23 aoû. 2023TRIANA Y LUCA
Citoyens du monde, basés entre les Pays-Bas et le Grand-Duché, Triana y Luca se sont frayés un chemin bien à eux dans le milieu des musiques actuelles. Loin de tous les styles de musique à la mode dans nos régions, le duo propose un nuevo folklore, en espagnol, pensé comme un pont entre différentes cultures, traditions et légendes qui a su toucher les professionnels du secteur et remporter de nombreux prix, comme ça a été le cas au Screaming Fields 2022. Leur premier EP, Fragmentos del Olvido, est sorti aux débuts de cet été. Rencontre avec un duo vraiment pas comme les autres.
Triana y Luca, qui êtes-vous ? Pouvez-vous nous présenter votre duo ?
Luca Vaillancourt : On est un duo qui fait de la musique inspirée par la musique folklorique et traditionnelle latino-américaine et espagnole. C’est une manière de retrouver nos origines, en sachant que, moi, j’ai des origines espagnoles et que Triana espagnoles et mexicaines. On essaye de redécouvrir ces cultures et ces traditions dont, nous, en tant qu’émigrants et fils d’émigrants, on s’est retrouvés un peu éloignés.
Racontez-nous votre rencontre.
Luca Vaillancourt : On s’est connus à Maastricht, où je suis allé pour étudier la guitare jazz. Je suis arrivé quelques jours avant le début des cours pour assister à une fête qui se tenait dans ma nouvelle maison. Triana faisait partie des invités, je l’ai donc rencontré le premier jour que je passais là-bas. On a commencé à discuter, elle me dit qu’elle chantait et qu’elle avait besoin de musiciens pour jouer dans un festival qui se tenait une ou deux semaines après. Elle m’a alors demandé si je savais jouer de la guitare flamenco, j’ai dit oui, ce qui n’était pas vrai du tout. Mais bon, comme elle n’était pas non plus une chanteuse de flamenco, ça passait. Ça a été notre premier concert. Depuis, on n’a pas arrêté.
Et comment, de cette rencontre et de ce concert, est né ce duo ?
Triana Segovia : Depuis ce jour-là où nous avons joué en quartette, avec batterie et contrebasse, Luca et moi on s’est rendus comptes qu’on aimait tous deux beaucoup jouer le même genre de musique, et qu’on s’intéressait à la musique traditionnelle et populaire aussi bien espagnole que latinoaméricaines. Une connexion forte entre nous est née à partir de là et nous avons commencé à faire de la musique ensemble en tant que duo.
Qu’est-ce qui vous attire autant dans ces musiques traditionnelles et folkloriques ? Et pourquoi c’est important, en 2023, de continuer à les faire vivre et évoluer ?
Triana Segovia : Ce que nous essayons de faire c’est rendre hommage à des traditions qui sont en train de se perdre ou du moins desquelles la jeunesse est en train de se déconnecter. Aujourd’hui, ce qu’on constate dans plusieurs genres de musiques folkloriques c’est que soit t’es un maître en la matière, expert de la question qui consacre quasiment sa vie à ça et tu joues ton genre de la manière la plus traditionnelle possible, soit t’es rarement connecté avec ce genre. Ce n’est pas nécessairement que tu n’aimes pas, mais tu ne le connais pas vraiment et donc tu ne l’écoutes pas et tu ne te sens évidemment pas proche de ça. Nous essayons d’être un pont ; un pont entre ces musiques qui finalement sont assez éloignés de nous – nous n’avons pas appris le flamenco o le cuatro venezolano avec des grands maîtres – mais que nous aimons, que nous avons appris à notre manière et, plus important de tout, que nous asseyons d’apporter à un public jeune grâce à un style plus pop ou singer-songwriter.
Votre premier EP, Fragmentos del Olvido, autrement dit Fragments de l’oubli, est sorti le 23 juin dernier. Il contient cinq chansons. Peut-on dire qu’il est représentatif de ce qu’est Triana y Luca ou faut-il juste le voir comme un premier vers un style encore en construction ?
Luca Vaillancourt : Je pense que, comme tous les artistes, nous sommes toujours en développement. Et en ce qui nous concerne, nous voulons continuer à approfondir nos connaissances des différentes influences et différentes musiques dont nous avons déjà parlé. Nous comptons aussi faire des recherches plus vastes au niveau de ces cultures, de ces traditions, de ces folklores, de la nature environnante… pour ensuite tenter d’intégrer tout cela dans notre musique. Ce premier EP est maintenant disponible et nous pensons déjà au prochain, on a d’ailleurs déjà de nouvelles chansons qu’on joue déjà en live. Disons que c’est une exploration qu’on aime bien, de différentes choses. C’est ce qu’on appelle le nuevo folklore, quelque chose d’assez global qui ne se limite pas à un style en particulier. Rien ne nous empêche, par exemple, de mélanger la musique traditionnelle d’argentine avec la musique mexicaine et le flamenco dans une même et seule chanson. Le tout avec, pourquoi pas, aussi une sonorité jazz.
L’EP contient cinq morceaux : Raiz (NDR : Racine), Recuerdos de Tànger (Souvenirs de Tanger), El Colibri (Le Colibri), Malinche et Aguamarina (Aigue-marine). Comment naissent vos chansons ? Comment travaillez-vous ?
Luca Vaillancourt : Je suis quelqu’un de super théorique, j’ai appris les accords, le jazz… alors que Triana n’a jamais étudié le solfège, ce qui fait que parfois c’est un peu difficile, mais en même temps c’est dans cette différence que nait cette richesse. Alors, comment on travaille ? Souvent Triana arrive avec des accords de guitare ou moi je propose une mélodie ; notre façon de travailler est quelque chose de très organique finalement.
Et les thèmes des chansons, comment les choisissez-vous ?
Triana Segovia : Raiz est une chanson que nous avons écrit pour un film dans lequel a joué Luca – c’est un film luxembourgeois qui n’est pas encore sorti en salle – ; j’ai écrit les paroles en voulant très précisément mélanger le style des rancheras mexicaines avec une influence espagnole. Elle propose un texte très descriptif sur la migration, sur les sentiments qui accompagnent les migrants et sur les problèmes qu’on peut rencontrer dans ce chemin. On a voulu que ce soit la première chanson de l’EP parce qu’elle est représentative de ce qu’est la musique. Mais chaque chanson est très différente, celle-là est planante, tandis que El Colibri, c’est un conte un peu mystique sur une légende latino-américaine. Elle a été écrite presque exclusivement par Luca qui était devenu obsédé par la musique llanera du Venezuela et de Colombie, juste après une classe avec un cuatrista très célèbre du Venezuela. Encore une fois, à notre manière parce qu’on n’est pas des spécialistes de la musique llanera. Augamarina, quant à lui, est le morceau le plus expérimental, c’est quelque chose venue directement du cœur, sans style précis avec des mélodies sorties de nulle part, un texte inspiré du flamenco mais un chant qui n’est pas du tout flamenco. Mais c’est venu comme ça. Notre producteur nous a, après, aidé à bien l’enregistrer en lui donnant un fil rouge du début à la fin. Mais tout le processus autour de cette chanson a été un peu fou.
Le groupe est né à Maastricht, l’EP a été enregistré et produit au Luxembourg, tout en sachant que vous chantez uniquement en espagnol. Du coup quelle est la nationalité de tout cela ? Et quel est le rôle de vos racines hispaniques et du déracinement dans tout ça ?
Luca Vaillancourt : C’est un sujet très difficile qu’on essaye justement d’explorer à travers notre musique. Je suis né au Luxembourg mais polonais et canadien du côté de mon père et espagnol du côté de ma mère tandis que Triana est mexicaine et espagnole mais est née au Canada. Comme notre musique qui est difficile de définir clairement, il m’est difficile de dire qui je suis, comment je me sens où je suis. Mais finalement c’est une question superflue pour nous. Et finalement tout ça nous donne une très grande liberté. Nos origines sont celles-là, mais ça ne nous empêche pas de nous réinventer ; et il en va de même avec notre musique. On n’est pas obligés de se restreindre à un style particulier et on n’est pas obligés de se restreindre à le faire « correctement », de manière traditionnelle.
Triana Segovia : Par contre, l’EP est effectivement en espagnol, mais je tenais à dire qu’on chante aussi souvent en portugais.
Dans un de vos posts sur vos réseaux sociaux, on voit que la plupart des gens qui vous écoutent par streaming se trouvent au Mexique. C’est pour le moins rare pour un groupe luxembourgeois-néerlandais.
Triana Segovia : Oui, c’est vrai. Mais c’est parce que ce style que nous jouons, le nuevo folklore, est devenu très populaire au Mexique. C’est devenu mainstream là-bas, surtout chez les jeunes. C’est ce qui explique, je pense, ces streams depuis là-bas.
Luca Vaillancourt : Je pense aussi que notre musique apporte un message très universel sur la migration, le déracinement, le sentiment culturel… même quand on ne comprend pas nécessairement la langue, je pense que la musique est un médium qu’on peut toujours comprendre. Et je pense qu’au Luxembourg, beaucoup de monde est touché par ces thèmes.
Comment voyez-vous la suite pour ce projet ?
Luca Vaillancourt : On rêve d’une tournée au Mexique, mais nous devons, pour ça, encore trouver plus de fans et de nouvelles opportunités. Mais nous sommes en train de préparer une petite tournée en Espagne et au Portugal en septembre et octobre.
Triana Segovia : Pour le reste, nous travaillons sur de nouveaux morceaux. Je pense qu’on va les sortir individuellement et nous laisser le temps pour un futur EP ou un album car nous voulons aussi approfondir notre travail en vidéo. Nous aimerions sortir un visuel EP avec un documentaire ou un mini-film qui utiliserait les textes des chansons comme scénario. Mais bon, ça demande du temps et une grande équipe de tournage que nous devons encore trouver. Il y a donc plein de projets, mais nous sommes encore en phase de réflexion.
https://trianayluca.com
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