17 jan. 2022Expo 2020 Dubaï : Guy Helminger pour la littérature
Huit artistes issus de sept champs artistiques représenteront le Luxembourg à l’Exposition Universelle Dubaï 2020 qui a débuté le 1er octobre et se tiendra jusqu’au 31 mars 2022. Ce Kënschtlerkollektiv investira le pavillon du Luxembourg (seulement) du 15 au 31 janvier, avec un projet commun intitulé Mir wëlle bleiwen, wat mir ginn et décliné en six propositions artistiques transdisciplinaires et collaboratives, faisant écho au thème de l'exposition Connecting minds, creating the future.
Une anthologie de 21 poèmes
Représentant de la catégorie littérature, l’écrivain Guy Helminger a choisi de créer une anthologie regroupant des poèmes signés Ulrike Bail, Jean Bürlesk, Ian De Toffoli, Samuel Hamen, Roland Harsch, Guy Helminger, Nico Helminger, Émile Hemmen, Pierre Joris, Anna Leader, James Leader, Carla Lucarelli, Tom Nisse, Jean Portante, Léon Rinaldetti, Nathalie Ronvaux, Elise Schmit, Lambert Schlechter, André Simoncini, Florent Toniello et Hélène Tyrtoff. Tous ont été traduits en arabe et en anglais par Michrafy Abdelwadoud, Ahmed Farouk, Delphine Lettau et Zoë Skoulding. La mise en page a quant à elle été réalisée en collaboration avec Julie Conrad et contient des impressions photographiques de Luxembourg à Dubaï, produites par Karolina Markiewicz et Pascal Piron, qui illustrent le sujet de l’anthologie ainsi que le thème fédérateur de l’Exposition Universelle.
© jcds.lu
Quelle image de la littérature luxembourgeoise teniez-vous à véhiculer à travers cette anthologie ?
Je ne veux pas véhiculer une image précise. C'est là que l'art diffère de ce qu'une telle exposition a en tête. J'avais bien fait des suggestions aux auteurs sur le sujet de leurs poèmes comme écrire sur leur propre pays, les Émirats, les préjugés, les similitudes, etc. Mais les auteurs étaient bien sûr absolument libres d'écrire sur tout ce qu'ils voulaient. Au final, chacun a écrit dans sa propre langue et les poèmes ont été traduits en anglais et en arabe. Le résultat est, d'une part, un panorama représentatif de la poésie luxembourgeoise et, d'autre part, une réflexion critique sur ce que signifie être luxembourgeois, ainsi qu'un « examen » de certains aspects problématiques du régime politique de l'hôte de l'exposition. Certains textes parlent de la guerre ou utilisent des vers ironiques sur le fait qu'au Luxembourg et aux Émirats, l'argent est plus important que toute autre chose. À mon avis, l'anthologie et les traductions qu’elle contient fourniront la base d'un échange interculturel.
Pourquoi avoir choisi le genre poétique pour votre anthologie ?
La poésie est la forme prédominante dans les Émirats et a une haute priorité. Par exemple, il y a une émission de télévision où des poètes s'affrontent et des millions de personnes la regardent. Ce programme porte principalement sur la poésie traditionnelle nabati. Mais bien sûr cette poésie évolue et il y a maintenant non seulement des textes sur la vie traditionnelle bédouine, mais aussi des vers contre le patriarcat ou contre les fatwas constantes. Que des sujets explosifs. Mais il y a aussi une scène de slam là-bas. Et bien sûr des auteurs formés à la poésie mondiale.
© jcds.lu
Comment avez-vous sélectionné les 21 auteurs participants ? Les textes sont-ils inédits ?
Tous les textes sont inédits. Je connais très bien la scène poétique au Luxembourg et j'ai écrit en conséquence aux auteurs concernés. Certains, mais peu, ont refusé : un parce qu’il refusait le cadre, d'autres pour cause de maladie. J’ai aussi contacté quelques auteurs qui avaient publié des textes en prose et pas encore de poésie, mais dont je pensais qu'ils écrivaient de la poésie. J’ai aussi cherché à avoir de nouvelles voix poétiques.
Quelles étaient ou sont, à quelques jours de votre voyage sur place, vos attentes vis-à-vis de l’Expo 2020 ?
Je n'ai jamais d'attentes lors de la réalisation d'un projet car les attentes déterminent ce qui doit se passer et éliminent la liberté de pensée. Au contraire, je veux vivre à l’étranger des rencontres et des choses imprévisibles. Pour moi, l'exposition est une plateforme pour entrer en conversation avec les auteurs des Émirats. Dans tous mes voyages, j'ai pris au sérieux le « connecting minds ». C'est pourquoi, en plus de la publication de l'anthologie, j'ai également souhaité organiser une lecture en dehors du pavillon luxembourgeois, quelque part ailleurs dans Dubaï. Je voulais réunir des poètes du Luxembourg et des Émirats. Mais cela ne fonctionnera pas. J'étais en conversation avec l'ambassade du Luxembourg pendant deux ans, mais malheureusement ils ne m'ont jamais proposé de salle où nous pourrions tenir notre lecture ni une possibilité d’en faire la pub. Si je pouvais remonter le temps, je m'envolerais pour Dubaï pendant un mois et je prendrais moi-même les choses en main. À mon grand regret, j'ai échoué avec cette lecture. J'espère cependant que je rentrerai en contact avec des auteurs lorsque je m’y envolerai maintenant, mais il n'y aura pas de lectures.
© jcds.lu
Etiez-vous réticent à l’idée de participer à l’exposition, dans la mesure où elle est organisée à Dubaï ?
Non. Un pays n'est pas le même que son gouvernement. Ceux qui sont assis sur le canapé à la maison et crient « Je n'irais jamais dans un tel pays » font exactement cela : ils identifient un pays avec son gouvernement. C'est une gifle face à toute opposition. S'il y a un point critique dans l'exposition, c'est l'art qui le fixe. C'est effrayant pour moi que des gens aient manifesté pour garder l'art hors du pavillon, autrement dit pour évincer la seule possibilité de discussion critique. Si cela s'était produit en Allemagne, j'aurais pensé qu'ils étaient payés par un parti de droite. C'était tout aussi effrayant de lire dans les journaux que le collectif d'artistes était totalement apolitique. Les journalistes n'avaient aucune idée de ce que nous faisions réellement. Ils ne connaissaient pas les poèmes, ils ne connaissaient pas les installations, mais ils écrivaient à leur sujet. Pas mal. Et lorsque nous avons présenté l'anthologie à Mersch et expliqué notre point de vue politique, pas un seul journaliste n'était présent. Nous ne sommes pas en vacances à Dubaï. Ne pas aller dans un pays et laisser tomber la chance d'entrer en contact avec les gens et de faire des reportages sur eux est, pour moi, un défaitisme qui se déguise en moralité.
Bio express
Né en 1963 à Luxembourg Guy Helminger est écrivain et vit à Cologne. À la suite de ses études de lettres allemandes et de philosophie à Luxembourg, à Heidelberg et à Cologne, il écrit des poèmes, des romans, des pièces de théâtre, des pièces radiophoniques et des scénarios. Son travail est plusieurs fois récompensé : Guy Helminger remporte plusieurs prix littéraires parmi lesquels le Dresdner Lyrikpreis en 2016. Ses dernières proses incluent Die Allee der Zähne. Aufzeichnungen und Fotos aus Iran édité par capybarabooks (2018), Die Lehmbauten des Lichts. Aufzeichungen und Fotos aus dem Jemen édité par capybarabooks (2019), et Lärm (2021). En poésie, il publie Die Tagebücher der Tannen, Edition Rugerup 2018 et son texte théâtral le plus récent est Madame Köpenick, dont la première a eu lieu au Kasenmattentheater de Luxembourg en 2022.
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