Eugénie Anselin

13 oct. 2023
Eugénie Anselin

Article en Français
Auteur: Isabelle Debuchy

« Complètement cramé » de Gilles Legardinier sort début novembre sur les écrans. Une opportunité rêvée pour rencontrer Eugénie Anselin, l’une des protagonistes de ce long-métrage.

Adapté du roman éponyme de l’auteur-réalisateur Gilles Legardinier, « Complètement cramé » met en scène Andrew Blake (John Malkovich) qui, las des affaires, décide de quitter la direction de son entreprise anglaise. Il se fait engager comme majordome dans un manoir en France, où il avait rencontré sa femme décédée. Là-bas, personne ne sait qui il est vraiment et en arrivant dans ce domaine, dit de Beauvillier, rien ne se passe comme prévu…

Formée au Conservatoire de Luxembourg-Ville sous la direction, entre autres, des professeurs et comédiens Patrick Hastert, Marja-Leena Junker et Myriam Muller, puis au Conservatoire national d’art dramatique à Zurich Eugénie Anselin interprète à merveille dans « Complètement cramé », Manon, une jeune femme de ménage une peu perdue dans son existence. Dans ce film, en forme de huis-clos, truffé de jeux de mots, cocasse et distrayant, Manon trouve progressivement sa place.

Complètement Cramé!

Eugénie Anselin, quelles sont vos impressions, alors que le film « Complètement cramé » sort très bientôt sur les écrans ?

C’était une chance de pouvoir tourner ce long-métrage alors que j’étais enceinte, c’est tombé à pic, car mon personnage l’est également. Je n’aurais jamais imaginé pouvoir jouer dans cette adaptation d’un livre que j’avais lu, il y a quelques temps sur la plage, et dont j’apprécie particulièrement les messages de bienveillance, d’entraide et de solidarité. Ce long-métrage a un côté conte magique de Noël.

Quelle place occupe ce film dans votre carrière ?

Jusqu’à présent, j’ai interprété des rôles dans des films principalement germanophones, c’était chouette de tourner dans un film français avec un casting exceptionnel - des personnages haut en couleur incarnés par les comédiens John Malkovich, Fanny Ardant, Emilie Dequenne et Philippe Bas - Ce fut une belle aventure humaine et artistique, une étape franchie, car j’ai eu la chance de tourner avec des pointures, mais je ne peux prédire, s’il y aura un avant et un après ce film. J’espère qu’il me permettra de trouver un agent à Paris. Mon dernier rôle fut dans « Lost transport », en lice dans la catégorie Meilleur long-métrage de fiction ou documentaire en coproduction pour le Lëtzebuerger Filmpräis. Une histoire de résilience et d’amitié où j’interprète le rôle d’un snipper russe.

Que pensez-vous avoir appris des deux « monstres sacrés » du cinéma John Malkovich et Fanny Ardant ?

J’ai surtout joué des scènes avec John Malkovich, qui ne tente pas de prouver quoi que ce soit, il est authentique dans sa manière d’interpréter un rôle et m’a montré qu’il faut se faire confiance en tant qu’acteur au moment de jouer. Que ce soit lui, Fanny Ardant ou les autres acteurs du film, ils sont d’une grande humilité et respectent le travail de chaque personne sur le plateau.

En quoi est-ce particulier de tourner avec un auteur qui est dans le même temps un réalisateur ?

C’est une chance de tourner avec un réalisateur qui porte aussi la casquette d’auteur, car plus que quiconque, il connaît ses personnages. Gilles Legardinier a dû faire pas mal de coupe en adaptant son livre et a concentré les scènes de son histoire dans le cadre du château. Quelques personnages ont disparu. J’ai eu conscience de toutes ses coupes quand j’ai lu le scénario.

Votre rôle n’est-il pas proche de celui d’une jeune première insolente ?

Il est vrai que j’ai pensé un peu à la Lisette de la pièce de Marivaux « Le jeu de l’amour et du hasard », mise en scène de Laurent Delvert il y a quatre ans. Une insolence fraîche et spontanée avec du répondant, mais j’ai trouvé d’autres choses en moi pour ce rôle de Manon. Mon apparence a changé et je suis rentrée dans la peau de ce personnage, dans sa corporéité pour que le texte sonne juste.

Vous avez employé plusieurs fois le mot juste. Que dit-il de votre trajectoire ?

J’ai fait énormément de violon et mon corps est un instrument comme l’était autrefois le violon. Je cherche à le mettre dans la bonne tension. Un acteur doit avoir du souffle pour être juste, même s’il y a plusieurs manières de l’être. Si j’ai laissé de côté le violon, après le premier prix, c’est à cause de cette solitude des répétitions, contrairement à celles du théâtre : j’ai besoin de l’énergie des autres.

Pour quels types de rôles êtes-vous faites ?

Je suis énergique de nature, le rôle de femme soldat russe qui est quasi un rôle muet fut un rôle de composition. J’aime les rôles physiques qui me demandent une corporalité spécifique, mais surtout je suis attirée par des réalisateurs, des réalisatrices et des scénarios. Dans « La vie devant nous », d’Olivier Meys, j’interprète une assistante sociale dans un centre pour réfugiés. C’est un film engagé qui m’a remise à ma place et me fait comprendre l’immense privilège que nous avons de pouvoir vivre librement et en sécurité.

Vous jouez avec votre corps tout comme avec votre cœur …

Il faut que je sois touchée par le scénario, que j’ai un point d’identification, ce n’est en rien lié au fait que le film soit dramatique. Ce qui m’accroche, c’est la maladresse, la vulnérabilité que peuvent exprimer les personnages. Dans « Complètement cramé », il y a une bienveillance intergénérationnelle, chaque figure est un peu mélancolique au départ, mais tous sont drôles malgré aux. Chacun joue la comédie de sa vie, avec une douce ironie, et, puis progressivement, une communauté se crée, chacun s’ouvre et s’épaule.

Auriez-vous des conseils à prodiguer à une jeune comédienne ?

Quand on veut faire ce métier, il ne faut pas lâcher et ne pas s’attendre à ce que ce soit simple tous les jours. Il faut travailler sa voix, son corps, être acharné, être certain d’apprécier la caméra ou d’être sur scène : c’est l’essence d’un métier …