Le fabuleux destin de Véronique Kolber

03 juin. 2022
Le fabuleux destin de Véronique Kolber

Article en Français
Auteur: Salomé Jeko

Si elle a failli passer à côté de sa vocation, la vie a résisté, persisté et signé : Véronique Kolber est devenue photographe et ce presque sans le vouloir. Rencontre avec une artiste qui a l’œil.

On ne pouvait trouver mieux comme rubrique que celle du « fabuleux destin de… » pour évoquer le parcours de Véronique Kolber, tant sa destinée semble s’être imposée à elle. « La photo ? Je ne voulais pas du tout en faire au départ. Moi je voulais devenir peintre », confie celle qui est pourtant devenue depuis l’une des photographes les plus en vogue du Luxembourg. À 6 ans, Véronique dessine à main levée la ferme de ses parents, un lieu qui l’inspirera tout au long de sa carrière. « Mes parents ont accroché le dessin dans la maison, c’était vraiment réussi et je crois que c’est là qu’on a remarqué que j’avais un certain talent artistique ». De quoi l’encourager, adolescente, à intégrer le Lycée des Arts et Métiers. Un peu par hasard, et parce que personne n’avait choisi le cours qui l’intéressait initialement, l’étudiante se retrouve propulsée en section photo. « Le professeur m’a dit de revenir le lendemain avec quelque chose à montrer. Sans grande conviction et parce que je n’avais que moi sous la main, j’ai fait des autoportraits sur lesquels je me suis maquillée un peu dans l’esprit de Cindy Sherman et Nan Goldin, des photographes américaines ». Le résultat n’est pas trop mal, suffisamment intéressant en tout cas pour que le professeur lui demande à en voir plus.  « La veille du cours, j’avais complètement oublié et il faisait déjà nuit. J’ai alors bricolé un trépied et photographié la ferme dans laquelle je vivais de nuit. Ces photos m’ont rendue heureuse et pour la première fois, j’ai compris qu’elles pouvaient montrer quelque chose au-delà de l’image, j’y ai vu le potentiel artistique ».

Véronique Kolber

La street photography et les prises sur le vif inspirent la photographe, qui prone la spontanéité dans son travail. © Véronique Kolber

Une première exposition à Bruxelles

Véronique intègre alors le 75 à Bruxelles, mais la première année, « trop théorique, pas assez libre », lui fait douter de son choix. « Je ne comptais pas rendre de quoi me faire noter pour valider mon année, mais mon prof est venu sonner chez moi. Alors j’ai fini par lui donner une série de photos que j’avais faites à chaque fois que je rentrais voir ma famille, au Luxembourg, toujours dans ma ferme ». En parallèle, elle remplit un dossier d’inscription dans une école de sculpture, à Stuttgart. « J’ai envoyé des photos de mes réalisations ; on m’a répondu que les photos de ces sculptures étaient bien plus intéressantes que les sculptures elles-même », se remémore Véronique, les yeux rieurs derrière ses grandes lunettes. Son dossier ne sera finalement pas accepté, la faute à une erreur de frappe dans son diplôme de fin d’études luxembourgeois. Un coup du sort, encore… « J’ai passé l’été à faire des photos de tout et de rien, de façon boulimique, avec mon Olympus mju. Je les ai regroupés dans un livre, accompagnées de quelques citations et j’ai présenté le tout au 75, à la rentrée suivante. Ils ont tellement aimé que j’ai pu participer à l’exposition des troisièmes années. Ma première ! Mais j’ai loupé le vernissage, car j’étais coincée sur le ring », avoue-t-elle.

Véronique Kolber

La ferme familiale a souvent été au centre de ses premiers travails photographiques. © Véronique Kolber

« J’aime le réel et le spontané »

Au terme de ses études, le travail de Véronique Kolber est remarqué par Paul de Felice et le CNA ; la jeune photographe est même lauréate du prix « Découvertes - Jeunes talents » et rencontre Bernard Plossu, pointure dans le milieu, qui préface le premier ouvrage dédié à son travail photographique, REFLECTIONS, publié en 2002.  S’ensuivent des expositions au Luxembourg et ailleurs, puis un déménagement à Strasbourg. « J’ai suivi celui qui est devenu mon mari (NDLR l’auteur-compositeur-interprète luxembourgeois Daniel Balthasar) à Strasbourg, où j’ai fait un master en arts plastiques. Cette période m’a ouvert l’esprit, m’a inspiré et a développé ma créativité », estime aujourd’hui la photographe. À la même époque, celle-ci entame un projet qui lui vaudra d’être nommée au prix Robert Schuman 2003 : « Je n’avais jamais vu des photos de mes grands-parents jeunes, jusqu’à ce qu’un jour, par hasard, je trouve un cliché dans la chambre de mon arrière-grand-mère. Il y avait un rayon de soleil sur la commode et la photo était là, ma grand-mère devait avoir 20 ans dessus. Elle avait fait disparaitre tous les souvenirs de sa jeunesse parce que son mari était mort jeune et que ça la rendait triste. J’ai combiné ces photos d’antan à des photos que j’ai prises dans la ferme, en 2003, et j’ai fait des montages sur Photoshop pour marier les deux ». Toujours plus convaincue par cet art – « bien plus pratique que la peinture, où il faut de la place, de la lumière et en plus laver les pinceaux », Véronique continue de travailler la thématique de la mémoire, mais aussi de capturer des instants sur le vif et de s’adonner à la street photography, ces domaines de prédilection. « J’aime le réel et le spontané, pas du tout la mise en scène », commente-t-elle.

Véronique Kolber

Des photographies de lieux quelconques deviennent des paysages dignes de scènes de films. Véronique Kolber aime y annexer des scénarios qu'elle écrit elle-même. © Véronique Kolber

Créer de la fiction dans la réalité

Ses photos sont d’ailleurs souvent dénuées de personnage et immortalisent davantage des paysages dignes de scènes de films, où rien ne se passe, mais où tout reste à imaginer, donnant à des lieux quelconques une soudaine envergure cinématographique. « Je capture des endroits ou des situations banales à partir desquels je peux inventer toute une histoire. J’essaie toujours de créer de la fiction dans la réalité et d’y instaurer une forme de suspense », explique-t-elle. Inspirée de l’univers de Stephen King ou David Lynch, celle qui assure lire énormément investit parfois les plateaux dans le cadre professionnel pour en assurer les photos durant les tournages et a elle-même réalisé quelques films et courts-métrages. « La photographie de plateau n’est pas la plus intéressante, mais j’aime tout l’univers autour. J’ai aussi tourné quelques petites vidéos, notamment une sur les oiseaux, with the birds, filmée au Texas avec Daniel et qui a été projeté au Ratskeller de la Kulturfabrik ». Souvent d’ailleurs, la photographe associe à ses clichés des extraits de scénarios de films – ou en écrit elle-même. « Je lis beaucoup de scripts et parfois, j’ai l’impression qu’ils décrivent telle ou telle photo que j’ai moi-même prise », confie-t-elle.

Véronique Kolber

Véronique Kolber immortalise les mariages avec talent et originalité les mariages, en témoigne son site dédié arthurandmary.com © Véronique Kolber

Expo au CNL et bientôt à Lorentzweiler

Actuellement, c’est au CNL, dans le cadre du 30e anniversaire du Prix Servais, que Véronique Kolber expose et bientôt, son travail sur Lorentzweiler devrait être affiché dans les rues de la commune. « J’ai pris des photos du secteur de façon très spontanée, à différentes saisons, selon la météo et ce qui attirait mon regard. Des jeux de lumière, des passants, des attitudes, de l’insolite », commente-t-elle en nous dévoilant quelques clichés en avant-première. Des photos qui dégagent un sentiment et qui font sourire en raison d’un petit détail bien trouvé qui fait mouche et que Véronique Kolber a le don de dénicher. Durant des années, et aujourd’hui encore, la photographe a investi les mariages, domaine dans lequel elle est souvent citée comme la meilleure. « 200 demandes par an », dénombre-t-elle. Un succès sans doute dû à sa capacité à tirer l’original de ces rendez-vous des plus traditionnels. « À l’école, je dormais pendant les cours de photo de mariage, je n’aimais pas particulièrement ça. Mais ensuite j’ai vu le potentiel créatif de ces évènements, surtout avec des couples un peu pas comme les autres ou dans des lieux insolites. Maintenant, j’aspire à plus de minimalisme et de spontanéité ». Mais surtout, aujourd’hui, Véronique Kolber aspire à davantage s’investir au sein de projets et de créations de photographies artistiques. « J’ai beaucoup de choses à montrer encore », conclut-elle, une lueur de malice dans le regard.

https://www.veroniquekolber.com/