"J’ai été entourée de musique avant même ma naissance"

27 jan. 2021
"J’ai été entourée de musique avant même ma naissance"

Article en Français
Auteur: Pablo Chimienti

Elle a tout juste dix-huit ans, mais déjà plus d’une décennie de concerts, de récitals et d’enregistrements à son actif. La pianiste slovéno-luxembourgeoise Zala Kravos est à l’affiche, le jeudi 4 février, du Festival de Piano Sciabine+ proposé par le CAPE à Ettelbruck. Rencontre avec la jeune pianiste.

Qu’est-ce qui vous attire autant dans le piano ?

ZK : Mon amour pour la musique est venu naturellement. J’ai été entourée de musique avant même ma naissance. Mes deux parents sont mélomanes et ils m’ont amené régulièrement voir des concerts. À l’âge de 2 ans, j’ai commencé à jouer sur le piano droit de ma tante, je voulais voir ce que faisaient toutes ces touches noires et blanches. Je crois que j’ai été aussi impressionnée par sa taille imposante. Mais je dois dire que j’aimais aussi beaucoup la harpe.

Vous avez donné votre premier petit concert à 5 ans à l’École européenne, où vous étiez élève, et votre premier récital dans une salle de concert à 11 ans. Comment expliquez-vous une telle précocité ?

ZK : J’ai commencé le piano comme un loisir, mais tout de suite de manière appliquée. Je travaillais un peu tous les jours et j’ai progressé très rapidement ; j’ai commencé à jouer en public au bout de quelques mois seulement, d’abord en tant que soliste et un peu plus tard avec des orchestres. J’ai été soutenue par mes professeurs au Conservatoire, d’abord Marco Kraus, puis Jean Muller, et aussi par l’association Artistes en herbe et sa fondatrice, la compositrice Albena Petrovic Vratchanska. Mais le plus grand pas vers une carrière de pianiste professionnelle a été à l’âge de 10 ans, quand j’ai été acceptée à la Chapelle musicale Reine Elisabeth de Bruxelles.

« C’est seule que j’ai décidé, à l’âge de 9 ans, de devenir pianiste professionnelle ».

À quel moment avez-vous décidé de devenir professionnelle ?

ZK : Je ne m’en rappelle pas exactement, mais mes parents m’ont raconté qu’à l’âge de 9 ans je leur ai clairement dit que je voulais devenir pianiste.

C’est très précoce, non ?

ZK : Oui, mais ça faisait partie de mon quotidien, j’avais déjà des concerts réguliers, c’était juste normal pour moi. D’autant plus que j’aimais beaucoup ce que je faisais. Mes parents ne m’ont jamais poussée, jamais mis la pression, mais ils m’ont toujours soutenue. C’est seule que j’ai décidé de devenir pianiste concertiste et peu après, j’ai réussi le concours pour entrer à la Chapelle musicale Reine Elisabeth. Ça a été un vrai changement pour moi. Il faut bien comprendre que la Chapelle n’est pas un endroit pour les enfants ; c’est un établissement prestigieux pour le perfectionnement des musiciens professionnels, mais ils font parfois des exceptions. C’était très enrichissant, j’ai reçu un enseignement de très haut niveau pendant 4 ans avec la grande pianiste portugaise Maria João Pires et son assistante Sylvia Thereza.


Zala Kravos © Ti Zhou 

Votre premier album a été enregistré en 2017, vous aviez à peine 14 ans. Il comprend des morceaux de Brahms, Liszt, Chopin, ainsi qu’une œuvre contemporaine. Qu’est-ce qui fait qu’une œuvre vous touche plus qu’une autre ?

ZK : Le sujet principal de ce CD était le romantisme, avec Chopin et une facette plus sombre avec Brahms. Liszt fait un peu le pont entre les deux. Ce sont des œuvres que j’avais beaucoup jouées, plus de trois ans, avant de les enregistrer. Pour moi ce CD représente la fin d’une période puisque c’était en quelque sorte la fin de mon enfance. Mais c’est vrai que je me sens très proche du romantisme, et particulièrement de la musique de Chopin. Le CD contient aussi cette œuvre contemporaine qu’Albena Petrovic-Vratchanska, la présidente des Artistes en herbe, a composée expressément pour moi quand j’avais 11 ans. Depuis toute petite, j’essaye de jouer des musiques de toutes les époques, du baroque jusqu’au XXIe siècle.

« Scriabine, un compositeur fascinant »

Liszt et Brahms ne seront pas au programme de votre concert du 4 février au CAPE d’Ettelbruck ; Chopin si, mais la soirée et l’ensemble du festival Piano+ sont dédiés à Alexandre Scriabine. C’est un compositeur qui vous parle ?

ZK : Je n’ai pas eu l’occasion de jouer Scriabine jusqu’ici. Le festival m’a fait découvrir concrètement ce compositeur fascinant. Dans le programme du 4 février, je vais jouer trois de ses œuvres de jeunesse, écrites à la fin du XIXe siècle. Elles sont plutôt romantiques, un peu dans le style de Chopin. Des pièces très pianistiques, à la musique subtile et intime. La Sonate n° 2 est une belle combinaison de romantisme et d’impressionnisme, l’Étude op. 8, est un défi, une pièce virtuose, avec de grands intervalles, des sauts et des accords répétés très rapidement…

Vous parlez de défi, parlons de celui que représente le Prélude et Nocturne pour la main gauche, qui se joue, comme le titre l’indique avec la seule main gauche. C’est tout à fait inhabituel.

ZK : Oui. Le challenge c’est que ça sonne comme si c’était joué à deux mains. Le public ne doit pas entendre que c’est joué uniquement avec la main gauche. Dans ce Prélude et Nocturne il y a une mélodie simple et, en dessous, un accompagnement, qui doivent être bien séparés. Il y a une certaine indépendance des doigts à maîtriser. Donc, oui, c’est un défi, mais c’est aussi très intéressant à travailler.

Qui a choisi le programme de la soirée ?

ZK : On m’a décrit l’idée, le fait que ça devait tourner autour de Scriabine, à moi, ensuite de trouver des liens entre ses œuvres et entre lui et d’autres compositeurs. Le lien le plus fort que je présente dans ce récital, c’est celui entre Scriabine et Schumann. Il y a de grandes similitudes entre leurs biographies et leurs musiques. Ils aimaient, par exemple, tous deux mettre leurs changements d’humeur soudains dans leur musique. Ça s’entend d’ailleurs dans le Carnaval de Schumann qui sera l’œuvre centrale du concert.

Votre album date déjà de 2018, y en a-t-il un autre en préparation ?

ZK : En effet. Il est trop tôt pour moi pour faire un album solo – le premier étant une sorte de carte de visite – mais je joue régulièrement des programmes à 4 mains avec mon frère cadet Val. Et nous avons le projet d’enregistrer un album ensemble.

Pour plus d’informations :
Zala Kravos : www.zalakravos.eu
Festival de piano Scriabine+ : https://cape.lu