Villerupt, une histoire d’amour luxembourgeoise

25 oct. 2022
Villerupt, une histoire d’amour luxembourgeoise

Article en Français
Auteur: Pablo Chimienti

Le Festival du film italien de Villerupt tient sa 45e édition du 28 octobre au 13 novembre prochains. Le Luxembourg sera, cette année encore, très présent dans la manifestation.

Les cinéphiles du Luxembourg le savent, pendant le mois d’octobre ils regardent vers l’est à travers le festival CinEast, en novembre, en revanche, c’est direction le sud et plus particulièrement l’Italie, grâce au Festival du film italien de Villerupt. Alors, certes, Villerupt ne se trouve pas au Grand-Duché, mais le festival est géographiquement proche et il a bâti de nombreux ponts avec le Luxembourg, au point qu’on pourrait presque dire que la manifestation est, en partie, luxembourgeoise.

En regardant la programmation de cette 45e édition, qui se tiendra du 28 au 13 novembre, on ne peut que constater qu’il y a des bribes de Luxembourg dans quasiment tous les aspects de la manifestation. Le plus visible est bien évidemment celui des salles de projection. Si le festival s’exporte de Creutzwald à Épinal en passant par Neufchâteau ou Aumetz, il compte six salles officielles : l’Hôtel de Ville, le Rio et la toute nouvelle L’Arche à Villerupt, la MJC d’Audun-le-Tiche, et deux salles situées au Luxembourg, le Kinosch de la Kulturfabrik à Esch-sur-Alzette et le ciné Starlight du CNA à Dudelange.

« Dès la première édition du festival, en 1976, le côté transfrontalier était déjà en place », note Antoine Compagnone, le délégué général Festival du film italien de Villerupt. Jeune homme, il ne faisait pas encore partie de l’organisation, mais était déjà présent « en tant que spectateur ». À l’époque, poursuit le responsable, « deux personnes nous aidaient énormément à avoir des copies : Fred Junck, le directeur de la Cinémathèque de la Ville de Luxembourg, créée en même temps que le festival, et Bob Krieps qui avait accès à pas mal de films ».

Luxembourg, Esch-sur-Alzette, Dudelange

Rapidement la manifestation a donc proposé des projections et des rencontres à Luxembourg ; D’abord à la Cinémathèque – qui propose en ce moment même une grande rétrospective Pier Paolo Pasolini – puis également au ciné Utopia, dans le cadre de soirées spéciales avec des invités d’honneur tels que Mario Monicelli ou Luigi Magni.

En 1994, une étude universitaire sur le festival a montré qu’il y avait un grand intérêt du public luxembourgeois pour la programmation de Villerupt. Pour y répondre, une plus grande décentralisation vers le Grand-Duché a été mise en place dès l’année suivante avec des projections à l’Ariston.

Un premier pas posé à Esch-sur-Alzette, la commune luxembourgeoise la plus proche, géographiquement, de Villerupt, qui deviendra rapidement un partenaire du festival. « Les gens de la commune ont compris que, comme il n’y a pas grand-chose à Villerupt, on était très présents dans les hôtels et les restaurants eschois » reprend le responsable. Le festival s’installe à la Kulturfabrik et n’en repartira plus. Le centre culturel eschois participe donc cette année encore à la manifestation à travers plus de 30 projections de films, mais également une « petite programmation "off" autour de la culture italienne » peut-on lire dans le dossier de presse de la manifestation. Une exposition intitulée « Carte da gioco – Matteo Falone » prendre place au Ratelach du 27 octobre jusqu’à la fin de l’année ; le 4 novembre, le Ratelach accueillera le concert d’Enrico Lunghi qui reprendra des standards de la chansons italienne et française tout en y ajoutant quelques compositions originelles, enfin le samedi 12 novembre le même Ratelach servira de décor pour un tournoi de Scopa, jeu de cartes traditionnel de la péninsule italienne.

Après Esch, le festival n’a plus hésité à s’installer un peu plus loin dans le Grand-Duché. Depuis 2007 et l’installation du CNA dans ses locaux actuels de la rue du Centenaire, Dudelange a rejoint la Métropole du Fer parmi les partenaires du festival, et le Starlight a donc rejoint le Kinosch en tant que salle officielle de la manifestation. C’est un peu plus loin, mais « on nous a dit, "vous savez à Dudelange, il y a aussi beaucoup d’Italiens", donc on y est allés » se rappelle Antoine Compagnone.

Cette année, ce sont plus moins de 30 projections qui sont programmées dans la Forge du Sud, sans oublier quelques rencontres : le vendredi 4 novembre avec l’équipe de Io e Spotty de Cosimo Gomez, le lendemain avec celle Piano piano de Nicola Prosatore ou encore le mercredi 9 novembre avec l’équipe de L’Arrivée de la jeunesse de Fabio Bottani, qui retrace un siècle d’immigration italienne au Grand-Duché de Luxembourg, réalisé dans le cadre d’Esch2022 Capitale européenne de la Culture.

Films, jurés, orchestre du Luxembourg

D’autres coproductions luxembourgeoises sont d’ailleurs à l’affiche de cette 45e édition : I Fiori persi de Fabrizio Maltese est repris dans le cadre du panorama, tandis que L’Arrivée de la jeunesse et L’Usine secrète d’Emmanuel Graff font partie de la section « Remix notre histoire » prévue dans le cadre d’Esch2022.

Pour le reste, ce sont quelques 75 films qui sont au programme. Comme tous les ans la compétition 2022 est réservée à des œuvres inédites et non distribuées en France, avec un intérêt tout particulier porté aux premières ou deuxièmes œuvres. 19 films en tout qui seront proposés au public, mais aussi aux quatre différents jurys du festival : jury professionnel, jury de la critique, jury jeune et jury des exploitants. Les deux premiers comportent également une composante grand-ducale. « On a toujours un réalisateur, un producteur ou un acteur grand-ducal dans le jury professionnel », reprend Antoine Compagnone, « c’est une sorte de contrat moral avec le Luxembourg » ajoute-t-il. Après tout, sur les 40.000 spectateurs annuels que compte le festival, plus de 20% du public vient du Grand-Duché.

Ainsi après Nicolas Steil, Bernard Michaux, David Grumbach, Donato Rotunno ou encore Nico Simon, tous membres du jury ces dernières années, cette édition, comptera deux représentants luxembourgeois avec la participation de la réalisatrice et scénariste Geneviève Mersch (Le Pont rouge, Plein d’essence…) et celle du producteur Jesus Gonzalez (Calach Films). Pour le jury de la critique, les organisateurs du festival font également appel tous les ans à un des membres de l’Association luxembourgeoise de la presse cinématographique. Cette année, c’est le journaliste du Quotidien, Valentin Maniglia, qui représentera le Luxembourg.

Bien plus que du cinéma

Et si Villerupt est avant tout un festival de cinéma, il ose, comme on a pu le voir à la Kulturfabrik, de plus en plus s’aventurer dans d’autres domaines artistiques. Si les expositions font depuis longtemps partie du menu, cette édition s’intéresse également au théâtre, avec la venue, le 31 octobre, de Bruno Putzulu avec sa pièce Les Ritals adaptée du roman de François Cavanna. Une belle séance de rattrapage pour les spectateurs qui auraient raté la représentation en mai dernier au Aalt Stadhaus de Differdange.

Le Grand-Duché est également à l’honneur dans cette partie du programme « hors cinéma ». C’est en effet l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg qui ouvrira cette édition 2022, le samedi 28 octobre à L’Arche. Sous la direction de Frank Strobel, les musiciens de l ‘OPL interpréteront une sélection de musiques composées par Nino Rota pour les plus grands films de Federico Fellini : La Dolce vita, Amarcord, La Strada

Des ponts en hommage à une histoire commune

La proximité du festival avec notre pays, mais aussi une volonté claire de ses organisateurs font que nombreux ponts ont été bâtis entre Villerupt et le Luxembourg. Une manière de rendre hommage à l’histoire ; après tout, et le film Io sto bene de Donato Rotunno sorti en 2020 le rappelle de fort belle manière, quand les migrants Italiens ont quitté leur pays à la recherche d’une vie meilleure dans les mines ou les usines de la région, ils se sont arrêtés indifféremment d’un côté ou l’autre de la frontière, selon les besoins de main d’œuvre du moment.

« Pour nous, en fait, il n’y a pas de frontière » assure Antoine Compagnone avant de se raviser : « En fait, il n’y en a jamais eu. Bien avant les accords de Schengen, la Grande Région et tout ça, on a travaillé sans frontière ! ». Ne serait-ce que parce que l’aéroport international le plus proche de Villerupt, c’est le Findel, s’amuse le responsable qui souligne d’ailleurs que, « économiquement parlant, on est presque plus présents au Luxembourg qu’en France. D’ailleurs, le ministère de la Culture grand-ducal fait partie des partenaires de la manifestation et le festival a été le cadre d’une rencontre, en 2012, entre l’alors ministre française de la Culture, Aurélie Filipetti et son homologue luxembourgeoise, Octavie Modert. « Madame Modert est même revenue l’année suivante parce qu’elle avait trouvé ça sympa » se remémore un Antoine Compagnone qui n’a pas non plus oublié « le super discours du Premier ministre Xavier Bettel lors de la soirée de remise des Prix de 2017 ».

On l’aura compris, entre Villerupt et le Grand-Duché, c’est une grande histoire d’amour qui dure depuis plusieurs décennies déjà. Gageons qu’elle devrait se poursuivre cette année encore avec cette programmation qui fait la part belle aux femmes. « Sur les 69 cinéastes au programme cette année, 22 sont des réalisatrices », note Antoine Compagnone. « C’est presque un tiers. Ce n’est pas encore assez, mais déjà pas mal ! » conclue-t-il.

45e Festival du film italien de Villerupt, du 28 octobre au 13 novembre 2022.

https://festival-villerupt.com

 

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