SACEM Luxembourg, une « success-story de 20 ans »

08 sep. 2023
SACEM Luxembourg, une « success-story de 20 ans »

© Caroline Martin
Article en Français
Auteur: Pablo Chimienti

La SACEM Luxembourg va fêter ses 20 ans, le 21 septembre prochain, avec un mini-festival organisé aux Rotondes. Love, Peace & Drugs, projet entre le jazz et le contemporain de Gast Waltzing, Jean-Jacques Maillet et LUCILIN, la chanteuse de jazz Claire Parsons, la rappeuse Nicool, l’auteur-compositeur-interprète Serge Tonnar, le super groupe Balthasar – Rosenfeld – Leen – Moreira, ains que le DJ Yves Stephany, se succèderont sur scène. Un concert gratuit pensé sur la thématique « Community & Diversity » qui résume tant bien que mal la complexité de la scène musicale nationale, mais également le travail de cet organisme de gestion collective. Un fonctionnement que nous explique son gérant, Marc Nickts.

Merc Nickts
Marc Nickts © Dan Thuy

La SACEM Luxembourg est la version grand-ducale de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, société de gestion des droits d’auteurs fondée à Paris en 1851. Société privée à but non lucratif, elle a pour but de collecter et de repartir des droits d’auteurs, comme son nom l’indique, aux auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Le principe est que si quelqu’un – qu’il s’agisse d’un musicien, d’un organisateur d’événements, d’une chaine de télé, d’une radio, d’une boite de nuit, d’un café ou de l’association locale ou encore une plateforme de streaming – gagne de l’argent en utilisant, jouant, diffusant… de la musique , une partie de ses revenus doivent revenir aux créateurs de cette même musique. Et comme un créateur ne peut plus, à un moment donné, savoir où et quand sa musique est utilisée, il peut adhérer à une gestion collective et lui donner mandat pour qu’elle récupère ce qui lui revient. En d’autres termes pour être « son représentant, ses yeux et ses oreilles » résume, Marc Nickts, gérant de la SACEM Luxembourg depuis 2010.

Si la SACEM Luxembourg célèbre cette année ses vingt ans, la présence de la SACEM au Luxembourg est bien plus ancienne, rappelle son responsable. « Les activités de la SACEM au Luxembourg remontent aux années 30 quand RTL s’installe au Luxembourg pour contourner le monopole d’état imposé sur les fréquences radios en France. La SACEM constate alors que beaucoup de leurs œuvres sont diffusés par RTL depuis le Luxembourg vers la France, ils sont donc venus au Luxembourg négocier le contrat de radiodiffusion directement avec RTL ».

Une histoire donc presque centenaire déjà.

La France pionnière

Et encore, le premier membre luxembourgeois de la SACEM, remonte, lui, même bien plus loin. « C’était en 1880, souligne Marc Nickts, son nom était Pierre Putz, il était compositeur et chef de musique ». Et si le grand-ducal a décidé à cette époque, où le Luxembourg était encore lié politiquement aux Pays-Bas, et faisait, peu de temps avant encore partie de la Confédération germanique, de se tourner vers l’Hexagone, c’est parce que la France a été une pionnière en matière de droits d’auteurs. « Il n’y avait pas encore une GEMA (NDR : Gesellschaft für musikalische Aufführungs- und mechanische Vervielfältigungsrechte) en Allemagne, pas encore une Sabam (Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs) en Belgique, pas encore une BUMA aux Pays-Bas.... Les créateurs de l’Europe entière se sont alors intéressés à la France grâce à cette gestion collective des droits qui fonctionnait » précise le responsable de la SACEM Luxembourg. D’ailleurs, c’est le Français Pierre-Augustin de Beaumarchais, auteur du « Barbier de Séville », qui est à l’origine de la première loi en faveur du droit d'auteur en 1791.

Pierre Putz
Pierre Putz (archives SACEM)

Il faudra, en revanche, attendre les années 1950, pour que la SACEM nomme un premier mandataire général au Luxembourg. Ce sera le chanteur d’opéra Venant Pauké. C’est lui qui a commencé la collecte des droits dans les lieux publics, comme les cafés ou les restaurants… où la musique était déjà diffusée à l’époque. Il faudra, ensuite, attendre encore cinq décennies, et la gérance de Bon Krieps, pour que les auteurs, compositeurs et éditeurs luxembourgeois poussent pour que la SACEM crée son penchant grand-ducal, la SACEM Luxembourg. Trois personnes ont tout particulièrement œuvré en ce sens : le juriste Olivier Toth, devenu depuis directeur de la Rockhal, Alex Muhlenbach, ancien directeur du Conseil supérieur de la musique, ainsi que le trompettiste, chef d’orchestre et ancien professeur au Conservatoire de la Ville de Luxembourg, Gast Waltzing.

« C’était important que ça devienne une société de droit luxembourgeois parce que la SACEM française était beaucoup trop centralisée sur Paris et sur la France », note Gast Waltzing, lauréat, en 2016, du Grammy Award du meilleur album de musique du monde – avec Angélique Kidjo et l'Orchestre philharmonique du Luxembourg. « En tant qu’artistes luxembourgeois, on ne se sentait pas vraiment considérés, écoutés à l’époque. Le fonctionnement de la structure ne nous semblait pas très transparent. C’est pour ça qu’on a demandé que la structure luxembourgeoise soit plus indépendante et dépende de la loi luxembourgeoise. Comme ça, on peut, par exemple, décider nous-mêmes de subsides pour aider les artistes sur certains projets, et puis, nous avons désormais, avec Marc (NDR : Nickts), une personne qui est en contact permanent avec la structure parisienne et qui peut servir d’interlocuteur entre nous et la SACEM quand on a une question ou une réclamation ».

1,2 millions d’euros reversés aux auteurs, compositeurs et éditeurs

Aujourd’hui, la SACEM Luxembourg compte quelques 1.800 membres dont un bon tiers ont touché des droits d’auteurs l’an dernier. Grâce à la digitalisation et une simplification des procédures d’inscription, le nombre de membres ne cesse de croitre – quelques 200 nouveaux par an désormais, contre une cinquantaine seulement auparavant – tout comme le nombre de nouvelles œuvres – 2.000 nouvelles en 2022. L’an dernier, justement, les quelques 600 ayants-droits actifs se sont partagé la bagatelle de 1,2 millions d’euros. Une somme que les auteurs, compositeurs et éditeurs se partagent de manière très variable. « Ça va de versements de plusieurs milliers d’euros à des versements d’une vingtaine d’euros à peine » reprend Marc Nickts.

Cela dépend de l’utilisation des œuvres de chacun, du nombre de diffusions, de la durée… Et si les chiffres sont difficiles à trouver, le système est simple, plus on est diffusé souvent et plus la durée de diffusion est longue, plus on gagne. Mais le montant dépend aussi du chiffre d’affaires de celui qui utilise la musique. Autrement dit, une grande radio va payer plus, pour un même morceau, qu’une radio locale associative. On comprend donc qu’il est difficile de donner un tarif précis pour le passage d’une chanson à la radio. Après de nombreuses insistances, Marc Nickts a bien voulu s’essayer à l’exercice. Selon lui, le tarif de la radiodiffusion d’un morceau lambda, de 3’30, « devrait varier entre 1 et 3 euros par passage » ; « mais c’est très approximatif » insiste-t-il.

De l’autre côté de l’échiquier, parmi les payeurs, quelques 7.000 clients sur le Grand-Duché. « L’acceptation de la SACEM est assez bonne » reconnaît, là aussi le responsable qui ne compte que quelques dizaines d’actions en justice par an. Et si les radiodiffuseurs payent à la seconde diffusée, les bars, restaurants et autres organisateurs payent des forfaits dépendants, là aussi, de leurs revenus. « Les gens comprennent bien qu’ils doivent payer car c’est un droit pour les créateurs, basé sur une loi ».

Unis dans la diversité

Des chiffres donnés en ce qui concerne le Luxembourg, mais il faut être conscient que, à travers ses contrats de réciprocités avec plus de 120 gestions collectives étrangères, le travail de la SACEM Luxembourg est mondial. Et si la situation locale semble tourner sans entraves, les responsables savent que les futures négociations à mener pour la SACEM Luxembourg, comme pour toutes les gestions collectives mondiales, se situeront plutôt sur la toile, au niveau des réseaux sociaux et des plates-formes de streaming, et qu’elles risquent d’être complexes.

En attendant avec ses chiffres en augmentation, ses partenariats internationaux, mais aussi les mandats, pour le territoire grand-ducal de la SACD – pour la fiction et le spectacle vivant –, de la SCAM – pour le documentaire – et de l’ADAGP – pour les arts plastiques –, Marc Nickts n’hésite pas à parler de la SACEM Luxembourg comme d’une « success-story de 20 ans ».

20 ans que, lui, son équipe – ils sont six salariés en tout au Grand-Duché – et ses membres comptent bien célébrer, le jeudi 21 septembre prochain, avec un « événement cordial, amical sur le thème “community, diversity“ ». Il explique, : « Ces 1.800 membres, ces 2.000 nouvelles œuvres déclarées par an, tous ces clients, etc… ça crée une communauté, qu’on veut valoriser. Un membre peut venir du classique, l’autre du hip-hop, ils ne se connaissent peut-être pas, mais le fait qu’ils sont tous deux auteurs ou compositeurs et qu’ils touchent des droits d’auteurs sur leurs créations, fait qu’ils font partie de cette même communauté ; qu’ils ont un lien dans cette diversité. C’est pour ça que nous avons décidé de faire cet événement avec des showcases montrant l’éclectisme de la scène locale ». Une soirée ouverte au public et gratuite, qu’il résume comme étant, « short, simple, bottom up et pas trop chic-chic » pour se retrouver, pour célébrer ces 20 ans et célébrer, avec les mélomanes, la scène musicale grand-ducale.

https://www.sacem.lu

https://www.sacem.lu/media/64e4892c906af_20-ans-sacem-luxembourg-invitation-fr-1-.pdf