Ptolemea : « J’ai demandé à la lune »

16 fév. 2022
Ptolemea : « J’ai demandé à la lune »

Article en Français
Auteur: Pablo Chimienti

En attendant la sortie de son premier album prévu en janvier 2023, Ptolemea, le projet de la singer-songwriter Priscila Da Costa, sort un nouveau single, Wrong Tears. Une ballade électrique et sombre emplie de références chamaniques.

Voilà quatre ans que Ptolemea suit son petit bout de chemin ultra-personnel sur la scène grand-ducale des musiques actuelles. Née de l’envie de musique de Priscila Da Costa, juriste de formation, le band regroupe Remo Cavallini à la guitare, Yves Oek à la basse, Chris Reitz au violon et Martin Schommer à la batterie. Ensemble, ils ont déjà deux EP à leur actif : Tome 1, sorti en 2018 et Maze arrivé en 2020.

« J’ai commencé la musique assez tard, se rappelle la front-woman, je travaillais l’aspect vocal et la guitare quand Lata Gouveia m’a demandé d’écrire une chanson pour un Grund Club Show. Je n’avais jamais écrit avant, mais j’ai eu envie d’essayer. Je ne connaissais rien au processus créatif mais j’ai tout de même écrit un morceau, puis plusieurs. L’étape suivante était de créer mon propre projet. C’est comme ça que Ptolemea est né » poursuit-elle.

Depuis ses débuts, plonger dans l’univers artistique de Ptolemea n’a jamais été un long voyage tranquille. Priscila Da Costa et ses « garçons », comme elle aime les appeler, n’offrent pas à leurs auditeurs une balade tranquille, un parcours parsemé de pétales de rose, une aventure sous le soleil. Bien au contraire. Avec eux, on est plutôt dans l’expédition initiatique à travers des chemins parsemé d’épines, de doutes et de questionnements profonds. Une plongée dans l’âme humaine et surtout dans son côté le plus obscure.

© Lugdivine Unfer

© Lugdivine Unfer

Ptolemea, un acte libérateur, cathartique

Le nom déjà, n’a rien d’anodin. Ptolemea fait référence à l'astronome et astrologue Claudius Ptolemeus du deuxième siècle de notre ère qui, depuis sa Haute-Égypte natale, a étudié « l'harmonie – ou la musique des sphères » explique la chanteuse dans son site internet. « Cette théorie repose sur l'idée que l'univers est régi par des relations numériques harmonieuses, (…) les distances entre planètes correspondant à des intervalles musicaux. Pour la chanteuse, l'expansion de l'univers est liée à l'expansion de toutes les âmes vivantes. Elle a choisi ce nom dans une volonté de partager les étapes clés de son cheminement musical et spirituel qui définit son identité de femme artiste. Aussi, la nature est sacrée et fait partie intégrante de sa démarche » peut-on lire sur le site du groupe.

Depuis Ptolemea sert à Priscila Da Costa d’acte libérateur. « J’ai beaucoup d’émotions refoulées en moi. Je ne les renie pas, je les accepte complètement, elles font partie de moi ; Du coup, en voulant être sincère avec moi-même, ce qui ressort, c’est un côté dark et mélancolique. J’assume ces choses liées à mon enfance, pas toujours bien guéries qui ont fini par refaire surface avec l’âge » Un exemple : « J’ai étudié le droit, à cause d’une sorte de conditionnement qui très présent, qui veut qu’on fasse des études, qu’on trouve un bon travail et tout ça. Un conditionnement qui m’empêchait d’avancer, de croire en moi au point que je suis entrée en dépression », souligne-t-elle sans détour. Et d’ajouter : « la musique est le moyen que j’ai trouvé pour exprimer ces émotions négatives et les transformer en quelque chose de créatif et d’artistique ».

Un aspect cathartique présent chez Ptolemea dès sa première galette il y a quatre ans. « Tome 1 parle du début de cette sortie de schéma antérieur et de transformation personnelle, résume-t-elle, Maze, c’est l’étape d’après ; ce moment quand tu plonges dans cette transformation et te remets en question. C’est un moment où t’es encore plus perdu car il y a tout un nouveau spectre qui s’ouvre à toi ».

© Lugdivine Unfer

© Lugdivine Unfer

Deux singles pour une transition

Une évolution qui a connu une suite ces derniers mois avec la sortie de deux singles presque coup sur coup : Mad mi-décembre et Wrong Tears fin janvier. Un premier morceau hard rock aux instruments dominants, aux sonorités saturées de batterie et de guitare électrique, suivi d’un second où le band semble revenir à quelque chose plus proche du singer-songwriting, avec une musique présente mais discrète, plus portée vers des sons de basse et de synthétiseur, laissant la part belle à la voix, au texte, mais aussi, un peu, aux éléments naturels : le vent qui souffle, le feu qui crépite…

« Les deux singles me servent de transition pour le projet Ptolomea », note la chanteuse. « Il y a un album de prévu pour janvier 2023 et ça prend une direction très différente par rapport à ce qu’on a fait jusque-là. Il y a toujours le côté dark et mélancolique, mais au niveau sonore, ça va beaucoup changer. D’habitude quand j’écris des chansons, j’utilise la guitare acoustique, tandis que là, j’ai opté pour le synthétiseur, un Moog, ce qui a complétement changé la composition des morceaux. Du coup ça prend une tournure avec des rythmes tribales, des sons plus mystiques. Et au lieu d’avoir des riffs de guitare, ça se passe au synthé ».

© Lugdivine Unfer

© Lugdivine Unfer

« J’ai décidé d’assumer la partie chamanique que j’ai en moi »

En plus, précise Priscila Da Costa, « j’ai aussi décidé d’assumer la partie chamanique que j’ai en moi ». Un aspect parfaitement visible dans les clips qui accompagnent les deux singles. La chanteuse et le groupe semblent achever là un retour à la terre, un retour à l’essentiel, à la nature, au dépouillement. Le clip Mad tourné par Kim Conrardy, entraîne Ptolemea tantôt dans la forêt, près des ruines d’une habitation, entourés de dreamcatchers, tantôt dans la pénombre d’une grotte. Tour à tour gypsy, ego et higher-self, la chanteuse virevolte entre essence de l’âme et ego, entre positive et négative, entre humaine et monstrueuse. Dans la vidéo de Wrong Tears, signée Eric Dalele, Priscila Da Costa prend possession d’une petite cabane dans les bois. Là, à la seule lumière des bougies et de la cheminée allumée, entourée de branchages, d’ossements d’animaux et de petits pots en terre cuite remplis de poudres surprenantes, elle prend un pinceau et un parchemin pour écrire une étrange lettre. Son texte n’est autre que le texte de la chanson. « I can’t cheat / But I won’t speak / Can you see, can you tell? (…) I don’t know what I need / I keep smiling while I bleed ».

« C’est un moment d’introspection, un rituel avec les éléments de la nature », précise l’âme de Ptolemea. « J’écris régulièrement des lettre à la lune, c’est quelque chose qui m’a beaucoup aidé dans mon parcours », poursuit-elle. « À chaque pleine lune, je lui écris pour me débarrasser de choses qui me pèsent, et à chaque nouvelle lune je lui écris pour manifester de nouvelles choses. C’était important pour moi de montrer ça dans le clip », tout en précisant qu’il s’agit là, « ni de sorcellerie, ni de pratiques vaudou, mais juste une connexion avec la nature et surtout la lune ».

Tout comme Mad, Wrong Tears est proposé uniquement en version digitale. Les clips, eux, sont à découvrir sur le site internet de Ptolemea. Et comme toute la discographie du groupe, les deux morceaux sont disponibles sur Spotify. Pas de release party de prévue pour ces deux singles, mais le groupe a déjà quelques concerts de prévus dans les prochains mois : en version duo Priscila a Costa – Remo Cavallini, les 19 mars au House 17 et le 30 avril au Flying Dutchman, puis dans sa formation complète, le 17 juin à la Fête de la Musique de la capitale.

https://ptolemea.com