23 déc. 2021EXPO 2020 Dubaï : Adolf El Assal pour le cinéma
Huit artistes issus de sept champs artistiques représenteront le Luxembourg à l’Exposition Universelle Dubaï 2020 qui a débuté le 1er octobre et se tiendra jusqu’au 31 mars 2022. Ce Kënschtlerkollektiv investira le pavillon du Luxembourg (seulement) du 15 au 31 janvier, avec un projet commun intitulé Mir wëlle bleiwen, wat mir ginn et décliné en six propositions artistiques transdisciplinaires et collaboratives, faisant écho au thème de l'exposition Connecting minds, creating the future. Rencontre avec le réalisateur Adolf El Assal, pour la catégorie cinéma.
Racontez-nous la genèse de Full memory, le court-métrage que vous présentez à Dubaï.
J’ai réalisé ce court-métrage il y a quelques mois, dans le cadre de QUICKIES (quickies.lu), une initiative que j’ai lancée pendant la pandémie avec le réalisateur Govinda Van Maele et qui donnait la possibilité à 18 cinéastes débutants ou confirmés de produire, avec un tout petit budget, un film diffusé ensuite sur une plateforme dédiée et sur RTL. J’ai écrit le scénario en une journée, le tournage s’est fait sur deux jours, l’exercice m’a beaucoup plu et le film est totalement différent de ce que je propose habituellement.
Justement. L’histoire est celle de Ziad, un jeune émigrant qui a quitté son pays pendant la guerre et qui vit désormais au Luxembourg. Il se réjouit de la visite de son frère, auquel il veut faire découvrir la vie ici, en Europe. La chute est surprenante et l’univers du court-métrage est totalement à l’opposé de ce que vous proposez habituellement. Pourquoi ce choix pour Dubaï ?
Ma réalisation est assez expérimentale et artistique ; c’est un drame en noir et blanc, qui évoque le quotidien d’un réfugié syrien – incarné par Mazen Haj Kassem, un acteur syrien plutôt célèbre – et la solitude qu’il ressent ici, au Luxembourg. Ce n’est pas du tout mon style habituel effectivement, je suis plutôt tourné vers la comédie, l’humour au 2e ou 3e degré, la couleur et les choses farfelues. Mais le drame m’a toujours intéressé et ça a été une belle expérience. Puis je me suis dit que ce serait intéressant de la projeter dans le cadre de l’Exposition Universelle car je n’avais pas besoin de montrer ce que je suis capable de faire, dans le sens où mon travail est connu aux Emirats. C’est pour ça que je pouvais me permettre de présenter quelque chose de différent et qui en plus colle aussi avec les propositions des autres artistes du collectif.
Mazem Haj Kassem et Adolf El Assal sur le tournage de Full Memory © Adolf El Assal
Votre court-métrage est assez critique. C’était important pour vous de véhiculer un message à travers lui ?
Je n’ai pas l’ambition de changer le monde mais si mon film peut ouvrir des discussions, tant mieux. Je connais bien la culture des deux pays, je parle arabe, j’ai vécu aux Emirats jusqu’à mes sept ans puis au Luxembourg. Le film critique à la fois le monde arabe à qui on reproche parfois de délaisser ses réfugiés et notre monde à nous, ici. Je n’avais pas envie de me bloquer et voulais montrer que c’était possible de faire un film critique sur les deux cultures à la fois.
Vous qui connaissez bien le sujet, que répondez-vous aux critiques fréquemment formulées à l’encontre des Emirats ?
Je trouve dommage qu’on pousse trop sur les stéréotypes et qu’on en ait une mauvaise image sans vraiment savoir ce qui s’y passe. Pour y avoir vécu une partie de mon enfance et y entretenir encore aujourd’hui beaucoup de connexions, je trouve que les Emirats ont finalement pas mal de points communs avec le Luxembourg. Mon film Sawah m’y a ouvert beaucoup de portes, notamment à la télévision et au cinéma et grâce à tout ça, j’essaie toujours de faire le pont entre le monde arabe et l’Europe. Les critiques de la presse sur la présence d’artistes luxembourgeois à Dubaï, sans même savoir ce qu’on allait y faire, m’ont énervé. J’avais d’ailleurs à cœur de montrer aux artistes du collectif les lieux que je connaissais, et qui vont à l’encontre de tout ce qu’on image sur Dubaï. Ils ont été très surpris.
Affiche du court-métrage
En plus de votre court-métrage, qui sera diffusé en continu au sein du pavillon luxembourgeois, vous avez collaboré avec Karolina Markiewicz et Pascal Piron sur leur projet Spectrum Cinqfontaines.
Tout à fait, mais je ne me suis pas impliqué dans la partie créative. Je les ai uniquement aidés sur le plan logistique pour réaliser leur film, qui évoque l’histoire du couvent de Cinqfontaines durant la Seconde Guerre mondiale et la déportation des juifs.
Bio express
Né à Alexandrie, en Égypte, Adolf El Assal vit et travaille à Luxembourg. Il a passé la majeure partie de son enfance entre les Emirats Arabes Unis, le Royaume-Uni et le Luxembourg. Après avoir obtenu une maîtrise en réalisation en 2008 à la Kingston University (Royaume-Uni), il a réalisé les court-métrages primés La fameuse route… et Manos de Dio. En 2012, il produit et réalise son premier long-métrage Les fameux gars. En 2019, Adolf El Assal sort son second long-métrage Sawah (plus de 80 sélections en festivals, 23 prix - premier long-métrage luxembourgeois sur Netflix). Il vient tout juste de co-réaliser la série Baraki qui sort en automne 2021 sur la RTBF en Belgique. Actuellement, il prépare son prochain long-métrage Hooped (tournage prévu été 2022) ainsi que la série Finding Rosa (spin-off basé sur son film Sawah). Il est également un Berlinale Talent et membre de la European Film Academy ainsi qu’EAVE et Screen Leaders.
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