Daniel Migliosi

09 fév. 2023
Daniel Migliosi

Article en Français
Auteur: Godefroy Gordet

Une trompette dans les mains à 8 ans, Daniel Migliosi s’envole à 16 ans en Allemagne pour suivre un enseignement musical poussé. Originaire d’Esch-sur-Alzette, il vit désormais à Cologne, en Allemagne, d’où il épate. La musique était une évidence pour le jeune trompettiste, son père déjà en jouait dans l’orchestre du village, alors qu’il n’était qu’un mioche, tout un symbole. Constamment présent aux répétitions de son père, c’est là que Migliosi joue pour la première fois de la trompette dans un ensemble. Au lycée, il intègre le conservatoire d'Esch-sur-Alzette et y étudie la trompette classique poussé par des professeurs tels que Michel Berns, Guy Conter, Claude Origer, Marc Harles. Dès lors, il passe son temps en musique, entouré d’amis plus âgés que lui, et donc plus ancrés qui l’initie au jazz et au rap. Le temps file, et avec lui et l’expérience qui l’accompagne, Migliosi façonne son désir d’un avenir en tant que musicien professionnel. À l’été 2019, il part en Suisse avec deux amis du conservatoire pour une « Brassweek ». Là, il suit des cours avec certains des meilleurs professeurs de cuivres classiques, et plus tard les enseignements d’Andy Haderer à Cologne, des expériences qui ont changé sa vie. Désormais, fleuron de la jeunesse musicale luxembourgeoise, à tout juste 18 ans, Migliosi fait déjà parler de lui depuis la sortie de son excellent disque Left on scene. Un premier album dévoilé le 4 novembre dernier chez Mons records, qui a fait éclore un prodige. Comme s’il était né pour ça, Migliosi défend avec ardeur et beaucoup de talent son travail de trompettiste de jazz et de compositeur. Ainsi, Left on scene montre la géniale dimension que peut prendre la vision de sa musique qu’a le « jazz-boy », pour l’heure. Autour de plusieurs titres originaux, Migliosi fait entendre une musique de tradition dans le grand respect du Hard Bop, courant musical phare du milieu des années 50 pour lequel le luxembourgeois voue culte, notamment sous l’influence certaine de pair tels que Miles Davis, John Coltrane, ou encore Herbie Hancock. En bref, si le chemin est encore long, le jeune trompettiste et ceux de son groupe, au vu de leur maturité musicale, sont clairement à l’aube d’une très grande carrière.

Daniel Migliosi Left On Scene

À l’âge de 16 ans, tu déménages à Cologne pour étudier à la prestigieuse Hochschule für Musik und Tanz Köln, mentoré par les musiciens Andy Haderer et Matthias Bergmann. L’année d’après, en 2021, tu es l'un des quatre jeunes musiciens du « WDR Composers Fellowship » encadré par Florian Ross du WDR Big Band dans l’idée de soutenir les jeunes compositeurs prometteurs. Comment as-tu vécu ces opportunités assez précoces dans un parcours artistique et comment ont-elles influencé ta conception de la musique ?

À Cologne, j'ai d'abord été étonné. Je n'avais jamais entendu de tels musiciens et il y avait des concerts à perte de vue. On n'est tout simplement pas habitué à cela au Luxembourg. La grande ville elle-même m'a bien plu, c'est juste un « Esch », en un peu plus grand. Grâce à Cologne, je suis en contact avec tellement de bonnes musiques, et je continue à me former et à m'améliorer. L'université et la scène musicale sont tout simplement un enrichissement pour moi. Grâce au WDR-Composers Fellowship, j'ai appris ce que c'est que d'écrire pour l'un des meilleurs groupes qui existent en Europe. J'ai également appris à gérer la critique. Mais la vie en ville a aussi changé mon style vestimentaire et mon attitude.

Daniel Migliosi

Aujourd’hui membre de l'Orchestre National de Jazz France, du JugendJazzOrchester NRW, BundesJazzOrchester (BuJazzO), tu trouves encore le temps pour développer un projet personnel autour de ton instrument qu’est la trompette. Ainsi en mai 2022 tu enregistres Left on scene au studio d'enregistrement Loft de Cologne, alors que tu n’as pas encore l’âge légal pour entrer dans un club de jazz. Et enfin, le 4 novembre 2022, ce premier album sort sous la confiance de Mons records, maison de disques indépendante allemande dédiée au jazz et à la musique classique. J’ai lu que cet album a germé durant tes études à Cologne. Peux-tu nous raconter la conception de ce premier projet sous ta signature, de sa genèse à son enregistrement ?

J'avais besoin de quelque chose qui me mette sur la carte de la scène jazz. Je me suis dit, le plus tôt je sortirai un album, le mieux ce serait. J'ai écrit presque tous les morceaux en peu de temps, car je travaille mieux sous pression. Pour les musiciens, je n'ai pas eu à réfléchir longtemps et j'ai choisi ceux avec qui j'ai le plus joué ces dernières années. Et puis, les musiciens du groupe ont donné des idées et des suggestions pour les morceaux, ce qui a certainement fait du bien à la musique. Je prends du temps pour mon propre projet. Il y a des phases où je me concentre consciemment sur mon projet et d'autres où je suis en route avec une toute autre musique. J'ai donc encore du temps pour ma musique et mon projet, mais pas toujours. Je dois gérer mon temps de manière consciente. Ma vie privée est néanmoins très importante pour moi, je consacre donc autant de temps que possible à mes amis, ma famille…

dm

Sur Left on scene, tu t’entoures d’amis musiciens pour faire de ce projet, une aventure musicale et amicale. Sean Payne (Alto Sax), Adrian Gallet (Tenor Sax), Benedikt Göb (Piano), Jan Blikslager (Basse) et Mathieu Clement(Drum) peuplent l’album de leur talent et virtuosité. Fidèle aux valeurs de al Hard Bop, tu constitues un groupe de musiciens qui « jamment » ensemble, dans l'amitié. Quelle importance tient cette notion « d’amitié » dans ta musique ?

L'amitié compte beaucoup pour moi. On peut jouer aussi bien que l'on veut, si personne ne t'aime et que tu joues les cons, on ne t'appellera jamais pour jouer. Le groupe est en fait un groupe d'amis qui ont appris à se connaître musicalement grâce à l'amitié. Cette « intimité » fait bien sûr aussi beaucoup de bien à notre musique.

Si ce premier album contient logiquement des compositions originales que tu as écrites, outre Simpler Times, une chanson écrite par Sean Payne et deux standards que sont On a Clear Day et The Way You Look Tonight, il laisse tout de même beaucoup de place à tous les musiciens investis. Et l’ambiance générale en sort grandie d’énergie, et d’insouciance, pour un foisonnement de jeunesse. Pourtant, sur Left on scene vous montrez un talent qui dépasse largement votre « juvénile » background. Alors si dans la forme on entend cette fougue autant que cette maturité, dans le fond, il raconte quoi cet album ?

L'album raconte un peu mon histoire. Beaucoup de chansons sont rapides et énergiques, tout comme je le suis. Les gens qui me connaissent depuis l'enfance savent que j'étais un enfant très fougueux et que je ne voulais jamais faire de pauses. De plus, l'album est en grande partie très « traditionnel ». On y entend effectivement la tradition du « hard bop », ce qui était personnellement très important pour moi. Avant de faire de la musique moderne, je veux avoir appris la tradition, tout comme mes modèles. Aujourd'hui, je trouve dommage que différentes personnes se disent « musiciens de jazz » mais n'aient jamais vraiment appris à jouer la tradition.

Left on scene est un album accessible à tous, les aficionados du jazz comme ceux qui ne connaitraient pas ce genre musical. Et en même temps, pour avant-dernier titre, tu places la chanson éponyme de l’album, Left on scene, « quelque chose que tous les membres de la génération Alpha comprendront ». Une piste qui ancre cet album dans une profonde contemporanéité et une adresse donc, aussi, à un nouveau public. Que voulais-tu souligner par ce morceau, dont le titre est formulé comme un hymne à une génération ? 

Avec l'ensemble de l'album, je veux en fait souligner que les jeunes comme nous savent faire aussi de la « vieille » musique et, surtout, l'aiment. Certaines personnes que je connais d'avant se moquent peut-être de moi, mais, sérieusement, je m'en fiche. Je sais qu'il y a aussi des jeunes qui aiment la musique et je sais aussi qu'ils seront de plus en plus nombreux dans l'avenir. Le fait que je puisse être ici en est la meilleure preuve.

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