Fusion Bomb, une sorte de renaissance

29 juin. 2023
Fusion Bomb, une sorte de renaissance

Article en Français
Auteur: Pablo Chimienti

L’année dernière Fusion Bomb a remporté le Metal Battle Luxembourgeois, ce qui lui a ouvert les portes de la Mecque de la musique extrême, le Wacken Open Air Festival. Cette année le quatuor thrash composé de Miguel Teixeira Sousa (guitare/voix), Luc Bohr (guitare), Nippel Remy (basse/voix) et Scott Kutting (batterie) est de retour dans les bacs avec un nouvel EP éponyme. Quatre nouveaux morceaux ultra-pêchus annonciateurs d’une nouvelle époque. Rencontre avec le batteur Scott Kutting.

Fusion Bomb

Quand les groupes sortent un EP ou un album éponyme, c’est souvent leur premier disque. Chez vous ce n’est pas le cas. Le groupe existe depuis plus de dix ans, a déjà sorti un EP en 2016, un single en 2018 et même un album en 2019, qui eux, avaient des titres, respectivement Pravda, You're A Cancer To This World et Concrete Jungle. Alors pourquoi un EP éponyme et pourquoi maintenant ?

Scott : En effet nous avons déjà publié un EP, un single et un album et nous avons presque fini d’enregistrer notre deuxième album. Ce sera notre « album-pandémie », mais on n’a pas trouvé de label immédiatement. C’est pour ça que nous nous sommes lancés dans un EP. Nous voulions proposer quelque chose de nouveau à notre public, car on n’a plus rien sorti depuis quatre ans déjà. On ne voulait pas rester trop longtemps silencieux en attendant le deuxième album. En plus de ça, nous voulions nous débarrasser de cette image de « pizza-thrash », pas sérieuse, toujours orientée vers la fête, les copains et la bière, qu’une partie du public avait de nous. Nous avons beaucoup évolué et progressé pendant ces quatre dernières années, en tant que musiciens, mais aussi tout simplement en tant que personnes. Même si on ne renie pas notre passé, cet EP marque un peu un nouveau début pour Fusion Bomb. Une sorte de renaissance. C’est pour ça que nous avons voulu que ce soit un EP éponyme.

Vous êtes un des derniers représentants du thrash metal luxembourgeois. Tout d’abord que représente ce style pour vous et puis, où sont passés les autres thrasheux grand-ducaux?

C’est clair que c’est un genre de niche, nous sommes comme des nerds. Dans les années 2000, aux Etats-Unis, en Amérique centrale et du sud, il y a eu tout un mouvement de nouveaux groupes de thrash qui nous ont beaucoup inspirés quand nous étions au lycée. C’est ça qui nous a formés en tant que musiciens. Le Thrash a eu son âge d’or dans les années 80, mais le nouvel EP est surtout influencé, musicalement, par le thrash des années 90, une décennie qui malheureusement ne reçoit pas la même attention que le thrash des années 80, avec ses « Big Four » que sont Megadeth, Metallica, Slayer et Anthrax, mais aussi Exodus, Testament ou encore notre groupe préféré et totalement méconnu Forced Entry. Le thrash des années 90 est bien plus complexe, bien plus profond au niveau des textes, mais aussi de la musique. Une évolution alors arrêtée par l’arrivée du grunge. Et c’est cette évolution que nous voudrions reprendre à notre manière.

Le thrash est une musique pleine d’agressivité, violente même. D’où vous vient cette révolte qui vous donne envie de crier ainsi dans le micro et de taper aussi fort sur les guitares, la basse et la batterie?

On a entendu souvent, de la part de personnes qui ne sont pas du Grand-Duché : « vous êtes du Luxembourg, vous êtes tous riches, vous ne pouvez pas faire du thrash metal authentique». Mais ce n’est pas du tout vrai. Quand on est jeune c’est difficile de s’intégrer dans la société, au Luxembourg comme ailleurs. En plus, en ce qui nous concerne, l’attitude bourgeoise qui existe au Luxembourg ne nous plait pas du tout, ce qui ne nous a pas empêché de tous aller à l’université et d’avoir tous désormais un travail. Il y a plein de trucs au Luxembourg qui ne fonctionnent pas comme ils le devraient, des systèmes qui sont rouillés et nous pensons que la musique est justement une bonne manière de le dire. Après, cette révolte, l’agressivité de cette musique est, pour moi, une bonne balance avec mon travail – je fais un doctorat en histoire médiévale ou je suis tout le temps assis derrière un bureau. Mon énergie a besoin de sortir, là, elle sort en musique.

C’est cette révolte, ce qui ne va pas dans notre pays que racontent les quatre nouveaux morceaux : Personnality, Confessions, Consolidate et Fifty One Fifty.

C’est un peu plus complexe que ça. Personnality est surtout une critique des réseaux sociaux et des personnes qui se laissent dicter leur vie par cette industrie tandis que Confessions est inspiré par les confessions de Saint-Augustin, c’est un dialogue avec Dieu sur l’écoulement du temps et la perception humaine du temps. C’est très philosophique. Consolidate traite de la fragilité de notre société autour de thèmes d’extrême gauche. C’est, un peu la continuation de notre You’re A Cancer To This World. Nous nous situons dans la gauche politique, mais c’est justement à cause de ça qu’il nous semble important de balayer devant notre porte. Fifty One Fifty c’est un titre inspiré de l’énergie d’un film Folling Down (NDLR : de Joel Schumacher, avec Michael Douglas), également sorti dans les années 90. C’est juste un film qui nous plait beaucoup.

C’est quoi le fonctionnement de Fusion Bomb ? Comment vous composez ? Comment vous écrivez ?

C’est toujours un de nous quatre qui vient avec une idée, on la laisse mijoter un peu, puis l’un de nous commence souvent à composer sur son instrument dans son coin. Après on travaille à deux, trois souvent sur la guitare, pour privilégier le riff, ou directement tous ensemble en jam session. Pour cet EP, la plupart des chansons sont des produits jammés.

Les riffs sont bons et ça tape très fort et vite du début à la fin. Vous savez à quel BPM vous montez ?

250, je crois. C’est pas mal. On a commencé à 200 BPM et on a progressé. Notre point fort, je trouve, c’est justement l’incroyable énergie qu’il y a dans cette vélocité.

Jamais vous n’avez envie de baisser le tempo ?

Pas pour l’EP ; mais le prochain album va avoir des moments plus calmes. On va d’ailleurs proposer une power ballade.

Dans votre communication, vous parlez de ce nouvel EP comme d’un « pont » entre l'intensité brute de votre premier album, Concrete Jungle et le deuxième album, Gelid Remains, prévu pour l’an prochain. Expliquez-nous ça.

L’EP est déjà plus technique au niveau des instruments par rapport à Concrete Jungle ; on joue avec des harmonies qu’on n’a jamais utilisées avant et Miguel chante même avec une voix claire dans certains passages, comme avait pu le faire Anacrusis justement dans les années 90. Gelid Remains, qu’on espère sortir l’an prochain, sera un album concept, un commentaire social autour d’une histoire dystopique que nous avons imaginé.

En attendant, pour votre release party, ce vendredi 30 juin à la Rockhal, vous serez accompagnés des anversois de Schizophrenia et des allemands de Faboulous Desaster. Vous annoncez que la release sera explosive, normal pour une Fusion Bomb, mais que pouvez-vous nous dire de plus ?

Nous avons préparé un tout nouveau set. On va reprendre les classiques, jouer tout l’EP et proposer aussi quelques surprises à nos fans. On est en très bonne compagnie avec les copains de Schizophrenia et Faboulous Desaster. Comme dit plus tôt, il ne reste plus beaucoup de groupes de thrash au Luxembourg – il y a Praetor, Sublind et Scarlet Anger –, nous jouons donc déjà souvent ensemble, c’est pour ça que nous avons préféré inviter des groupes étrangers pour la release.

Vous écrivez, au sujet de cette release, que ce sera « électrisante », qu’elle sera « dangereuse », que vous allez faire « exploser la scène » puis que vous allez la « dévaster le Rockhal's Floor » et, enfin, en vous adressant à vos spectateurs, vous leur dites : « Si vous avez soif de violence et de sang, ne manquez pas cette occasion de donner un coup de pied à un visage amical ! ». Pourquoi toute cette imagerie violente alors qu’on sait qu’il n’y a pas plus gentil qu’un métalleux ?

Nous sommes ultra gentils dans la vie, c’est clair, mais la musique, elle, est quand-même violente et nous encourageons les spectateurs à se lâcher, à slamer. Nous jouons là-dessus, mais c’est une blague bien évidemment.

Fusion Bomb, vendredi 30 juin à 20h30 à la Rockhal. Tickets : 15,74 euros.