Interview avec Pascal Schumacher

16 mar. 2022
Interview avec Pascal Schumacher

Article en Français
Auteur: Pablo Chimienti

LUNA, votre nouvel album sort le 25 mars. Un album 9-titres aux rythmes posés où votre instrument, le vibraphone, est la plupart du temps accompagné par les cordes de l’ensemble Echo Collective. Présentez-nous cet album ; comment est-il né ?

Impossible de parler de LUNA sans parler de mon précédent projet, SOL, qui marquait le début de ma collaboration avec la maison de disque Neue Meister et un changement dans mon parcours, puisque je jouais en solo. Beaucoup de musiciens ont opté pour une formule solo pendant la pandémie, moi j’ai fait ça juste avant. J’ai bien aimé être seul, ne plus être dans un groupe, gérer le tout, me poser d’autres questions. J’ai donc fait ça pendant deux ans. Et quand tu fais un album qui s’appelle SOL et que tu passes un bon moment avec, ça parait logique de continuer sur la même voie. Voilà donc LUNA où je propose une thématique peut être contradictoire à celle de SOL, mais en restant dans la même lignée esthétique. D’ailleurs on a gardé la même direction graphique et la même équipe pour les deux albums.

Mais là, vous n’êtes plus seul…

Je ne suis effectivement pas tout seul pour cet album. J’ai vraiment aimé être seul pour SOL, mais là j’ai eu envie de jouer à nouveau avec d’autres musiciens. Du coup, dans la moitié des morceaux je joue avec Echo Collective, un ensemble bruxellois que j’aime beaucoup. C’est un ensemble à cordes assez atypique, composé de musiciens qui ont une formation classique, mais qui savent s’accommoder d’idées nouvelles et qui savent laisser entrer dans la partition des sons autres que ceux de la musique classique. Ils baignent dans ces musiques post-classiques et ça m’a amusé de jouer avec eux parce qu’ils ont tout de suite compris la sonorité recherchée et vite commencé à faire des propositions. C’était hyper agréable de travailler avec eux. Pour le reste, c’est un peu la même formule utilisée sur SOL avec des synthés, mon vibra, moi et des quelques effets qui me permettent de créer cette musique… difficile à définir. Il y a un très mauvais terme qui est souvent employé : néoclassique ; je lui préfère les termes modern classic ou indie classic. Il y a clairement là un rapport à la musique classique, de l’écriture, mais aussi beaucoup d’improvisation. Ce n’est clairement pas du jazz, il n’y a pas de blue note. Ce n’est clairement pas non plus un disque de musique électronique, mais il y a aussi de l’électronique. C’est un peu tout ça. Ce qui est certain c’est que c’est de la musique instrumentale, dans le sens où il n’y a pas de voix, ça c’est facile à catégoriser ; pour beaucoup de monde ça veut déjà dire quelque chose et pour beaucoup de radios ça veut dire qu’elles ne vont jamais jouer ça.

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© Fredrik Altinell

 « Ce que j’aime faire c’est créer des ambiances que je ne connais pas encore »

On retrouve effectivement un mélange de classique – ou modern classic – , d’électronique, de contemporain. Qu’est-ce que vous aimez dans chacun de ces trois types de musiques et, ensuite, dans le fait de les réunir ?

Il s’avère que, au moment où j’ai écrit LUNA, j’étais un peu dans une phase Henry Purcell. J’aime beaucoup ce compositeur, il a écrit des fantaisies pour différents ensembles de violes de gambe et c’est un son que j’ai cherché à reproduire. Les cordes qu’on entend dans LUNA, c’est du violon, de l’alto, du violoncelle, mais on les a traités de manière à leur donner un son d’un autre temps, qui me rappelle celui des violes de gambe. J’aime bien faire des références comme ça sur des choses qui me touchent et lier par exemple ce son à un synthé qui tourne en boucle, comme sur le morceau Charles Duke. Avec tout ça, finalement, il ne faut même plus beaucoup de vibraphone, juste quelques touches. Le vibraphone perd donc un peu son rôle de lead ; il y a aussi ci-et-là quelques coups de crotales, de petites cymbales antiques et un petit coup de gong aussi. Le tout devient une image sonore. Certaines personnes voient là une musique cinématographique, c’est peut-être ça ; un univers où je fais du sound design finalement. En fait, ce que j’aime faire c’est créer des ambiances que je ne connais pas encore. Je tiens, pour chaque morceau, à imaginer une autre image sonore avec les composantes que sont des cordes, du vibra et différents synthés.

Lors d’une interview il y a quelques années vous avez déclaré que vous ne croyiez pas dans le fait que la musique devait avoir du sens, passer un message, et que vous composiez avant tout pour faire de la belle musique. On a l’impression, pourtant, entre les titres : Nostalgia, Résilience, Infinity… et puis cette ambiance, assez sombre, qu’il y a un message derrière LUNA. Peut-on parler d’un album COVID ?

Je ne peux pas renier le fait qu’il a été composé pendant la pandémie. J’ai composé ces morceaux, en partie, en étant encore sur la route avec SOL, je ne sens donc pas le blues du COVID là-dedans. Ne serait-ce que parce que je n’ai pas personnellement attrapé le COVID. Après, comme tout le monde, j’ai souffert des restrictions, bien sûr. C’est un album de 2021 ! Ça n’a pas été l’année la plus ensoleillée, on le sait, mais je l’ai enregistré la troisième semaine de juillet, probablement la plus belle et la plus chaude de l’année. Bon, on était toute la journée dans un studio sans fenêtre et on ne voyait donc pas le soleil, mais le soir on pouvait manger en terrasse. Ça a influencé la musique. Il y a des morceaux que j’avais, au départ, imaginés bien plus calmes, mais, vu qu’on était à Jette, un quartier assez vivant de Bruxelles, en profitant de la terrasse, les morceaux ont pris une touche plus vivante. Notamment Résilience qui a la base était des nappes de vibraphone et qui a maintenant une touche un peu tribale, groove. Comme quoi le moment et l’endroit où on enregistre, ça change vraiment la musique.

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© Fredrik Altinell

« J’ai toujours aimé les musiques très calmes »

Vous parlez de calme, d’où vient ce grand calme qu’on ressent aussi bien de SOL que désormais dans LUNA ?

Peut-être de moi. J’ai déménagé, j’habite maintenant à la campagne, j’ai vieilli aussi ce qui fait que je suis plus calme. Et puis, j’ai toujours aimé les musiques très calmes, la musique d’ambiance. Je suis, par exemple, un très grand fan de Brian Eno. Qui dit calme dit minimal et les choses minimales c’est tout ce que j’aime.

Rythmicon est votre hommage à l’inventeur du rythmicon, Léon Thérémine. Ce n’est pas contradictoire pour un jazzman de rendre ainsi hommage à l’inventeur de la première boîte à rythme ? Ou au contraire, est-ce logique que le passionné de musiques minimalistes et électroniques que vous êtes rende cet hommage ?

Pourquoi ce serait contradictoire ? Non, je ne pense pas. Thérémine a inventé le rythmicon qui est effectivement la première boîte à rythme. C’est un outil qui peut donner à écouter toute sorte de poly-rythmes avec des harmoniques musicales pour différencier les sons. Dans mon synthé, je suis un peu tombé par hasard sur un nouveau patch rythmicon. Ça m’a fasciné. Je me suis beaucoup amusé avec lui et depuis, il fait partie intégrante de ma vie. D’où ce morceau. 

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Pascal Schumacher, LUNA

« La KuFa, c’est un endroit qui a une âme, une histoire, quelque chose de vraiment particulier »

On l’a déjà dit, LUNA, un peu, la suite de SOL, même si au départ le but n’était pas nécessairement de proposer un diptyque. Du coup, prévoyez-vous d’en faire un triptyque ?

Pas pour l’instant. Mais, comme je voulais vivre un moment seul avec la musique de LUNA, je serai en solo pour les concerts que je vais faire jusqu’au mois d’août. On y retrouvera donc des fragments de SOL et je trouve que ça se mélange très bien. Les deux sont clairement connectés.

L’album sort le 25 mars, mais avant ça vous proposez deux soirées « intimes », les 23 et 24 mars à la Kulturfabrik d’Esch-sur-Alzette. Le choix du lieu peut surprendre.

J’ai toujours voulu jouer à la KuFa et je ne l’ai jamais fait jusque-là. Et puis, je serai en novembre à la Philharmonie, avec les cordes, et pour ne pas faire deux concerts à Luxembourg, je me suis donc dirigé vers Esch. J’aime vraiment la KuFa, c’est un endroit qui a une âme, une histoire, quelque chose de vraiment particulier. Il y aura donc les concerts les 23 et 24 mars, mais je serai également là-bas les deux jours avants pour préparer ces morceaux à la scène.

LUNA de Pascal Schumacher. Neue Meister.

www.pascalschumacher.com