Altrimenti, une manière de faire « autrement »

30 déc. 2022
Altrimenti, une manière de faire « autrement »

Article en Français
Auteur: Pablo Chimienti

Altrimenti a soufflé ses 10 bougies en cette année 2022. L’occasion de redécouvrir ce centre culturel décidemment pas comme les autres.

C’est au Limpertsberg, pas très loin du cinéma Utopia que le centre Altrimenti a vu le jour il y a dix ans déjà. Au coin de la rue de la Faïencerie et de l’impasse Nico Klopp. Les moins regardants se rappellent peut-être seulement du lieu comme d’une petite cafétéria proposant des spécialités gastronomiques italiennes ainsi qu’un joli coin librairie. « Mais Altrimenti c’est beaucoup plus que ça » lançait déjà à l’époque le responsable des lieux, Diego Lo Piccolo. Le sous-sol du petit local proposait, en effet, dès les débuts de l’aventure des expositions, des conférences artistiques et tout une ribambelle d’autres rencontres culturelles.

Trop à l’étroit dans ses locaux d’origine, la structure a depuis déménagé au centre-ville de la capitale, au 5 de l’avenue Marie-Thérèse. Inutile, en passant devant à la volée, de chercher une devanture ou ne serait qu’un panneau annonçant, la présence d’Altrimenti. « Ce n’est pas une volonté de rester cachés », assurent les responsables, qui, accueilli par le Centre Convict doivent passer par d’autres canaux pour se faire remarquer par les publics.

Et si on regarde les chiffres affichés par la structure, on voit que cela fonctionne malgré tout. En 2019, année de référence avant la pandémie COVID-19, Altrimenti a proposé 164 activités dans ses différentes salles, parmi lesquelles 53 spectacles – concerts, pièces de théâtre, spectacles de danse, projections de film –, 23 conférences et 83 activités sociales. À cela s’ajoutent 2.300 heures de cours et d’ateliers divers. Un programme extrêmement varié qui a attiré quelques 34.000 personnes.

Un tiers-lieu pour la contagion positive à travers la culture

L’équipe qui gère les lieux ne parle volontairement pas de spectateurs. Ici, encore plus qu’ailleurs, on demande au public d’être également acteur, d’être partie prenante de la rencontre culturelle, voire qu’il s’engage pour celle-ci. « Altrimenti est né de l’idée d’une personne (NDR : Diego Lo Piccolo) qui voulait faire quelque chose de différent » explique la chargée de communication et des relations externes de la structure, Monica Renna. « Il rêvait d’un lieu de rencontre, un lieu ouvert à tout le monde, un lieu pour la diffusion de la culture, un espace de dialogue et d’engagement » ajoute-t-elle avant de poursuivre : « Altrimenti est un lieu crée par le gens, pour les gens et c’est toujours la spécificité de ce lieu ». Et si les responsables proposent un certain nombre de manifestations, « ce sont les gens qui proposent des activités au centre ; nous, on les accompagne dans la réalisation de leurs projets ». Encore Monica Renna : « Nous disons toujours à nos utilisateurs : "Altrimenti, c’est votre espace" car nous voulons que les gens participent aux différents événements ».

D’ailleurs si les responsables d’Altrimenti parlent de leur structure en tant que « centre culturel », « d’espace de création et de diffusion culturelle, de rencontre et d’échange, de collaboration et d’interaction », c’est clairement le terme « tiers-lieu » qu’ils préfèrent pour parler de leur projet. En regardant la définition de « tiers-lieu » dans Le Robert, on peut y lire : Espace de sociabilité d’initiative citoyenne, où une communauté peut se rencontrer, se réunir, échanger et partager ressources, compétences et savoirs ». C’est un terme, nous apprend Wikipedia, « traduit de l'anglais The Third Place (à ne pas traduire par "troisième place" faisant référence aux environnements sociaux qui viennent après la maison et le travail (concept en lien avec les mobilités triangulaires et pendulaires). C'est une thèse développée par Ray Oldenburg, professeur émérite de sociologie urbaine à l’université de Pensacola en Floride, dans son livre publié en 1989 : The Great Good Place ». Un terme qui sied effectivement à Altrimenti.

L’ambition affichée de cette asbl ? « Le travail de contagion positive pour l’amélioration de la vie de tous » peut-on lire sur le site internet de la structure et cela à travers la culture, « véritable nourriture de l’esprit » et « seul outil qui permet de ramener l’homme à sa véritable dimension humaine ».

« Un lieu au service de la transculturalité »

« Au-delà de faire des événements artistiques, Altrimenti est aussi un centre qui accueille les activités des associations, d’ONG, de ce qu’on appelle la société civile » reprend Monica Renna. Et si le nom de la structure est italien – « altrimenti » signifie « autrement » dans la langue de Dante – Altrimenti n’a rien d’un centre culturel transalpin. Ainsi l’Alliance de la Coopération latino-américaine, l’Association Culturelle Polonaise, le Círculo Cultural Español Antonio Machado, le Club Culture et Danse Hellénique, le Club de danses écossaises, la Communauté hellénique, la Communauté Lituanienne, la Greek Theatre Society, la Société croate Luxembourg, le Luxembourg Scottish Country Dance Club, Les amis de la Corée au Luxembourg, Tierra del Tango sont autant d’association représentant différentes communautés présentes au Grand-Duché avec lesquelles coopère Altrimenti. Mais le lieu n’est pas non plus un lieu communautaire ; il travaille également avec le Comité pour une Paix Juste au Proche-Orient, le CID-femmes, l’ErwuesseBildung, la Fondation Cancer, Discover Luxembourg, Etika, Europa Donna Luxembourg, Lyric Suite, New Classic Stage, Pole Impro Luxembourg, SOS Faim, Studio Théâtre, Swing Dance Luxembourg ou encore l’Union des femmes luxembourgeoises. « On vit dans une société multiculturelle, c’est donc normal qu’il y ait un lieu qui propose des activités multiculturelles et qui se met au service de la transculturalité » souligne Monica Renna. Puis, elle ajoute : « Altrimenti est devenu un lieu au service de ce mélange de cultures, qui ouvre pour l’accessibilité à la culture et aux cultures ».

Tout un programme pour ce tiers-lieu auto-géré et ne demande aucune subvention publique, à l’exception de subventions pour des événements en particulier. « C’est un choix, on veut laisser l’espace à la libre initiative pour donner cet espace de liberté aux gens » souligne la chargée de communication et des relations externes. « Il y a des structures culturelles institutionnelles et c’est bien que l’état soit là pour les soutenir, car la culture doit être soutenue; mais nous voulons mettre le public au centre de toute la réflexion, c’est donc une tout autre logique, un autre fonctionnement. Les structures culturelles institutionnelles font une programmation et la proposent ensuite au public. Chez nous, c’est le public qui fait la programmation » insiste-t-elle. « Altrimenti est vraiment une expérimentation, une façon de faire très différente, une manière de faire "autrement" ».

Et, sur ce point, le manifeste de l’asbl est éloquent : « En ce qui nous concerne, nous qui croyons fermement à la nécessité de rendre le monde meilleur que nous ne l’avons trouvé, nous voulons participer à la construction de cet avenir différent. Forts des expériences du passé que nous pouvons réélaborer et conscients que la culture est la véritable nourriture de l’esprit, nous voulons créer des occasions d’étude, de lecture, de réflexion et de discussion afin de créer de nouvelles idées, de nouvelles approches qui, considèrent toute différence dans le respect de la diversité et qui permettent de définir des règles applicables et certaines. Règles qui ramènent l’humanité à sa dimension humaine : bref, qui fassent de la Terre un endroit paisible où la cohabitation serait possible ».

 

Altrimenti

5 avenue Marie-Thérèse L2132 Luxembourg.

www.altrimenti.lu