Anne Brionne, naissance d’une comédienne

17 mar. 2023
Anne Brionne, naissance d’une comédienne

Article en Français
Auteur: Patricia Sciotti

Parfois cela survient ainsi, comme une évidence, une réalité si présente qu’il est impossible de faire autrement. Pour Anne, petite bretonne pétillante l’appel de la scène a été une révélation ! Cette comédienne aguerrie évoque avec tendresse la petite fille qu’elle était, qui ne vivait déjà que pour monter sur les planches. « Dès l'âge de 12 ans, (il ne fallait faire que ça) je ne faisais presque que cela, tous mes week-ends et durant les vacances. Je jouais dans des productions locales, mais déjà professionnelles ». Ainsi, de 12 et 18 ans, sa vie est rythmée par les pièces dans lesquelles elle joue et également par les cours de théâtre, puis la raison, les craintes de ses parents ont pris pour un temps le dessus, histoire d’une comédienne dans l’âme…

Des débuts en dents de scie

À 18 ans j'ai eu mon bac et voulais absolument intégrer le conservatoire de Rennes ! J'ai passé le concours d’entrée et j'ai été prise. À ce moment-là, mes parents voulaient absolument que je fasse autre chose ! Je m’inscris donc à la faculté de Droit. Ma licence de droit en poche, je suis partie en Belgique avec le programme Erasmus, j’ai obtenu ma maitrise et fait un master en Droit International. Pour être très honnête, je n’ai rien fait de mon droit... Je suis entrée dans un cabinet en stage et j'ai tenu seulement un mois. Je me suis dit que je n’étais pas à ma place... il fallait que je fasse du théâtre. J’ai essayé de revenir au théâtre en Belgique où j'ai fait de petites choses, mais pas très importantes. J’ai fait différents boulots, mon mari a été muté au Luxembourg. Et là idem, je recommence à travailler de façon très classique. J’ai 4 enfants et la vie me happe. Il fallait vraiment que je reconnecte le wagon. Il s’était passé 7-8 ans depuis ma dernière scène et à l'époque, cela me paraissait énorme ! En fait, j'ai un peu raté le côté jeune première, ça c'est clair (dit-elle avec un grand sourire). Je me suis inscrite au conservatoire de Luxembourg, j’ai rencontré Myriam Muller et Marja Leena Junker. Et après, j'ai eu la chance de jouer avec Valérie Bodson.

Quand j’ai remis le pied à l'étrier, j'ai voulu donner des cours. D'abord, dans des écoles, comme l'école française, puis rapidement j'ai ouvert mon propre atelier avec des cours pour enfants, adolescents, adultes. Chaque année qui passait, j'avais toujours envie de plus et cela devenait pour moi de plus en plus enrichissant et intéressant. J'adorais la transmission. Depuis 7 ans, je suis chargée de cours au conservatoire de Luxembourg…

Anne Brionne

La force de la passion

Pendant des années, j’ai eu l'impression que je faisais un truc que j'aimais alors qu’un vrai travail devait être « désagréable ». J'avais l'impression que je devais toujours faire plus d’heures de cours pour montrer que je travaillais.… Je pensais toujours inconsciemment ne pas être assez bien, assez légitime... Cela m’a freinée beaucoup je crois...

Aujourd’hui, j'ai envie de courir deux fois plus vite et en même temps avec une plus grande sérénité. Mes enfants ont grandi et j’ai plus de temps pour moi et ma vie professionnelle. J’ai en quelque sorte l'impression que c'est le début... Je sais que je ne peux pas vraiment dire cela vu l'âge que j'ai ! (sourire) mais désormais tout est ouvert en grand et dans ma tête, mon énergie n’est pas la même. Maintenant je me dis arrête de douter... même si cela n’est pas toujours évident... et je pense qu'une part de doute est saine surtout dans l'art. C'est aussi cela l'art : cette fragilité qui te permet de te remettre en question, te questionner et questionner le monde qui t’entoure.


Comment se déroule aujourd’hui ton quotidien ?

Il est forcément réglé par le conservatoire puisqu'il faut quand même assurer toutes ces heures de cours. Pour le reste, il y a des différents projets... je lis, je répète. J'adore suivre des workshops et je continue à me former. L'angoisse, c’est de ne pas avoir de production car enseigner quelque chose que je ne pratique pas ou plus moi-même me dérange...

De plus en plus, j’essaye de provoquer les choses et de « produire » moi-même. Comme ce spectacle (encore un work in progress) avec mon ami pianiste Jean Hilger, intitulé « Comment le dire ». Il s’agit d’un mélange de textes et de piano mais plutôt autour d’une histoire de couple, mise en scène et pas un récital poussiéreux...(rires).

Actuellement, je joue dans « Antigone » au théâtre du Centaure (mise en scène de Antoine De Saint Phalle) jusqu’au 26 février.

Anne Brionne

Alors, tu fais un pas vers la mise en scène ?


Je ne suis pas du tout metteur en scène !! Mais en juin prochain, je m’aventure dans un monologue avec ma fille ! Ce sera dans le cadre du Monodrama festival. (le 9 juin à la Bannanefabrik). Un texte fort qui parle des enfants soldats en Afrique. Il s’agit du témoignage d’une jeune ado à la fin d’un conflit ethnique.

Comment appréhendes-tu les messages quand tu joues dans une pièce dans laquelle le metteur en scène a une prise de position comme dans « Pour quoi Faire » à Nancy ? (mise en scène de Julia Vidit, co-production Théâtre du Centaure) Qu’est-ce que cela t’apporte ?

Marilyne Mattei a écrit cette pièce sur « notre rapport au temps » (pièce post-confinement) sur base de témoignages d’habitants. Ce que je trouve très intéressant c’est lorsque le spectacle vivant devient « spectacle du vivant ». C'était très touchant de voir tout d'un coup que ce texte était né de quelque chose, d'une réalité. Et nous avons rencontré les gens qui avaient témoigné. C’était incroyable ce lien avec les gens. Bien sûr que j'adore les grands messages et les grands textes évidemment. Mais tout d'un coup cela prenait une autre proportion. Une proportion un peu populaire, c'est clair, mais c'est aussi un peu le théâtre du début. Parfois, on a tendance, en tant que comédien, à se faire plaisi. Mais finalement, c'est quoi le théâtre ? C’est aussi fait pour divertir et toucher les gens.

Tu as tourné récemment dans un long Métrage ? Théâtre ou cinéma ?

Oui, le film s’intitule « Complétement cramé » (réalisateur Gilles Legardinier et Producteur Bidibul) et sortira en Novembre 2023. J’ai eu la chance d’avoir un joli petit rôle au côté de Jon Malkovich, Fanny Ardant et Emilie Dequenne.

Alors, théâtre ou cinéma ? Ce n’est pas la même chose. Je dirais théâtre, pour le côté spectacle vivant et l’énergie déployée pendant 1h30 et la conscience de raconter une histoire avec tes partenaires de jeu. Au cinéma pour la finesse du jeu, le réalisme et la puissance de l’image. Il y a vraiment des avantages et des inconvénients dans les deux. Mais ce qui est sûr c’est actrice, pour toujours !

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