CHAILD x MAZ Deux artistes, une amitié

20 jan. 2021
CHAILD x MAZ Deux artistes, une amitié

Article en Français
Auteur: Godefroy Gordet

CHAILD x MAZ n’est pas un duo, ce sont deux grands amis, les musiciens Adriano Lopes Da Silva et Thomas Faber. L’un ancré dans la scène pop luxembourgeoise, l’autre dans celle du rap, tous deux lauréats successifs du Screaming Fields Festival que tient le Rocklab. De leurs débuts sur les scènes du pays à leur récente installation à Bruxelles, leurs aspirations ont bien grandi. Si de projets en projets ils ont chacun d’eux convaincu un certain public, ils ont désormais l’ambition d’exulter à l’international, tout en espérant présenter ensemble leur show à la Kulturfabrik, qui de report en report a trouvé le 23 octobre 2021 pour date.

Rencontre avec deux jeunes artistes luxembourgeois en passe de faire résonner leur musique au large des frontières luxembourgeoises.

Bonjour Chaild et Maz. Ça fait une dizaine d’années que vous vous connaissez et vous aimez évoquer votre amitié indéfectible. Pouvez-vous nous parler de votre rencontre ?

Maz : On s'est rencontré en première classe de lycée et on était en classe ensemble jusqu'au bac. Dès le début on s'est bien entendu et cette amitié a évolué avec le temps et nos parcours respectifs.
Chaild : Je me rappelle que Maz avait dit à ses potes que j’étais un mec cool, ça m’avait touché. Ça a « cliqué » dès le premier jour. Je pense qu’il a été mon premier ami au Lycée.

Chaild, tu expliques que c’est Maz qui t’a poussé à faire plus sérieusement de la musique…

Chaild : Oui, j'avais 18 ans, il en avait 17. Il a commencé à lancer ses projets et je me suis dit, « si lui il y arrive moi aussi je peux y arriver ». J’essayais d’apprendre de ce qui fonctionnait dans son travail. Ça m'a aidé à m'orienter et par la suite, on s'est motivés l’un, l’autre. Pour nous c'était un « big deal ».
Maz : C’était le début. On faisait des concerts au Rocas. C'était une belle époque…

CHAILD - (c) Pit Reding de Klick Creative Studio

CHAILD ©Pit Reding de Klick Creative Studio

Vous aviez déjà songé à créer ou collaborer ensemble sur un projet ?

Chaild : À l’époque, je chantais et Maz était batteur… Je me souviens d’une conversation à la cantine du lycée, où il me disait qu'il voulait faire de la production. J’ai fini par lui dire que je pouvais chanter sur ses prod’. On échange artistiquement depuis toujours, sur différents sujets, et, petit à petit, on a commencé à se rendre compte qu’il y avait comme une synergie.
Maz : Quand j'ai commencé à rapper, on a fait une première collaboration, une chanson qui n'est jamais sortie, qui s'appelle Black Wolf. C’était une balade un peu triste qu’on a chanté à la remise des diplômes du bac. C'était un beau morceau mais on a finalement décidé de ne pas le sortir.
Chaild : On voulait faire un clip qui n’a jamais vu le jour, et ensuite on a produit la chanson. Quand Immortalisation – premier album de Maz, ndlr – est sorti ce n'était plus vraiment intéressant pour nous…
Maz : Et puis, Chaild a démarré son projet et on a tous les deux commencé à faire une musique très différente.
Chaild : On se disait surtout qu’après que Maz ait sorti son premier disque on ne pouvait pas retourner en arrière et puis on a fait Sick Water

Et Sick Water sort en 2019 et associe le côté organique de l’écriture de Chaild au rap tonitruant de MAZ pour livrer un morceau éthéré, jonglant entre vos deux univers musicaux. À quel moment avez-vous ressenti l’envie de travailler ensemble ?

Chaild : J’ai écrit Sick Water dans une période où j'étais fâché contre le monde. La période de mon coming-out, où je commençais à comprendre certaines choses. J’avais gagné le Screaming Fields quelques mois avant, et il ne se passait pas grand-chose, j'étais un peu perdu, j'avais ramassé quelques critiques, je ruminais. J’ai écrit ce titre lors d’un stage avec la musicienne Claire Parsons. Je l’ai ensuite pré-produit avec Jim Scheck, tout en gardant l’idée d’en faire un featuring avec Maz sur une version alternative. Je lui en ai parlé et on a fini par en faire la version qui existe aujourd’hui, produite par Tom Gatti.

Dans Sick Water, Chaild livre un univers très intime, retraçant un mal-être profond et un questionnement intime. Maz, comment tu t’es intégré à cette chanson ?

Maz : C'est difficile à dire. Je ne l'ai pas forcément considéré comme son univers musical, c'était plutôt une chanson que j'aimais bien et comme je voulais collaborer avec Chaild, je me suis dit que c'était le moment. C'était une façon pour moi d'écrire dans un nouveau style, essayer des trucs que je ne connaissais pas.
Chaild : Maz n’a pas vraiment eu à trouver sa place. Il y avait un thème commun, qui peut toucher la plupart des gens, du coup, ça s’est fait assez naturellement.
Maz : On avait envie de travailler ensemble. Et c’était une période où nos univers n’étaient pas encore aussi développés. Aujourd'hui, si on écrivait quelque chose à deux, il nous faudrait combiner beaucoup de choses, nous poser plus de questions.

Lors du premier confinement, en mars 2020, vous sortez Circles, une seconde collaboration sur laquelle cette fois Maz tient le refrain, et Chaild les couplets. Quelle a été la genèse de ce titre ?

Chaild : En Angleterre je faisais beaucoup de musique, j’ai écrit ce titre que j’ai tout de suite envoyé à Maz et on a produit une première version. Le jour où on nous a annoncé le report de la date à la Kulturfabrik, il y avait une ambiance de fin du monde autour de nous.
Maz : Au début cette chanson parlait surtout de certaines personnes autour de nous, mais on s'est vite rendu compte que les métaphores qu'on a utilisées correspondait à l'atmosphère ambiante du monde…

Maz - (c) Riccardo Tomasini

Maz ©Riccardo Tomasini

Accompagné de 5 musiciens orchestraux et d’une large équipe de production, comment s’est construit ce titre ?

Maz : Tout le monde était vraiment motivé parce que personne ne savait ce qui allait se passer, la situation était particulière.
Chaild : C'était quand même assez glauque, on avait l'impression que le monde allait s'écrouler que c'était la dernière fois qu'on chantait…

De report en report, c’est finalement le 23 octobre 2021, que vous jouerez votre premier concert ensemble à la Kulturfabrik. Mais avant ça, vous avez donné un live inédit et expérimental sur la plateforme Kultur Kanal (kuk.lu) ?

Maz : C'était très différent du show que nous préparons pour la Kufa. À la base je devais être seul et finalement, on a travaillé tous ensemble, Chaild, l’éclairagiste Nina Schaeffer et moi.
Chaild : Au début on s’est dit qu'on ferait une performance à deux, à l’image d’un concert qu’on avait fait ensemble en août dernier…
Maz : On a pu travailler de Bruxelles, de la collocation, sur un truc spécial et nouveau. Ce n'était pas un concert classique, plutôt une sorte de performance un peu théâtrale et musicale, avec des moments de slam poetry, de chant, de rap. Il y a une histoire du début à la fin, dans laquelle on parle de 2020, ce qui s’est passait dans le monde…

À la Kufa, vous montrerez votre travail individuellement mais aussi ce qui vous rejoint. Quels sont vos plans pour ce concert ensemble ?

Chaild : Plus le temps passe, plus on évolue et on change. On avait préparé un set qui sera tout le contraire je pense. Nos chansons ont changé, on avait shooté des visuels, on s’est donné du mal… Certaines choses resteront mais on ne sait pas où on en sera dans un an, et pour l’instant c’est difficile de se projeter.
Maz : Ce sera quelque chose de très différent de ce qu'on a pensé à la base. La forme va rester, mais le contenu va être totalement différent. Le niveau va être lourd.

Récemment vous avez fait le choix de vous installer ensemble en collocation à Bruxelles. Pourquoi sortir du Luxembourg ?

Chaild : Après la crise, je ne pouvais plus vivre en Angleterre mais je ne voulais pas revenir au Luxembourg, je voulais aller dans une ville plus connectée.
Maz : Je voulais aussi sortir de Luxembourg, faire une formation d'ingénieur son, apprendre ces trucs là… J'ai eu un appel de Chaild qui m'a dit qu'il s’installait à Bruxelles, et on a emménagé ensemble en collocation à trois, avec un autre ami du lycée. C'est un rêve qui s'est réalisé.
Chaild : Pour moi, ce ralentissement a été le bon moment pour faire une formation en Histoire de l'Art et Musicologie. Mais étrangement, je ne me sens pas vraiment étudiant, parce que la musique occupe tout mon temps.

Aujourd’hui, quelles synergies quotidiennes trouvez-vous ?

Maz : On peut tout le temps se donner des feed-back, chercher des mélodies, écrire ensemble. J'ai mon meilleur ami toujours à côté de moi et je peux lui demander conseil. Avant on se voyait quasi que pour la musique, aujourd’hui c’est très différent.
Chaild : Depuis qu'on vit en collocation, on ne parle pas que de musique. On a trouvé un équilibre. Et puis, l’opinion de Maz est essentielle pour moi, ça m'aide énormément et d'un autre côté on se rend compte aussi qu’on est dans le même bateau. C’est dur d’être seul face aux obstacles. Ensemble on peut se rassurer sur nos situations respectives et relativiser.

Depuis la capitale Belge, quelles sont vos perspectives pour vos projets respectifs ?

Chaild : Après ma performance au Sonic Vision il y a deux ans, j'ai rencontré des personnes qui travaillent sur Bruxelles. Quand je suis arrivé ici je me suis connecté avec eux, des managers, des artistes… La toile s’étend, mon réseau se développe malgré la pandémie, c’est un peu plus long, mais tout se passe comme je l'avais envisagé.
Maz : On est un peu plus patient quand même après tout ce qui s'est passé…
Chaild : Oui c'est vrai. Quand j'ai commencé dans la musique, j'étais hyper stressé.
Maz : Moi aussi. Je pensais qu'à 20 ans je devrais « être signé », etc. Aujourd'hui, on se rend compte que ce n’est pas vraiment comme ça que ça marche, on a aussi appris de cette situation.
Chaild : Plus je travaille, plus je vois que des choses se déclinent même si d'autres n'aboutissent pas…
Maz : Personnellement, je suis venu à Bruxelles avec quelques plans. J’ai notamment fait une rencontre avec une agence ici, ça n'a rien donné, sans trop savoir pourquoi. J'ai commencé cette aventure avec une déception, mais comme toujours, on tombe, on se relève et on recommence. Aujourd’hui, je suis super heureux où j’en suis avec mon projet.
Chaild : On est tous les deux passés par une transformation de notre musique. Pour ma part ça va prendre encore un peu plus de temps, je suis en train de réaliser mon premier EP qui sera très différent. Ce qui est certain pour l’instant, c'est que pour la première fois, Maz et moi, on en est à un point où on aime nos propres sons. On fait des chansons qui sont vraiment nous, qui reflètent vraiment ce qu'on est. C'est ça la clé : faire des sons les plus authentiques possibles. Et ça commence à se refléter dans nos projets respectifs.

Avez-vous de la visibilité pour la suite de vos projets ?

Maz : J'ai énormément travaillé avec le producteur Sacha Hanlet – a.k.a. Them Light et le batteur de Mutiny on the Bounty, ndlr – qui a un style de production qui correspond à ce que je veux faire. C'est un grand fan de rap et de hip-hop et sa vision correspond parfaitement au crossover rock/métal/rap que j’opère actuellement sur ma musique. J’ai huit singles de finalisés, je suis en train de shooter les clips, pour une release du premier morceau le 8 février. Je vais sortir des titres toute l'année et peut-être un EP début 2022. Tout dépendra de la situation. En attendant j’ai hâte de recevoir les feed-back des gens et de me connecter avec de nouvelles personnes.
Chaild : Pour ma part, cette année, j'ai sorti consciemment moins de choses, pour me concentrer sur mes nouveaux projets. J'ai commencé à produire mon EP cet été avec le producteur Max Rogers, les chansons sont au mixage actuellement, et on commence à shooter les visuels le mois prochain. C'est la première fois dans ma carrière que j'ai l'impression qu'il y a des portes qui s'ouvrent à l'international.

Cette pandémie nous apprend à être patient…

Chaild : Avant, j'étais tout le temps stressé, aujourd'hui je n’ai jamais été aussi bien mentalement sur une période aussi longue. Même si c’est dramatique ce qui se passe, par rapport à la musique, à l’époque, quand je pensais à mon projet c'était 80 % de stress et 20 % de plaisir, aujourd'hui c'est l'inverse. Maz et moi avons la chance d'avoir trouvé des producteurs, qui ont pris l'essence de nos personnalités artistiques pour les mettre en musique…
Maz : C'est un sentiment de dingue,
Chaild : C'est transcendant.