CinEast ou les rêves d’évasion en provenance de l’Est

06 oct. 2021
CinEast ou les rêves d’évasion en provenance de l’Est

Article en Français
Auteur: Pablo Chimienti

La 14e édition du Central and Eastern European Film Festival, CinEast, se déroulera du 7 au 24 octobre à Luxembourg. Une édition hybride qui proposera 55 longs métrages et 35 courts métrages à travers 110 projections en salle et une grande programmation online. Le focus est mis sur la Slovénie qui fête cette année les 30 ans de son indépendance. Sans oublier les concerts, les expos, les débats, les rencontres gastronomiques…

Fidèle au poste ! Depuis 2008, pour le cinéphile luxembourgeois, l’arrivée du mois d’octobre va de pair avec le retour de CinEast. Même la pandémie de Covid n’a pas réussi à stopper le festival dédié au cinéma et à la culture des pays d’Europe centrale et orientale, qui célèbre en 2021 sa 14e édition.

« J’ai l’impression que la 8e édition était il n’y a pas si longtemps et là on approche de la 15e. Le festival n’est clairement plus un bébé, c’est un adolescent ! » lance, aussi amusé que stupéfié, le directeur de la manifestation, Radek Lipka. « On est loin du Festival du film polonais en 2006 ou encore des trois premières éditions de CinEast où on n’avait des films que de quatre pays et une petite vingtaine de projections dans les petites salles de neimënster ».

Les chiffres lui donnent raison. « On est partis de 20 projections, on en a maintenant 120, on devait avoir trois ou quatre invités aux débuts, on a approché la quarantaine en 2019. La première édition, le festival a eu 2.800 spectateurs, la dernière avant le Covid, il en a atteint 11.300 » résume-t-il. « C’est une très belle progression ».

L’an dernier, en pleine crise Covid, le festival a réussi à attirer quelques 6.400 spectateurs à travers une édition hybride, à la fois en salle et online. Hybride, le festival le restera cette année encore malgré l’amélioration de la situation sanitaire et la possibilité d’organiser des manifestations CovidCheck. Les organisateurs ont décidé de garder une certaine distance entre les groupes de spectateurs, ce qui limitera le nombre de spectateurs possibles dans les salles. Pour ceux qui n’arriveraient pas à obtenir un billet, ou ceux qui ne pourraient ou ne voudraient pas encore participer à des manifestations culturelles en présentiel, l’équipe du festival proposera entre 75 à 80 % de sa programmation également en streaming.

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Un bouillon aux saveurs multiples

Un sacré pari pour cette petite équipe principalement composée de bénévoles, qui en plus des films et des rencontres avec les équipes artistiques invitées inclue toujours dans sa programmation des manifestations appelants à d’autres types d’art : musique, photographie, gastronomie… « La structure du festival telle qu’elle est aujourd’hui est à sa limite », avoue le responsable. « On a besoin de temps pour monter une plus grande équipe, trouver de nouveaux partenaires et les moyens pour payer vraiment certaines personnes, parce qu’on ne peut pas trop en demander à des bénévoles. C’est une réflexion qu’on doit mener. Peut-être pour la 15e édition l’an prochain » ajoute-t-il tout en précisant que pour sa part et pour celle du directeur artistique de la manifestation, Hynek Dedecius, malgré les années qui passent, « la passion des débuts reste intacte ! ».

Une passion qui a fait des deux chevilles ouvrières du festival grand-ducal des témoins privilégiés du cinéma d’Europe centrale et orientale et de son évolution. « On a fêté, il y a deux ans, le 30e anniversaire de la chute du Mur de Berlin », reprend Radek Lipka, « On a commencé le festival au niveau du 15e anniversaire ; les temps communistes étaient encore très proches et le cinéma s’intéressait beaucoup aux problématiques post-communistes. Les différents pays connaissaient des vérités différentes, mais avaient tous ces mêmes points de référence structurants ». Il poursuit : « Après, l’évolution de ces 15 dernières années a été différente selon les pays, il reste donc des constantes comme l’importance du cinéma documentaire ou la forte tradition de cinéma social, mais il y a désormais une plus grande diversité. Les problématiques et les perspectives dans les différents pays sont différentes ». Du coup, s’interroge-t-il, « pourquoi est-ce qu’un jeune de 20 ans en Lettonie devrait aujourd’hui se reconnaître dans un jeune Bosniaque ou Ukrainien ? », avant de conclure : « Et tout ça se ressent dans les films ». Pour lui, impossible de parler de cinéma d’Europe centrale et de l’Est au singulier, le pluriel s’impose désormais.

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21 cinémas bien différents

Et la pluralité sera bien présente cette année encore au CinEast avec des productions de 21 pays différents : Albanie, Biélorussie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Estonie, Géorgie, Hongrie, Kosovo, Lettonie, Lituanie, Macédoine du nord, Moldavie, Monténégro, Pologne, République tchèque, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie et Ukraine. « Ce sera à nouveau un bouillon de cultures cinématographiques des pays de l’Est », lance Claude Bertemes, directeur de la Cinémathèque de Luxembourg qui accueille chez lui un vaste pan du programme du festival, « un bouillon aux saveurs multiples mais dont la ligne éditoriale est limpide : montrer ici au Luxembourg des films innovatifs, pleins de créativité et d’actualité sociale et politique ». Et le gardien de la cinéphilie grand-ducale d’ajouter « Je suis convaincu que la programmation de cette année aura la même pertinence que celles des années précédentes ».

Présent aux quatre coins du pays : Luxembourg-ville (Cinémathèque, neimënster, Utopia, Kinepolis, Melusina, Rotondes…), Vianden (Ancien Cinéma), Dudelange (Centre national de l'audiovisuel), Esch-sur-Alzette (Kulturfabrik), mais aussi à Saarbrücken (cinéma Achteinhalb), la manifestation suivra, cette année, la thématique générale « Rêves d’évasion ». Une réflexion sur nos espoirs de changement, de distraction, d’évasion physique mais aussi cérébrale. « Un choix très évocateur et judicieux », souligne Claude Bertemes, « puisque le cinéma, par nature, est un art de l’ailleurs et de la transportation mentale ».

La thématique regroupera plusieurs films, aussi bien documentaires que de fiction, mais également un débat et surtout la grande exposition du festival, présentée comme toujours à neimënster. Elle montrera cinq projets photographiques d’artistes tchèques, allemands, polonais et belges sur cette idée de « Rêves d’évasion ». Une exposition dont le point de départ réside dans le sentiment d’enfermement, provenant d’une année de confinement, qui s’ajoute à une envie d’ailleurs que certains ont mis en pratique face aux réalités économiques et sociales de nos sociétés, que ce soit en vivant en harmonie avec la nature ou en cherchant des relations sociales plus équilibrées.

Au niveau du 7e Art, la compétition officielle sera composée de sept films qui se partageront les quatre prix en lice : prix du public, prix de la critique et les deux prix remis par le jury international : le Prix spécial du jury et le Grand Prix. Un jury international présidé par Radu Jude, le réalisateur de Bad Luck Banging or Loony Porn, coproduction luxembourgeoise repartie au printemps de Berlin avec l'Ours d'or de la Berlinale, et qui sera présent à Luxembourg pendant la manifestation.

Une nouvelle section dédiée à des premiers et deuxièmes films de cinéastes verra le jour cette année. Ces films seront départagés par le tout aussi nouveau Jury jeunes talents, composé d’étudiants du BTS Cinéma et audiovisuel du Lycée des Arts et Métiers.

Autre nouveauté 2021, la création de la série « Fridays for the Planet » proposant des films, des rencontres et des débats sur notre façon de vivre et la manière dont celle-ci affecte l’environnement et du coup le futur des jeunes générations. Une prise de conscience écologique qui s’ajoute désormais à l’aspect social que le festival défend depuis ses débuts.

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