Expo 2020 Dubaï : Julie Conrad pour le design

04 oct. 2021
Expo 2020 Dubaï : Julie Conrad pour le design

© Paulo Lobo
Article en Français
Auteur: Salomé Jeko

Huit artistes issus de sept champs artistiques représenteront le Luxembourg à l’Exposition Universelle Dubaï 2020 qui a débuté le 1er octobre et se tiendra jusqu’au 31 mars 2022. Ce Kënschtlerkollektiv investira le pavillon du Luxembourg (seulement) du 15 au 31 janvier, avec un projet commun intitulé Mir wëlle bleiwen, wat mir ginn et décliné en six propositions artistiques transdisciplinaires et collaboratives, faisant écho au thème de l'exposition Connecting minds, creating the future. Rencontre avec Julie Conrad, pour la catégorie design.

En quelques mots, quel est votre parcours et votre conception du design ?

J’ai fait des études de design produit à Paris, puis j’ai ouvert mon studio ici, à Luxembourg, en 2013. Je travaille avec une petite équipe de deux personnes et nous proposons à nos clients des services de design produit et de graphisme, toujours en privilégiant le décalé et l’hors du commun. J’accorde beaucoup d’importance à la qualité des produits que l’on créé, à leur matière, leur durabilité, mais aussi à la production locale. Je suis sensible au toucher, à l’objet final qu’on a entre les mains.

Parmi vos récents projets, lesquels vous tiennent particulièrement à cœur ?

Il y en a deux auxquels je pense. J’ai récemment créé une scénographie mobile et flexible pour huit pièces de théâtres différentes, jouées durant, et traitant de la thématique, du Covid-19, au Grand Théâtre de Luxembourg et au Kinneksbond de Mamer. C’était à la fois épuré et graphique, tout en restant une aire de jeux pour les acteurs et les metteurs en scène. Puis pour un client luxembourgeois et ensemble avec l'artiste Aude Legrand, j’ai conçue la montre Loxo, qui est une montre un peu spéciale. Grâce à un procédé technique élaboré avec les horlogers suisses, les aiguilles de la montre réagissent aux rayons UV et leur couleur évolue dans le temps. Plus elle est portée, plus la couleur change. C’est décalé et poétique à la fois ; chaque montre vit en fait avec la personne qui la porte.

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Inspirée par la poterie, depuis longtemps pratiquée au Luxembourg, Julie Conrad a choisi d’utiliser la terre cuite comme matière première de son installation Artefacts, présentée à Expo 2020 Dubai.

Dans le cadre d’Expo 2020 Dubai, vous allez présenter un projet dont vous êtes porteuse et qui s’intitule Artefacts. Comment ce dernier a-t-il vu le jour ?

Je suis une personne de la matière, je suis convaincue que tout ce qui nous entoure a une influence sur nous. Donc c’est dans cette direction que je suis allée quand j’ai commencé à m’interroger sur la notion d’identité qui ressort des réflexions de notre collectif d’artistes. Je me suis demandée c’est quoi un pays ? C’est quoi des frontières ? C’est quoi cette terre sur laquelle on vit ? Cette matière brute sur laquelle on est et via laquelle on s’identifie. Ça m’a fait penser à la terre cuite qu’on utilise pour faire les Péckvillercher à Nospelt et qui incarne assez bien le Luxembourg. Ça a été mon point de départ.

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Une centaine de gouttes en terre cuite, dotées chacune d’un moteur, émettront une mélodie individuelle et collective au sein de l’installation.

Votre installation sera exposée du 15 au 31 janvier au sein du pavillon luxembourgeois. À quoi va-t-elle ressembler ?

J’ai utilisé cette matière en impression 3D pour fabriquer 100 gouttes en terre cuite. Elles seront suspendues dans l’espace d’exposition qui sera recouvert de miroirs pour donner une impression d’infini. Ces gouttes fonctionneront de manière individuelle mais aussi collective, un peu comme une nuée d’oiseaux. Il y aura une interaction permanente entre le visiteur et chacune des gouttes qui, à l’approche de l’humain, émettra un son et de la lumière. Avec ce jeu à la fois auditif et visuel, l’œuvre va communiquer avec les visiteurs en pratiquant un langage universel, capable de relier les esprits. Quelle est cette mélodie qui fait chanter le sol luxembourgeois ? Quelles histoires est-ce qu’elle nous transmet ?

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La terre cuite semble ici comme tressée. Un résultat obtenu grâce à l’impression 3D, faite par aerdlab au Luxembourg.

Chaque projet présenté doit être transdisciplinaire et collaboratif. Avec qui et sur quel autre projet avez-vous collaboré ?

Pour Artefacts et pour le côté musical, j’ai collaboré avec le sound designer Patrick Muller. Nous avons étudié la réactivité des éléments et le son produit, puis il s’est occupé de travailler sur le côté technique, avec un développeur pour le codage. De mon côté, j’ai travaillé ensemble avec mon équipe sur le layout de l’anthologie imaginée par Guy Helminger. Il regroupe 40 poèmes de 21 auteurs luxembourgeois, traduits en anglais et en arabe. Beaucoup d’entre eux traitent de l’espace, un thème qui représente également bien le Luxembourg et son identité à l’heure actuelle. Il m’a donné carte blanche, la seule consigne étant que les textes soient lisibles et bien mis en valeur. Je suis partie sur l’idée d’un bloc noir, un livre imprimé tout en argenté qui tire légère-ment vers le marron, et illustré par les photos monochromes de Karolina Markiewicz et Pascal Piron.

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Julie Conrad a collaboré avec le sound designer Patrick Muller dans le cadre de son projet Artefacts.

Quelles sont vos attentes vis-à-vis d’Expo 2020 Dubai, notamment pour le secteur du design luxembourgeois ?

Au Luxembourg, le design produit ne s’exporte pas beaucoup, donc je suis toujours contente quand il est intégré au sein de projets de ce type. Surtout que pour Expo 2020 Dubai, ça s’est fait dès le départ. Un designer produit n’est pas vraiment un artiste, mais je pense qu’avec ce projet, je touche un peu à l’art et j'ai pu avoir une approche plus artistique. Je trouve dès lors important que tous les domaines se croisent et nos échanges, au sein du collectif, étaient supers. On a tous appris les uns des autres. En ce sens, je considère que cette participation à l’exposition universelle est une chance. J’espère aussi pouvoir échanger avec des designers sur place. C’est une belle opportunité, et je me dis que si on peut apporter via notre travail un peu de réflexion, un peu de poésie, et potentiellement ouvrir de nouvelles portes, alors ça vaut le coup d’y aller.

Bio express

Julie Conrad, (née en 1988 au Luxembourg où elle vit et travaille), a reçu son diplôme en Art Design de Créapôle Paris en 2012. Elle a gagné en expérience grâce à des stages auprès de nombreuses entreprises et studios de design comme Ferrero, Acer (Paris), MIO (Philadelphie) et Designtree (Nouvelle Zélande) entre autres. Intéressée par le mélange de l’artisanat et de la production industrielle avec un penchant pour le design durable, elle a créé son propre studio avec un accent porté sur l’ameublement, les accessoires et le space design à Luxembourg Ville en 2013. Depuis, elle a gagné de multiples concours comme, en 2021, le circular by design challenge de Luxinnovation dans la catégorie design d’intérieur avec son projet CEGO, qui vient d’être intégré dans le programme d’incubation du VIA à Paris, ou encore, en 2020, le concours pour la concep-tion d’une scénographie de théâtre, nommée IS(O)LANDS, pour huit pièces parlant du confinement dû au Covid19. Outre les commandes clients, Julie Conrad Design Studio développe des lignes d’objets et de meubles en auto-édition. Le mariage du matériel et de la fonction, en association avec une approche narrative, est au cœur de sa création.

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