22 juin. 2022Where is the light coming from - Julie Wagener
Jusqu’au 9 juillet Julie Wagener montre Where is the Light coming From à la Reuter Bausch Art Gallery qui l’aura accueilli in fine un mois durant, et la représente dorénavant. Un pas vers un autre monde pour l’artiste luxembourgeoise qui a côtoyé par le passé, les cadres institutionnels de l’art contemporain autant que les travaux de commission privée. Dessinatrice à l’origine – et toujours d’ailleurs, l’illustration restant un refuge de fantasmagories – Wagener se découvre une nouvelle facette artistique dans la peinture en 2018. Par la peinture, la voilà trouver un nouveau moyen d’expression artistique pour parler du monde et ce qui l’occupe en tant qu’individu de notre siècle. Se décline ainsi, une difficile réalité, où l’individu, celui présent corps et âme dans son travail pictural, est éprouvé par la vie. Where is the Light coming From évoque les conséquences sur la société des crises successives – géopolitiques, économiques et environnementales – qui écrasent notre monde et étourdissent l’humanité. Dans son œuvre, cela s’explique comme suit, « l'incapacité ou l'impossibilité de changer ou de s'adapter aux conditions existantes imposées par le système conduit à l'aliénation et aux conflits d'identité ». Wagener peint les paysages d’une « angoisse existentielle », à la peinture à l’huile, sur la toile.
Bonjour Julie. Pour débuter, j’aimerais reprendre les mots que vous m’aviez confié en 2018, à notre première rencontre, « afin de fortifier mon vocabulaire visuel et de faire évoluer mes compétences artistiques, j’envisage investir plus de temps à définir un concept plus précis et fondé qui guidera ma création dans le futur ». Avec ces quatre dernières années pour recul, comment décrieriez-vous finalement l’évolution de votre pratique artistique jusqu’à aujourd’hui ?
C’était à propos de mon activité d’illustratrice - un travail qui se diffère pas mal de ma peinture au niveau de la forme et du contenu - et pourtant cette déclaration peut aujourd’hui être appliquée aux deux volets de ma création.
En ce qui concerne l’illustration, je me suis accordé le temps pour travailler sur des projets personnels et ainsi trouver – ou plutôt retrouver – un langage visuel qui revenait un peu à « ses racines », c’est-à-dire, un travail qui n’avait pas besoin de plaire à des clients mais dont le seul but était de satisfaire mes besoins et mes envies. Le travail avec le client me plaît énormément mais depuis le début de mon activité, en 2015, il m’avait peu laissé l’occasion de vraiment évoluer dans mes créations. Je me sentais bloquée par les contraintes qui vont toujours avec une commande et j’avais de plus en plus du mal à me retrouver dans ce que je produisais.
C’est pour cette raison que 2018 fût l’année où j’ai découvert la peinture à l’huile. Ce besoin de trouver d’autres moyens et façons pour m’exprimer m’a mené à prendre quelques cours chez un ami peintre. Puisque je n’avais jamais travaillé la peinture, j’avais tout à coup le sentiment que je pouvais complètement changer non seulement de vocabulaire visuel mais aussi de discours.
Je dirais donc que depuis 2018 j’ai réussi à concrétiser et à affiner mon discours artistique en créant deux mondes qui dialoguent souvent mais qui fonctionnent quand même de manière indépendante. L’illustration reste mon refuge fantastique dans lequel tout est permis et la peinture est devenu mon moyen d’aborder et de communiquer sur des sujets qui m’occupent dans mon quotidien d’individu au 21e siècle.
Depuis le début de l’année 2022, votre travail est logé et représenté par la galerie Reuter Bausch. Pourriez-vous nous raconter votre rencontre avec ce monde des galeries, le marché de l’art, et bien-sûr la galeriste Julie Reuter ?
Julie Reuter avait vu mon travail lors du jury de sélection pour le Salon du CAL en 2021. Elle s’est présentée lors du vernissage et on a assez vite conclu que nous devions travailler ensemble. Le fait d’être représentée par une galerie donne accès à tout une panoplie de plateformes et ouvre de nouvelles possibilités professionnelles et du coup je suis évidemment très contente que Julie m’ait repérée et je suis certaine que la collaboration avec la galerie Reuter&Bausch sera fructueuse et instructive, et qu’elle va influencer mon parcours professionnel de manière positive.
Depuis le 9 juin et ce jusqu’au 9 juillet vous montrez Where is the Light coming From à la Reuter Bausch Art Gallery. Une exposition solo dans laquelle vous livrez vos questionnements autour de la « construction de la Selbst-Verständnis (compréhension de soi) de l'individu du XXIe siècle ». Quel a été le fil conducteur et les pistes de réflexion qui ont guidé cette exposition, de son idée source à sa mise en cimaise ?
Je travaille le sujet depuis le début de mon travail de peintre en 2018. Depuis, la conception des œuvres se fait sous l’étoile de cette thématique et ça de manière assez « instinctive ». Je ressens un grand besoin de communiquer sur les sujets évoqués et du coup c’était évident pour moi de continuer dans cette ligne et de proposer des œuvres qui font visuellement et de contenu part de ce questionnement.
Je montre des personnages qui semblent être dans un état vulnérable – immobile, couverts, ou repliés sur eux-mêmes –. Après je travaille l’ambivalence – sommeil ou mort ? couette ou linceul ? flottant ou pendant ? – Le fait de ne pas savoir interpréter ou comprendre avec certitude ce qu’on est en train d’observer et de vivre est – pour moi – proche du ressenti provoqué par des angoisses existentielles.
Votre travail pictural fait résonner une vision d’états psychiques dits marginaux, dans le sens de « tabous », dans notre société. Des troubles violents et pénétrants, que chacun peut rencontrer néanmoins pour les subir seul. Et c’est aussi de cela dont il s’agit dans Where is the Light coming From, de solitude et également d’un vide qui « s'installe et devient un élément à part entière de la composition », comme vous l’écrivez. Pourriez-vous développer ce point si palpable dans votre œuvre ?
D’abord le vide suggère l’absence de quelque chose. Après je schématise l’espace autour des personnages ou bien je renonce complètement à des repères spatiaux. J’évite une mise en contexte trop explicite pour donner lieu à une scène « neutre » qui ne cache pas d’éléments qui pourraient aider une interprétation. Personnellement, je vois la chambre où est « coincé » Dave Bowman à la fin de 2001 : A Space Odyssey. Il y a des repères spatiaux, certes, même une routine, mais on a quand même ce sentiment étrange d’être nulle part et on n’est pas très sure de comment on en est arrivé là. Une autre phrase issue de mes sources d’inspiration cinématographique : Twin Peaks où à un moment le protagoniste se demande « Where Am I and how can I leave… » Bref, le vide, ou bien la neutralisation du contexte, existe dans mon travail dans l’idée de suggérer ce sentiment de désorientation qu’on peut ressentir face à la vie qu’on mène.
Les mains de vos protagonistes sont un élément essentiel dans vos compositions picturales. Celles-ci, tantôt crispées, rigides ou fermée, serrées, empoignants ou pinçant, ballantes, endormies ou mortes, sont les témoins de référence du malaise que vous évoquez à chaque toile. Pourquoi attacher une telle importance aux mains dans votre travail artistique ?
Personnellement je trouve une main beaucoup plus expressive qu’un visage, ou en tout cas plus loquace. Parfois elle révèle des choses que le visage arrive à cacher. Pour moi elle est donc un moyen pour suggérer un état émotionnel de manière discrète. Elle parle sans paroles. Sinon, à mon avis, c’est un élément très esthétique et cela me procure tout simplement un petit bonheur de peindre une main.
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