratique en ayant la possibilité de s’essayer à ses propres créations.

Des moments de sensibilisation sont destinés au grand public. La manifestation phare de l'institution, le « 3 du TROIS », a pu reprendre de plus belle : ce véritable rituel organisé le 3 de chaque mois rencontre un franc succès auprès du public. Le 3 septembre dernier, on a ainsi pu y découvrir Warrior, la dernière pièce de la chorégraphe et danseuse Anne-Mareike Hess présentée dans le cadre de l’Aerowaves Dance Festival Luxembourg (31 août - 4 septembre 2021) qui réunit les artistes avant-gardistes les plus prometteurs d’Europe. Une shortlist prestigieuse dont fait partie également l'artiste luxembourgeoise Léa Tirabasso avec sa pièce The Ephemeral Life of an Octopus.

© Marco Pavone

© Marco Pavone

Deux autres performances ont par ailleurs intégré la récente édition du festival OFF d'Avignon : celles de Simone Mousset (The Passion of Andrea 2) et de Jill Crovisier (The Hidden Garden), en attendant les prochaines festivités d'Esch2022 auxquelles prendra part le TROIS C-L. Même durant l'épidémie des formules inédites ont émergé, adaptées à la nouvelle situation sanitaire, cela afin de maintenir le lien avec le public et de soutenir le travail artistique mis à mal par l’obligation de fermeture des lieux culturels. Comme le « 1 + 1 » par exemple, qui consiste en un face-à-face intimiste entre une personne du public et un unique danseur, distance sociale oblige ! Six projets adoptant cette forme réduite se sont tenus à la Banannefabrik et six autres en visioconférence pour les personnes qui voulaient éviter tout contact physique. Un concours de vidéo-danse à domicile, « Dance from home ! », a aussi vu le jour par écrans interposés, avec constitution d'un jury international et remise de prix aux lauréats.

Bernard Baumgarten ne manque pas de perspectives non plus. Pour les cinq prochaines années, il rêve de poursuivre la longue mutation du lieu pour en faire une maison de la danse accessible à toutes et à tous. Dans cette Babel dédiée aux chorégraphies du monde entier pourraient s’exprimer de multiples influences culturelles, comme celles du butô, du flamenco ou encore des cultures urbaines, et se jouer des œuvres qu'il s'agirait de faire connaître au plus grand nombre. Le directeur artistique aimerait attirer de nouveaux publics et fourmille d’idées en ce sens. Il forme le vœu d’amener de nouvelles formes de danse aux personnes âgées de plus de 55 ans, puis de « voir ce qui pourrait être développé ». Il souhaite également travailler à l'inclusion de personnes en situation de handicap et de produire des rapprochements entre les pratiques professionnelles et amateures. Affaire à suivre, donc…

www.danse.lu

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