Kid Colling

05 fév. 2024
Kid Colling

© Caroline Martin
Article en Français
Auteur: Pablo Chimienti

Il est fatigué, vient de rentrer de quelques jours à Paris et n’a pas beaucoup dormi, mais Stéphane « Kid » Colling est un de ces artistes toujours prêts à répondre à toutes les demandes et à toutes les questions. Un gars superbe doublé d’un grand artiste, comme on peut désormais l’entendre dans le deuxième album de son « Cartel », Living on the Wild Side. Une galette ultra blues, ultra rock, ultra énergique et ultra bien produite avec 10 nouveaux morceaux inspirés par sa vie, ses expériences, ses sentiments, mais aussi son long séjour dans le berceau du jazz, la Nouvelle-Orléans. Rencontre.

 

Sept ans après In the Devil’s Court, voilà que sort Living on the Wild Side, deuxième album du Kid Colling Cartel. Alors certes, il y a eu une petite pandémie mondiale entre les deux ; mais à part ça, pourquoi autant de temps ?

Kid Colling : J’ai tout d’abord surfé sur la vague du premier album qui a pas mal fonctionné. Ensuite, en 2018, mon père est tombé gravement malade et j’ai dû m’occuper de lui. Ça m’a mis un gros coup, c’est quelqu’un qui a toujours cru en moi et voir la maladie le ronger pendant un an m’a beaucoup freiné dans ce que je faisais. Il nous a quittés en 2019 et sa disparition m’a fait tomber dans une sorte de trou émotionnel. Je me sentais perdu. Même musicalement, j’avais du mal à prendre du plaisir. C’est alors que j’ai décidé de partir pour la Nouvelle-Orléans pour me ressourcer. Ça m’a fait vraiment du bien. Mais voilà, je suis revenu en Europe le 10 mars 2020, joué un « welcome back » concert le 13 et après, le 15, lockdown ! Ça m’a remis un deuxième coup. Certains artistes ont été boostés par le COVID et le confinement ; pas moi ! Je me suis retrouvé comme de retour à la case zéro. Mais bon, j’en ai tout de même profité pour un peu retravailler tout le matériel que j’avais ramené de la Nouvelle-Orléans et, très lentement lancer le nouvel album dont on voit enfin le résultat.

Kid Colling
© Caroline Martin

On dit souvent que les artistes se nourrissent, artistiquement parlant, de ces coups durs…

C’est clair. Les gens qui ont quelque chose à raconter sont des gens qui ont vécu des choses. Sans vouloir paraître prétentieux, je pense qu’il y a du vécu dans les textes et les histoires que je raconte. C’est d’ailleurs ce que m’ont dit, quand on a signé, les gens du Label Rock’n’Hall de Dixiefrog. Ils ont parlé de l’honnêteté et du vécu qu’ils sentaient dans ce nouvel opus. Car le vécu fait évoluer et grandir. Je ne suis pas le genre qui voit un truc ou vit une galère et dès qu’il rentre chez lui, il écrit un morceau dessus. Chez moi, ça a besoin d’un peu de temps pour mûrir. Mais il est clair qu’avec la musique, je fais une sorte d’autothérapie.

Revenons à ce voyage à la Nouvelle-Orléans ; c’est plutôt la capitale du jazz, pas celle du blues. Pourquoi ne pas être allé à Nashville par exemple ?

Nashville est surtout connue pour la country. En fait, encore du vivant de mon père, je m’étais retrouvé une fois à New York ; lors d’une jam-blues, des gars m’ont dit : « il faut que tu ailles à Chicago, tu vas surkiffer ». Mais voilà, l’été on joue beaucoup, du coup, je pars surtout en hiver, quand la scène est plus calme. Mais franchement, je n’ai pas envie de partir en hiver à Chicago ! Du coup, j’ai décidé d’aller plus au sud là où le climat est meilleur qu’ici. Mais j’avais juste prévu de commencer par la Nouvelle-Orléans ; je voulais remonter le Mississippi, aller jusqu’au Tennessee en passant par Memphis et Nashville. Mais en fait, au bout de trois jours à la Nouvelle-Orléans, j’ai rencontré Danny Alexander, un musicien du coin, lors d’une jam. Il m’a invité à monter sur scène et on a tellement matché qu’il m’a invité le lendemain à le rejoindre sur une autre scène. Après quoi, on ne s’est plus quitté. Et j’ai passé mon temps à jouer 5 fois par semaine à la Nouvelle-Orléans avec lui. Du coup, sur tout mon séjour là-bas, je n’ai pris que 10 jours de libre pour découvrir Memphis, parce que je voulais absolument voir la Bay Street. Alors, oui, la Nouvelle-Orléans est jazz, mais j’avais trouvé mes repères là-bas.

« Je n’ai pas toujours été un ange »

Du coup, qu’il y a-t-il de cette New Orleans dans Living on the Wild Side, dans ces dix nouvelles chansons ?

Plein de choses. Non seulement l’expérience et le vécu, comme on vient de le dire, mais aussi des chansons qui sont inspirées de choses que j’ai vécues ou entendues sur place. Le morceau Cold blooded, par exemple vient de l’histoire d’une meuf jalouse qui a pété un câble, est entrée dans un bar et a buté son ex. C’est une histoire vraie que m’a racontée un jour le batteur avec qui je jouais pendant une pose lors d’un concert alors que des gens faisaient péter des ballons à l’extérieur. J’ai senti qu’il était tendu, il m’a dit que, ce n’était pas quotidien, mais qu’il y avait régulièrement des fusillades dans le coin et qu’une des dernières, c’était justement cette fille. Ça m’a inspiré cette chanson qui parle d'histoires d’amour qui peuvent finir mal. Après tout, on a tous brisé des cœurs et personnellement, je dois bien reconnaître que je n’ai pas toujours été un ange dans ma jeunesse (il rit). Du coup, la chanson est un mélange de ce qui s’est passé à la Nouvelle-Orléans et de mon propre vécu. Long way to go a également été écrit là-bas, mais parle de cette période où j’étais un peu dans un trou et de cette longue route à entreprendre pour se reprendre et d’aller de l’avant. Living on the Wild Side m’a été inspiré par le dernier concert qu’on a joué avec Danny, dans un concessionnaire Harley-Davidson qui faisait une porte ouverte. C’était surréaliste avec toutes ces motos, ces clubs de motards qui faisaient tout type de battle pour savoir qui avait les plus grosses jantes, qui faisait les plus beaux drifts, qui avait la plus grosse sono… C’était fou, mais j’ai trop kiffé cet esprit libre et rebelle.

Et du coup, le titre de ce morceau a donné le titre à l’album. Et on peut ainsi voir comme une évolution ; il y a eu In the Devil’s Court et maintenant Living on the Wild Side… On n’a pas encore atteint le bonheur, mais on est déjà bien avancé par rapport à quand on était avec le diable.

Carrément ! In the Devil’s Court était un cri du cœur pour se libérer de toutes les influences néfastes. Living on the Wild Side présente plus un rebelle qui n’accepte plus tout ça et se met un peu à l’écart du groupe, pour poursuivre son chemin en solitaire, tout en étant dispo pour filer un coup de main quand il y en a besoin. Un peu à la Han Solo dans Star Wars.

« J’avais très envie de partir vers quelque chose de plus alternatif »

Alors, l’album présente dix nouvelles chansons et un petit extra, une « Radio Edit ». Il est toujours blues, mais encore plus rock et encore plus énergique que ce que le Kid Colling Cartel a proposé par le passé. Et il y a un travail très intéressant aussi au niveau du son. Comment ça s’est passé au niveau de la production ?

Je commence toujours par la musique. Quand je trouve une ligne qui m’accroche, j’entends la mélodie qui vient et ensuite j’écris le texte en partant, comme on l’a dit, de mon vécu et en le mélangeant à de la fiction. Après, on s’attaque au son et ça dépend des influences qui me viennent. Là, j’avais très envie de partir vers quelque chose de plus alternatif, à la Gary Clark Junior. C’est une évolution assez naturelle dans le sens où, même si j’en joue très volontiers sur scène et que j’aime ça, je n’ai pas envie de faire du blues traditionnel. J’essaye de trouver quelque chose qui correspond plus à mon état d’esprit du moment, comme c’est le cas des micros saturés ou de gros riffs de guitare, qui sont très rock, pour garder un esprit roots.

La guitare prend beaucoup de place d’ailleurs.

Oui, la guitare prend une place primordiale, c’est clair. En revanche, ce qui change un peu, c’est que je n’ai pas voulu rentrer dans une structure de blues cliché, c'est-à-dire une mesure blues, qu’on développe, puis on a la guitariste qui prend une grille, ensuite il y a le piano qui prend une grille, après c’est un chorus d’harmonica, etc. Je voulais un album plus affiné, plus écrit, avec une structure musicale parfois différente de la grille de chant. Il y a eu tout un travail d’écriture à ce niveau-là.

« Je raconte donc mon histoire »

On retrouve dans l’album le Cartel habituel : David Franco à la basse et Florians Pons à la batterie, avec juste Markus Lauer qui remplace Alex Logel aux claviers, mais aussi 2 featuring, un avec Daniel Restrepo – El Gato, une chanson en partie en espagnol – et un avec Johanna Red – I’ll Carry You –, morceau dans lequel on ne vous entend pas du tout, en tout cas pas chanter. Racontez-vous ces feats.

I’ll Carry You est un morceau que j’ai écrit dans un vrai style blues, parce que c’est tout de même de là que je viens. J’ai écrit les paroles et en même temps, je travaillais sur l’album de Johanna Red qui sortira en juin et pour lequel j’ai écrit quelques titres ; et je me suis rendu compte que je n’arriverais pas à transmettre ce texte aussi bien qu’une femme pourrait le faire. Je lui ai donc proposé de chanter ce morceau. Mais ça reste bien ma musique et mes paroles, et puis, on m’entend bien à la guitare. L’histoire de El Gato est assez spéciale aussi. Tout est parti du jeu vidéo The Last of Us. C’est un chef d’œuvre et sa bande son, au ukulélé et au banjo, est énorme. Je me suis donc acheté un ukulélé juste pour pouvoir jouer le thème qui est magnifique, à la fois simple et dark. À force de jouer du ukulélé, j’arrive sur une ligne qui sonne très hispanique et dans ma tête, ça a fait tilt : « El Gato ». Ça veut dire le chat en espagnol et c’est mon autre surnom, aussi bien dans le milieu de la musique que du roller, car on dit que les chats retombent toujours sur leurs pattes. À travers ce personnage, je raconte donc mon histoire, un gars né en Colombie, adopté, qui est arrivé en Europe, qui a grandi au Luxembourg et qui a trouvé son chemin à travers la musique. Comme j’ai des amis musiciens à Bogota, j’ai demandé à mon pote Daniel s’il voulait faire le refrain. C’est lui qui l’a écrit d’ailleurs ; et il a compris exactement ce qu’il fallait.

L’album sortira le 9 février avec une release party prévue au Club de la Rockhal. Quel sera le programme ?

En première partie, on a San-Ho-Zay, qui va jouer du bon blues comme on l’aime, avec Ewen Curelli au chant et le parrain du blues luxembourgeois, René Cavallini, à l’harmonica. Après ça, il y aura le Cartel qui aura le plaisir d’accueillir un nouveau membre, Laurent Pisula, à la deuxième guitare qui va donner une toute autre dimension au son. J’ai vraiment hâte.

https://www.kidcolling.com

https://rockhal.lu/shows/kid-colling-cartel/