Quand la culture s’engage

02 fév. 2022
Quand la culture s’engage

© Lynn Theisen
Article en Français
Auteur: Patricia Sciotti

Esch2022, capitale de la culture européenne nous offre un véritable catalyseur de culture en impliquant 11 communes du Luxembourg et 8 municipalités pour la partie française. Cette année d’ode à la culture infuse au cœur de sa démarche la diversité culturelle et l’art comme vecteur d’intégration.

L’âme de Esch2022 se trouve dans la création de synergies, la volonté de tisser des liens pour un futur immergé dans la vision du vivre ensemble, une volonté d’intégrer activement tous les publics au cœur des événements. Esch2022 met l’humain au cœur des projets. Mais cette volonté de créer un futur meilleur, une société responsable et participative ne s’arrête pas à l’organisation de cette année de culture, ni à l’aspect uniquement culturel et humain… elle va plus loin.

Si la culture s’imprime dans nos vies, elle exprime également la place de l’homme dans son environnement et le respect de celui-ci. Un des piliers de l’approche abordée au cours de cette année est le fait de créer un monde meilleur. Aussi l’urgence climatique s’est invitée au cœur du débat…

ELO, un projet à long terme

Les réflexions et les volontés des équipes impliquées par rapport à la notion de développement durable ont donné lieu à la création d’un groupe dédié engagé pleinement pour développer des outils utilisables dans le cadre de tout événement culturel.

ELO (qui signifie en luxembourgeois « maintenant ») est un concept qui se développe pour répondre à la problématique du développement responsable et structurer les actions en lien avec cette démarche. ELO s’adresse aux acteurs de la culture actifs durant Esch2022 mais également à tout porteur de projet culturel au Luxembourg et en grande région avec des solutions durables. Pour cela, l’équipe dédiée a articulé ce dernier autour d’une charte et d’outils répondant à cette stratégie durable. Matthieu Gillieron, chargé de coordination en matière de développement durable et d'action climat nous en parle.

© Irina Moons

© Irina Moons

ELO, en quelques mots, de quoi s’agit-il, comment est né le projet ?

L’idée est le fruit d’une demande de Michel Grevis et Valérie Klein, deux habitants de la région Esch2022, qui ont vu dans la capitale européenne de la culture une opportunité unique de faire avancer la problématique de la durabilité. Après consultation des acteurs locaux, le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable s’est finalement impliqué ce qui a eu pour résultat la création de ELO.

ELO est un réseau d’acteurs et de solutions dans la durabilité. L’idée est de construire avec Esch2022, et grâce aux porteurs de projets, fournisseurs, partenaires stratégiques qui nous accompagnent, et de laisser une trace après 2022. Notre directeur général, Nancy Braun rappelle toujours que cette année ne s'arrête pas à la fin de 2022… Tout ce que l’on met en place veut survivre à 2022, nous voulons faire en sorte que ce que l’on développe aujourd'hui ne soit pas juste un coup d'épée dans l'eau.

Et donc avec ELO, on veut créer un réseau. Depuis un an, j’ai pour ma part rencontré la majorité des porteurs de projets. J'ai discuté avec eux, je les ai écoutés, je leur ai présenté notre démarche. Nous avons établi nos objectifs en termes de durabilité dans une charte. Elle aboutit à des actions qui sont centrées autour de l'alimentation, de la gestion des déchets, de l'accessibilité, de la mobilité… Et donc j'accompagne les porteurs de projets qui le souhaitent.

Concrètement, quel est le lien entre cette démarche de durabilité et ce qui va se passer au niveau de la culture ?

On présente toujours ce qui sera visible… Les actions les plus efficaces au niveau de la durabilité, on ne les voit pas forcément. Par contre, on veut les rendre visible. On va essayer de l'expliquer, c'est ça qui est le plus difficile en fait.

Ce qu'on va voir par exemple, sur la soirée du 26 février qui sera quand même le lancement de Esch2022, ça va être l'utilisation de la vaisselle lavable, l'utilisation de produits à usages multiples, les outils de communication réutilisables et modifiables que nous avons développés… Mais c'est vrai que, au final, ce qui a le plus d’impact cela sera au niveau de la réduction des déchets, de la consommation électrique, de la consommation en eau… On va essayer de chiffrer les émissions de CO2 liées à la mobilité et associer un plan de mobilité qui va mettre en avant l'utilisation des transports en commun.

Au niveau de l'alimentation, nous allons appliquer tous les points définis dans ELO. C'est-à-dire, une transparence et une traçabilité complète. En commandant à manger, vous aurez la possibilité de voir la provenance de tous les produits et de tous les aliments utilisés. Des produits qui sont majoritairement locaux, de saison et donc il faut aussi l’expliquer. Avec cette transparence, on va pouvoir vraiment montrer les efforts qu'on a fait dans la recherche de produits. Autre chose, par exemple, grâce à la commune de Sanem qui s’est dotée d’une machine qui permet de nettoyer les eco cup tous les événements pourront disposer de gobelets réutilisables. Dans le cadre de Esch2022, des ateliers sur la durabilité vont être proposés avec différents acteurs pour sensibiliser le public et notamment le public jeune aux questions de durabilité autour des événements culturels et du tourisme…

Est-ce que vous pensez que votre démarche apporte un supplément à la dimension culturelle des projets?

Je suis convaincu que cela va apporter quelque chose. Il sera peut-être encore un peu tôt pour le voir, parce que beaucoup de projets avaient déjà bien avancé dans leur conception. Mais il serait intéressant de voir l'impact que cela a sur la création artistique. Souvent, la durabilité s’invite au cœur des discussions avec différents créateurs, que cela soit des créateurs de pièces de théâtre, de spectacles, de danse, d'expositions.

C'est toujours compliqué de concilier les deux parce que l’art a souvent un caractère un peu éphémère. Quand on fait une exposition, on va chercher à avoir tous les éléments à usage pour l'exposition que l’on ne va pas forcément réutiliser. On va faire des cadres sur mesure, on va faire des éléments de décor sur mesure… Et je pense qu'aujourd'hui il y a une vraie volonté de ces créateurs aussi d'être dans la durabilité quand ils ont une création en tête. Beaucoup de porteurs de projets appliquent ces principes. C’est quelque chose qui apportera un plus à la culture, c'est évident parce que ça lui donnera aussi un aspect plus intégré dans les problématiques de la société actuelle et pas déconnecté de la réalité. Je pense qu'on a tous besoin de culture, c'est essentiel, mais on a aussi besoin d'une culture qui est en lien avec les problématiques de la société actuelle.

Je crois qu’un autre aspect dans cette notion de durabilité est votre volonté de donner accès à la culture à toutes les personnes ?

Oui, pouvoir rendre la culture plus accessible au plus grand nombre, que cela soit des personnes en situation de handicap ou des personnes exclues de la culture pour raisons économiques ou sociales est l’un de nos objectifs. Je pense que ça, c'est un travail essentiel. Avec ma collègue Lena Batal, nous structurons des solutions pour des personnes en situation de handicap. C'est elle qui s'occupe majoritairement de l'accessibilité.

On a par exemple accompagné la mise en place d’un outil qui s'appelle Immersive Live. Ce sont des gilets qui sont vibrants et offrent une traduction de la musique en vibrations ce qui permet le retour d'un public sourd et malentendant sur des concerts et des spectacles de danse. Et ça, c'est un super outil, honnêtement c'est génial ! Mais ça reste un outil. Il faut travailler sur l'accessibilité, de façon beaucoup plus large, un outil ne suffit pas. C’est un énorme travail qu'on fait ça, mais pas seul. Par exemple, il faut aussi voir si la musique est adaptée, s’il y a une traduction simultanée ou alors est-ce que qu’on peut donner les paroles par exemple. Quand les personnes arrivent au concert peuvent-elles être complètement autonome, ou alors est-ce qu'elles ont besoin d'être accompagnées. On essaie de travailler sur tous les handicaps et tous les types d'évènements.

C'est un gros travail de compréhension, d'échanges avec les différentes associations, les différentes personnes en situation de handicap pour comprendre qu’elles sont leurs attentes et leurs manques. Et puis notre volonté c’est aussi de les rendre acteurs et pas simplement spectateurs. C'est de travailler avec elles sur comment justement elles peuvent être impliquées. Et ça, ce sont nos projets...

Portrait: © Lynn Theisen