La quinzième édition du festival CinEast, dédié au cinéma, mais plus largement aux cultures des pays d’Europe centrale et orientale, se déroule du 6 au 23 octobre avec, actualité oblige, tout un vaste programme dédié à l’Ukraine.

Tous les ans depuis 2008 au mois d’octobre, une vague culturelle venue de l’est débarque à Luxembourg et dans l’ensemble du Grand-Duché. Son nom, CinEast – Festival du film d’Europe centrale et orientale. Un festival principalement de cinéma, mais qui a toujours tenu à sortir des seules salles obscures et dépasser le seul 7e Art, pour s’intéresser à différentes disciplines artistiques : cinéma, musique, photographie, mais aussi proposer des débats ou encore des événements culinaires.

Pour ce millésime 2022, la manifestation tient à s’ancrer dans l’actualité de l’est de l’Europe et tout particulièrement dans le conflit ukrainienne. « Le conflit en Ukraine est la plus grande crise connue en Europe de l’Est depuis chute du Mur. C’est totalement inédit », note le directeur du festival, Radek Lipka. « C’était donc une évidence, pour nous, qu’on devait en parler, qu’on devait faire quelque chose de fort en donnant la parole aux cinéastes et plus largement aux artistes ukrainiens mais aussi en apportant des éclairages, du contexte historique et social. C’est pour ça que nous proposons un débat où nous remonterons à la Révolution de 2013, les évènements de 2014, mais aussi plus loin, à la chute de l’Union Soviétique et même à l’Holodomor, cette famine orchestrée par Staline dans les années 30, pour châtier les Ukrainiens qui étaient un pôle de résistance ».

Du coup, si le focus annuel du festival, « le plus vaste jamais mis en place dans ce cadre » notent les responsables, se penchera cette année sur la Tchéquie – un choix fait l’an passé pour célébrer sa présidence tournante de l’Union Européenne –, les organisateurs ont également mis en place tout un programme dédié à l’Ukraine, « afin de montrer sa solidarité avec ceux qui souffrent de la guerre en Ukraine et avec la communauté ukrainienne au Luxembourg ».

Des films à la pelle…

Ainsi parmi la cinquantaine de long-métrages de fiction à l’affiche cette année, six sont des productions ou des coproductions ukrainiennes. Deux d’entre eux figurent en compétition officielle : 107 Mothers/Cenzorka de Peter Kerekes et How is Katia ? de Christina Tynkevych. Le premier est l’histoire d’une prisonnière enceinte dans la prison pour femmes d’Odessa qui cherche une solution pour que son fils ne lui soit pas retiré après trois ans auprès d’elle derrière les barreaux, comme le prévoit la loi. Le second le récit d’une mère célibataire qui travaille dur pour offrir le meilleur à sa fille, jusqu’au jour où un tragique accident de voiture les plonge dans une spirale infernale.

Deux autres films ont un lien direct avec le Grand-Duché : Pamfir (coproduction Wady Films), présenté en avant-première au Festival de Cannes, raconte l’histoire d’un homme qui revient en Ukraine à la veille du Carnaval et qui doit accepter de faire une dernière fois le "sale boulot" pour rattraper les grosses bêtises de son fils unique ; tandis que Luxembourg, Luxembourg d'Antonio Lukich, venu au festival en 2019, est une comédie étonnante sur deux frères jumeaux qui habitent en Ukraine et doivent entreprendre un voyage vers le Grand-Duché pour voir une dernière fois leur père malade qui les a abandonnés alors qu’ils étaient encore enfants. Le film, dont la première s’est tenue à la Mostra de Venise le mois dernier dans la section Orizzonti, aura l’honneur de servir de film d’ouverture à cette 15e édition.

Des films à l’aspect social, tantôt proche du style documentaire, qui sont autant de spécificités des cinématographies des pays de l’Est de l’Europe, mais des films dont est totalement absente la guerre débutée le 24 février dernier. Les temps de fabrication d’une production audiovisuelle font que ces long-métrages n’ont pas encore pu l’intégrer dans leurs récits. Reste que la guerre, celle du Domnbass débutée en 2014, est malgré tout présente dans différents projets : les long métrages Butterfly vision de Maksym Nakonechnyi et Klondike de Maryna Er Gorbach, mais aussi dans certains des films présents dans la soirée spéciale de courts-métrages ukrainiens.

La guerre de 2022, sera également présente dans quelques-unes des propositions du « The One Minutes Jr. Ukraine », ce projet de mini-films de moins d’une minute, mais également dans le documentaire One Day in Ukraine de Volodymyr Tykhyy, sur la journée du 14 mars 2022 à Kiev.

…mais aussi deux concerts et deux expos

En plus du cinéma, ce CinEast 2022 présentera également deux concerts de groupes ukrainiens. Le Dz’OB ensemble sera sur la scène de neimënster le mercredi 19 octobre. Ce groupe est un peu le fils caché d’Aphex Twin et Chostakovitch ; un projet surprenant qui transcende les notions de genre musical et fait fi des frontières. L'ensemble se compose de cinq instruments : hautbois, basson, violon, violoncelle et l’électronique. Leur musique réunit des genres tels que le classique, l'IDM, la techno et le dubstep, mais aussi des sons éclectiques distinctifs et des influences de la musique ukrainienne traditionnelle. Le lendemain, le jeudi 20/10, les Rotondes accueilleront une Soirée ukrainienne avec Joryj Kloc. Débutant en 2008 comme un projet électronique qui pimentait ses morceaux dancefloor de vieilles chansons ukrainiennes et d'éléments folkloriques, le groupe et ses 4 membres ont évolué vers une combinaison ludique de rock pur et dur, de turbo-folk, d'ethno hip-hop et de break-beat cosaque, maîtrisant l'art de faire résonner les instruments ukrainiens traditionnels de manière moderne. La soirée qui se déroulera autour de plats ukrainiens, de boissons et snacks typiques préparés par des membres de la communauté ukrainienne du Luxembourg, proposera également un DJ set pour clôturer l’événement.

L’Ukraine sera également présente dans le cadre des expositions proposées dans le cadre de CinEast. La grande exposition que le festival présente tous les ans à neimënster, intitulée « Communities » et proposée cette année dans le cloître, propose à travers cinq projets choisis par la commissaire Marta Szymanska, une réflexion sur les différentes formes de communautés, à la fois comme facteur de création d’identité et d’appartenance, mais aussi comme facteur potentiel de division et d’exclusion. Parmi ces cinq projets, deux sont originaires d’Ukraine : un de la photographe ukrainienne Alina Smutko et un du photographe et reporter américain installé en Ukraine, Brendan Hoffman. Les deux projets dépeignent, entre autres, la solidarité et la résilience des communautés locales face aux drames humains, aux destructions et aux pénuries. Autre exposition, dans le nord du pays cette fois-ci, à l’Ancien cinéma de Vianden, « Chameleon Women from Ukraine », proposé par l'artiste ukrainienne Alyona Sukhorukova qui a fui la guerre et réside actuellement au Luxembourg, mêle photographie et art plastique.

Une ambulance pour l’Ukraine

En plus de donner une visibilité importante aux cinéastes et artistes ukrainiens et de sensibiliser à la situation en Ukraine, le but de ce programme spécial Ukraine est aussi de récolter des fonds pour venir en aide à ceux qui sont dans le besoin à travers « CinEast4Ukraine ». Une partie de la vente des billets pour la soirée ukrainienne sont destinés à ce projet caritatif. En plus de cela, pendant toute la durée de la manifestation, les équipes du festival collecteront des fonds qui seront transférés à l’association LUkraine asbl et utilisés pour aider les victimes de la guerre. L’objectif est de réunir le montant nécessaire pour financer une ambulance équipée à envoyer en Ukraine.

Pour le reste, ce CinEast 2022 de retour en présentiel – bien qu’une moitié des films restera ensuite disponible pendant deux semaines après la fin du festival sur la toile pour de possibles séances de rattrapage – , propose 55 long métrages, 45 courts métrages en provenance de 21 pays d’Europe centrale et orientale : Albanie, Biélorussie, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Estonie, Géorgie, Hongrie, Kosovo, Lettonie, Lituanie, Macédoine du nord, Moldavie, Monténégro, Pologne, République tchèque, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Ukraine. En tout ce sont une centaine de projections qui sont prévues dans une douzaine de salles différentes, dans la capitale, mais aussi aux quatre coins du pays.

CinEast – Festival du film d’Europe centrale et orientale. Du 6 au 23 octobre.

Plus d’informations et programme : https://www.cineast.lu ou https://www.facebook.com/cineastfestival

Vernissage d’exposition « Communities », jeudi 6 à 17h30 à neimënster.