GOD EGO DOG - « Victor Tricar ™»

27 avr. 2023
GOD EGO DOG - « Victor Tricar ™»

Autoportait (aux cheveux blancs). Acrylique et collage sur bois, © Victor Tricar, 2017
Article en Français
Auteur : Godefroy Gordet

Au début de l’année, Victor Tricar poste sur sa chaîne YouTube une vidéo relativement barrée, où il met en scène une émission télévisée culturelle, baptisée « Art Art Arrêtez-vous ! », dans laquelle il se fait interviewer par son alter égo journalistique Leonardo Di Carpaccio, à propos de la sortie prochaine de son premier livre, GOD EGO DOG. Fidèle à lui-même, Tricar fait dérailler son soi intérieur et en toute logique, autoédite un livre de quasi 170 pages qui rappelle sa personnalité truculente. Peintre, poète, graphiste, l’artiste luxembourgeois d’adoption se dévoile totalement là-dedans, montrant plus de quinze années de travaux d’une grande diversité, évidemment sous la signature « Tricar », reconnaissable entre mille.

NEW BEAUTIFUL ERA - Acrylic and collage on plastic - 75x48inch- 2015
NEW BEAUTIFUL ERA - Acrylique et collage sur plastique, © Victor Tricar, 2015

Il n’a jamais eu pignon sur rue du côté du grand bain muséal étatique… Après de nombreux voyages à travers le monde, y exposant de pays en pays, à son retour au Grand-Duché, si la Luxembourg Art Week le loge en son catalogue depuis quelques années, il ne connait point de ferveur institutionnelle.

En même temps, son travail artistique revêt une personnalité tout à fait hors circuit et puis, quoi qu’on en dise sa légitimité a largement été prouvée d’un projet à l’autre. Car s’il est artiste pluridisciplinaire, il est aussi de tout vagabondage en ce qui concerne le support de son travail ou l’action de comment s’y prendre pour « faire œuvre », et outre son implication dans le HARIKO, le voilà s’investir au cœur des Nuits de la Culture de Esch-sur-Alzette, ou encore avec l’Escher Jugendhaus, tant de projets magnifiques.

Aussi, à côté, il publie GOD EGO DOG, un livre qui se découvre sous trois dimensions, l’une inspirée par les dieux de l’art, l’autre par son égo dressé à ses propres fins, et la dernière infusée de sa banale et chienne de vie, celle que nous connaissons tous, sans regrets. GOD EGO DOG est un livre par lequel on entre dans la tête de l’artiste et de l’homme qu’est Victor Tricar, pour y déceler une belle folie douce, source de son caractère artistique. Tricar présentera l’ouvrage le 5 mai prochain et le connaissant, il n’a pas prévu de faire dans « la dentelle ordinaire ».

Salut Victor. Tu te définis tel « un artiste pas comme les autres », en tout cas ton double journaleux – Leonardo Di Carpaccio – l’exprime ainsi. Pour commencer, pourrais-tu te définir en tant qu’artiste, ainsi que ton travail, au regard de ce que tu considères comme les grandes étapes de ton parcours ?

Déjà, je ne prends aucune responsabilité vis-à-vis de ce qui sort de la bouche de ce Leonardo Di Carpaccio, c’est déjà assez dur de répondre à ses questions pompeuses, avec tout le respect que je lui dois ! Mais quel intello ! Il me tue… J’ai arrêté de vouloir définir l’art ou comprendre mon chemin, j’essaye de mettre un pied devant l’autre, chaque jour, de marcher droit, bien ancré dans le réel sans oublier de regarder le ciel… Un jour, quand je ferai ma fête cosmique là-haut, d’autres s’amuseront à expliquer les grandes étapes de mon parcours, à analyser ma peinture... Bref, chacun sa place, moi je peins, et c’est déjà pénible d’acheter son temps à cette société pour avoir le luxe de se retrouver libre dans son atelier… et quand j’y arrive, c’est une fête !

ROSA MYSTICA - Acrylique, pastels gras et collage sur toile, Luxembourg, 2017
ROSA MYSTICA - Acrylique, pastels gras et collage sur toile, © Victor Tricar, 2017

En acharné que tu es, tu publies ton premier livre GOD EGO DOG, un « ovni » littéraire et visuel que tu conçois de A à Z sur les deux dernières années dans une démarche libertaire d’autoédition. Dans cet ouvrage, tu compiles une quinzaine d’années de ton travail artistique, entres peintures, textes en prose, poèmes, graphismes et croquis. Dans ce livre, tu exposes ton travail, mais aussi et surtout, par celui-ci tu te racontes toi, l’artiste, mais aussi toi, intimement, en tant que personne. À quel moment as-tu ressenti ce besoin d’introspection autant que d’extrospection dans la poursuite de ton cheminement artistique ?

L’art, c’est le Dieu des psychanalystes, ces messieurs devraient lui faire des offrandes tous les jours, car ce Dieu est terrible et si nous les artistes lui prêtons notre main ou notre voix, ou que sais-je, il la saisit et nous montre de sacrés trucs… des choses de nous-mêmes que nous reconnaissons, mais que nous ignorions…

Lorsque tu m’as présenté le livre, tu m’as expliqué, « c'est un format un peu déconcertant, car il se range difficilement dans une case ». Bien qu’il n’y en ait pas, s’il avait fallu écrire une quatrième de couverture, elle aurait été le résumé de l’histoire d’un artiste qui, par un livre, dompte son égo, ou plutôt se joue de lui ou de comment le public pourrait l’interpréter. Cet éloge et/ou analyse de l’égocentrisme, est-ce là une façon pour toi de t’émanciper du regard critique qu’un artiste doit supporter, ou plutôt de t’affirmer personnellement, tel un boxeur qui se répète continuellement devant le miroir « je suis le meilleur » avant un combat ?

L’Ego est un traître, mais un traître utile ! Car à chaque fois qu’il nous coince dans ses mensonges et bien… c’est l’occasion de se prendre un mur ! Et d’apprendre sur nous même, sous un nouvel angle de vue… « God Ego Dog » c’est l’horrible nom de cet enfant merveilleux de 168 pages, qui tente de nous rappeler que l’Ego sur pattes que nous sommes, et bien, il peut tout à fait s’améliorer et s’élever jusqu’à Dieu… ou chuter plus bas qu’un chien galeux … Tout l’enjeu se résume à ce cadeau terrorisant que nous a remis le Créateur pour nous apprendre à devenir responsable : la liberté.

En pages 122 et 123 de ton livre, on retrouve ton acrylique de 2019, La Bite Triomphante. Cette toile est accompagnée de l’extrait d’un texte d’un certain S.D.G qui commence par ces vers en prose, « Aimer sa bite ! C’est déjà un début. Mon égo est-il relié à ma bite ? Suis-je ma bite ? Un focus de bite… Comme au temps de la préhistoire ? » et qui se clôture par cette palabre, « Dis-moi comment fonctionne ta bite, je te dirai qui tu es ! », telle une sorte d’ouverture à ce qui suit ton GOD EGO DOG, dès la page 130 : « l’Érectomane Envanillé ». Là, pour finir, tu narres une autre histoire, celle d’un « Érectomane Envanillé » donc, jouant avec les mots et le trouble psychologique qu’est l’érotomanie, l’action sexuelle de l’érection. Elles racontent quoi de toi et ton œuvre ces dernières pages ?

Ces pages racontent le sublime effort que fait un homme pour ne pas s’identifier à ses pulsions primaires, car celui qui sait se positionner face à l’animal qui n’a aucun recul sur sa sexualité, saura apporter une touche « vanillée » à l’addition qui peut s’avérer des fois très salée… Je dis souvent à des étudiants que la peinture, c’est comme la cuisine… il faut faire des mélanges, goûter, des fois se tromper pour trouver de nouvelles recettes !

 

« Les petites armées du Christ disparaissent lentement, 
laissant la place au ventre-bouche de l’humain qui grossit et 
devient un gouffre aveugle et sans fond, aspirant tout sur son passage, 
un néant déchaîné qui se goinfre de tout pour tenter de remplir ce rien, 
cette vie pure, qui ne demande qu’à être écoutée, cette petite parole en nous, 
cette petite voix féminine, la voix amicale et douce de notre cœur qui nous souffle 
depuis toujours : « Attends, regarde, ressens, respire ce rien dans la lumière, ce rien 
dans le son des étoiles, ce rien dans le mouvement de l’herbe qui ondoie, nourris-toi 
du passage de l’oiseau qui fend le ciel, nourris-toi du rire d’un enfant qui naît d’un
rien, 
nourris-toi d’un frisson de vent qui caresse ta joue pour rien, nourris-toi d’un éclat 
de lumière sur l’eau qui éclabousse tes yeux sans aucune raison, nourris-toi du
calme 
d’un lac qui n’a rien à dire, de la présence d’une forêt qui semble ne pas te voir, 
du miaulement d’un chaton qui appelle sa mère, de la charmante cacophonie 
d’un arbre rempli d’oiseaux fêtant l’été, du grondement profond de l’océan sans âge, 
nourris-toi du parfum d’une fleur qui se cache pour mieux te surprendre, nourris-toi 
de la beauté d’une fleur qui n’a rien à t’apprendre, que la simple joie d’être le témoin 
de la vie, nourris-toi de la joie d’être le spectateur du ciel qui t’offre ses plus belles
échappées de couleurs quand il crée la beauté autour d’un astre qui se lève et se
couche 
sans que tu n’aies rien fait pour que cette magie advienne. 

Nourris-toi de ce qui ne coûte rien et de ce qui n’a pas de prix, 
nourris-toi de ce qui ne vaut rien, car c’est de ce rien que naît le plus précieux. 
De ce rien, tu embrasseras le tout, qui te donnera la richesse, la force, la santé, la
joie, 
le plaisir, l’amour, la vérité qui n’est autre que la vie qui ne dit jamais son nom.  

Car la vie est.  

Car la vie est ce petit tout et ce grand rien... 
» 

 

Extrait de « Les Petites Armées du Christ », dans le recueil « l’Érectomane Envanillé », textes issus de l’ouvrage GOD EGO DOG, de Victor Tricar, page 159, 2023, édité à compte d’auteur

Depuis tes débuts, tu n’es jamais sorti d’une forme de style underground qui te colle à la peau, compilant expressionnisme, logotype moderne et un certain mysticisme. Dans ces quinze ans que tu couches sur le papier comment décrirais-tu l’évolution de ton langage artistique et le(s) message(s) qui l’accompagne(nt) ?

Je suis né affamé. À travers ce banquet que nous offre la vie, il ne faut pas manger trop salé ou sinon nous risquons d’avoir tout le temps soif… J’ai failli perdre ma langue plusieurs fois ! J’ai appris qu’il faut choisir ses aliments et ne jamais oublier que l’Homme ne se nourrit pas que de pain…

 

GOD EGO DOG – 168 pages – Reliure cousue – Papier 150gr – 2023 – 30€ – disponible dès le 5 mai