BLAST : donner vie à la danse en temps de pandémie

20 nov. 2020
BLAST : donner vie à la danse en temps de pandémie

Article en Français
Auteur: Salomé Jeko

Contrairement à bon nombre d’acteurs culturels qui n’ont pas eu cette chance cette année, la compagnie Vedanza a pu présenter, courant novembre, sa nouvelle création de danse intitulé BLAST. Coproducteurs de la pièce, le Centre Culturel Régional Dudelange Opderschmelz et le Centre des Arts Pluriels d'Ettelbruck ont pu, comme prévu dans leur programmation, proposer l’événement à leurs publics, lors de trois représentations données au sein de leurs salles respectives.

Un aboutissement qui, à la lumière de la situation sanitaire actuelle, révélerait presque de l'exploit. « A cause de la pandémie, ça a été un vrai challenge, tant physique que psychologique, d'arriver au bout de ce projet. La grosse difficulté est que le spectacle repose sur quatre danseurs vivant dans quatre pays différents : le Luxembourg, l'Allemagne, le Portugal et l'Angleterre. Cela a été très difficile de nous retrouver pour répéter », confie Emanuela Iacopini. La chorégraphe, à l'origine de cette nouvelle création qui explore les multiples manières d'exploser, partage en effet la scène avec Frey Faust, Yuko Kominami et Saju Hari. Un quatuor de danseurs internationaux qui s'est réuni une première fois en février dernier, à Faro, en Algarve, afin de démarrer les répétitions. « Un mois après, le lockdown a été déclaré et nous avons dû improviser. Nous devions nous retrouver en mars au Luxembourg, mais ce n'était plus possible. Alors on a continué à travailler chacun de notre côté, dans nos salons respectifs, en échangeant régulièrement via webcams », explique la chorégraphe.



Chaque danseur a ainsi pu interpréter librement la thématique de l'explosion, explorant ses nuances et donnant carte blanche à son inspiration, avec pour point de départ la musique de Rajivan Ayyappan. « Nous nous sommes envoyés des clips vidéo, pour voir comment on interprétait cela, en danse, sans forcément s'accrocher à quelque chose de narratif, mais davantage en donnant libre cours à la réponse du corps et à l'articulation du mouvement ». Au fil des mois et tant bien que mal, la chorégraphie prend forme quand bien même les corps restent à distance. « Même la création des costumes n'a pas été évidente. Anne-Marie Herckes, la costumière, a dû tout préparer en amont, sur base des photos, des vidéos et des mesures que je lui envoyais », souligne Emanuela Iacopini. En août, le quatuor se retrouve enfin, dans le cadre d'une résidence à Ostuni, en Italie, en vue notamment de préparer la première de BLAST, prévue un mois plus tard, dans le cadre du festival du CerModern Arts Center à Ankara, en Turquie. « Mais toujours à cause du confinement en vigueur dans certains pays, seuls Saju Hari et moi avons pu nous y rendre. Nous avons été enchantés de pouvoir le faire et la création a été bien reçue. Nous avons présenté un duo, qui apparaît d'ailleurs dans la pièce intégrale et qui a donc, d'une certaine façon, influencé la création », affirme la chorégraphe.

Les danseurs finissent par tous se réunir au Luxembourg, afin de démarrer les filages avant la première représentation du quatuor au complet. Sur scène et pendant les répétitions, ni masques ni distanciation physique, évidemment. Impossible de danser en respectant les gestes barrières. « Si la législation autorise cela pour les artistes, c'est du ressort des producteurs de s'assurer que la sécurité sanitaire est respectée. Et pour cela, il faut parler. J'ai donc appelé Emanuela, en qui j'avais déjà une grande confiance à la base, pour en discuter. On aurait pu soumettre les danseurs à des tests réguliers, comme ça se fait au sein de certaines troupes, mais là, comme ils n'étaient que quatre, ils ont préféré créer un ménage. Tous ont donc minimisé les contacts extérieurs au maximum, tandis que le port du masque et la distanciation restaient de mise pour les techniciens travaillant avec eux », confie Carl Adalsteinsson, directeur artistique du CAPE d'Ettelbruck et coproducteur de BLAST.



C'est à Dudelange, le 10 novembre dernier, que la première mondiale de la pièce a enfin pu être présentée au public luxembourgeois et que les quatre danseurs ont pu mêler leurs influences sur scène, non sans quelques frayeurs de dernière minute. « Jusqu'au bout, nous avons été angoissés de ne pas pouvoir danser, notamment en raison des pays voisins qui commençaient à reconfiner. Puis encore quelques jours avant la première, mon mari a été testé positif à la COVID-19 et j'ai dû rester moi-même en quarantaine », raconte Emanuela Iacopini.

La pièce BLAST aura finalement été dansée sans encombre à Dudelange et à Ettelbruck, face à un public restreint mais au rendez-vous. « La soirée était sold-out, si j'avais su j'aurais programmé encore une autre date. Un tel intérêt pour la danse contemporaine dans la région Nord, ce n'est pas fréquent. Il faut dire que les salles sont beaucoup plus convoitées en raison de la diminution de l'offre culturelle », constate Carl Adalsteinsson.

De leur côté, BLAST et ses danseurs comptent bien poursuivre leur bout de chemin sur les scènes internationales. D'ores et déjà présentée dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques de Casablanca – organisées sous format digital cette année – la pièce pourrait entamer une tournée au Portugal dès 2021.

Plus d'informations: vedanza.org

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