03 déc. 2021Entretien avec KLEIN
Après un premier EP très remarqué en 2018, KLΞIИ, groupe composé de Jérôme Klein, Pol Belardi et Niels Engel, est de retour dans les bacs ce 10 décembre avec Sonder. Un premier album 9-titres de toute beauté entre jazz, dream-pop et électro minimaliste aux ambiances sombres et mélancoliques.
Jérôme Klein © Martine Pinnel
Sonder est un album difficile à définir avec des styles changeants, voire très différents, d’un morceau à l’autre. Comment le présenter ?
Jérôme Klein : Exactement comme vous venez de le faire. Il y a un peu toutes mes influences, je n’ai pas eu envie de faire un choix. Je n’ai jamais voulu aller dans une seule direction ou de ne faire qu’un seul style, que ce soit du jazz, du rock ou de la pop. J’ai fait le choix de ne pas choisir, de mettre un peu de tout et surtout de tout mélanger. Il y a des morceaux qui commencent très pop ou qui ont un son et une production très pop, mais avec de l’improvisation, des instruments acoustiques et des éléments jazz. Au niveau de l’enregistrement on a d’ailleurs joué en live, tous ensembles.
Vous avez parlé de vos influences, lesquelles sont-elles ?
J’aime beaucoup Sohn, Son Lux, Grandbrothers et puis des choses très modernes en jazz, Brad Mehldau, Aaron Parks, mais aussi des choses un peu électroniques comme James Blake.
Ce qui ressort, c’est un côté très sombre, mélancolique. Est-ce votre musique qui colle bien à notre époque ou est-ce l’époque qui colle à votre musique ?
Peut-être bien que ce soit ma musique qui colle à l’époque. Il faut bien reconnaître que j’ai toujours écrit des trucs mélancoliques, même si parfois j’ajoute des aspects plus joyeux. Même au niveau visuel, KLΞIИ est toujours un peu sombre.
Une mélancolie introspective
Mais pourquoi ?
Je m’y sens bien. Ça me réconforte en fait.
C’est réconfortant la mélancolie ?
Pour moi, oui. Je ne sais pas l’expliquer. Mais ce n’est pas une mélancolie triste, c’est une mélancolie introspective, un peu comme les titres des morceaux l’indiquent.
J’allais y venir. L’album est en grande majorité instrumental, mais les titres, eux, sont assez parlants : Catharsis, Down, Solace, Catalyst, Introversion… On croirait presque une séance chez le psy.
(Il rit)… C’est aussi par rapport au titre de l’album, Sonder, à prononcer à l’anglaise qui définit le fait de se rendre compte que toutes les personnes autour de soi ont une vie à part entière, qu’ils ont leurs propres envies, leurs propres problèmes et tout ça. Du coup, tous les titres reflètent soit des personnages différents, soit des états d’esprit.
Les chansons sont donc des personnages ?
Oui, des gens qu’on s’imagine ou qu’on croise sans connaître et dont on commence à imaginer les pensées, le passé. Au lieu d’essayer de raconter leur histoire je leur crée un univers sonore et musical.
Jérôme Klein © Martine Pinnel
J’avais envie de mettre des mots sur mes compositions
L’album, on l’a dit, est avant tout instrumental, pourtant dans Episode et Creator vous prenez également le micro. C’est une nouveauté en ce qui vous concerne et on découvre non seulement une très belle voix mais aussi un véritable talent d’auteur. Comment est venue cette envie de chanter, de mettre des paroles sur ces morceaux ?
On voulait aller vers une musique qui raconte quelque chose, sur laquelle il y aurait aussi des mots. À la base l’idée était d’inviter des chanteurs et de faire un featuring, mais finalement on a préféré faire ça entre nous, ne serait-ce que parce qu’on a aussi envie de jouer ces morceaux en live et qu’on ne peut pas à chaque fois inviter les chanteurs. Je ne suis pas chanteur à la base mais on a décidé de tenter le coup.
Ce n’était donc pas une envie de longue date.
Non, pas de chanter en tout cas. J’avais envie de mettre des mots sur mes compositions, ça oui. On a alors fait des tests, j’ai chanté, on a enregistré comme ça et puis voilà ! Ça nous permet aussi de marquer une différence par rapport à l’EP et à la musique qu’on a fait jusque-là et avoir quelque chose qui marque un peu plus les esprits qu’une musique instrumentale. D’autant que, comme on a un style assez hybride, on joue aussi bien dans des festivals de jazz que des festivals de rock, pop ou électro. Là, on se rend compte que les gens ont besoin de s’accrocher à quelque chose et, quand il y a un chanteur et des paroles, c’est souvent plus facile.
Du coup, elles parlent de quoi ces chansons ?
Ça dépend. Episode, par exemple, parle du fake, de cette manière qu’ont les gens de prétendre, sur les réseaux sociaux surtout, que leurs vies sont superbes. Et on se dit que si les gens doivent s’afficher de la sorte, prétendre tout ça, ça doit vouloir dire qu’en réalité ça ne doit pas être si génial.
C’est très actuel en fait.
Oui. Absolument. Et pour ce titre, c’était important à mon sens d’y mettre des mots pour que le sens soit bien clair. S’il avait été instrumental, on aurait pu titrer ça n’importe comment, pas certain que le message passe à ce point auprès des auditeurs.
D’où vient cette envie d’analyser notre société, la période qu’on est en train de vivre ?
Ce texte a été écrit pendant le COVID, mais je ne sais pas si c’est nécessairement lié. C’est un sentiment que je ressens qu’on perd tous beaucoup de temps sur internet et les réseaux sociaux et qui me pèse. Je me demande jusqu’où ça va aller et pourquoi les gens tiennent tellement à s’afficher et prétendre être ce qu’ils ne sont pas, avoir ce qu’ils n’ont pas, etc. Tout le monde finit par imaginer que la vie des autres est toujours mieux. Et on finit par s’éloigner de la réalité.
Niels Engel, Jérôme Klein, Pol Belardi © Eric Engel
Une sortie sans release-party
Vous êtes un musicien surprenant, multiinstrumentiste avec une formation classique, vous enseignez le jazz, êtes professeur de percussion, mais dans votre projet en tant que frontman, vous jouez principalement du piano et vous laissez les percussions à Pol Belardi, également multiinstrumentiste, mais plutôt connu en tant que bassiste. Comment ça se fait ?
Ça fait des années que je joue avec Niels et Pol dans diverses formations. Parfois Pol est à la basse et moi à la batterie, mais ça change toujours. Là j’avais envie d’un vibraphone, des sons d’instruments acoustiques et je me suis demandé si je devais faire la batterie ou le piano. Comme je signe les compositions de ce projet, je me suis dit que c’était mieux que je sois au piano et pas un peu caché à la batterie. Le piano c’est aussi un instrument plus facile pour la composition. Et puis, Pol est un très bon percussionniste et comme je voulais absolument faire ce mariage piano-vibraphone je lui ai demandé de le faire.
Vous venez de parler des autres formations auxquelles vous participez. Comment trouver l’équilibre entre les deux : frontman/sideman ?
Ce sont deux choses très différentes. Être sideman c’est confortable ; on t’appelle pour enregistrer tel morceau ou pour jouer tel concert, tu le fais et c’est tout. En tant que frontman, tu portes beaucoup plus de responsabilités. Personnellement j’aime les deux. J’aime jouer la musique des autres, mais j’aime aussi créer et proposer quelque chose à moi au public. Mais c’est vrai que j’ai dû refuser un certain nombre de propositions en tant que sideman car je voulais avancer sur le projet KLΞIИ. C’est dur de dire non, mais parfois il faut savoir faire des choix.
C’est quoi la suite pour KLΞIИ : est-ce que le chant va désormais prendre plus d’importance ? Un troisième album ? Du live ?
À la base, avant même de faire des albums, KLΞIИ est un groupe très live. On aime beaucoup être en studio et créer, mais on adore être sur scène. On va donc essayer de continuer à tourner le plus possible, mais pour le moment c’est très compliqué. En ce qui concerne le chant… on verra !
Est-ce qu’une release-party est prévue pour Sonder ?
Pas le jour même, non. Le 10 décembre, l’album va être disponible en version digitale et vinyle, mais il n’y aura pas de concert. On présentera l’album sur scène en 2022, après l’hiver, normalement à la Kulturfabrik, où on aura aussi une résidence d’une semaine.
Sonder de KLΞIИ. Sortie le 10 décembre.
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