TRACES – Kufa’s Urban Art Esch

15 mai. 2023
TRACES – Kufa’s Urban Art Esch

© John Oesch
Article en Français
Auteur: Godefroy Gordet

Initié en 2014 par la Kufa dans l’idée de se « ravaler la façade », le Kufa’s Urban Art Esch s’est répandu au Luxembourg, en France, en Belgique et en l'Allemagne, pour devenir un projet qui a pour but de transformer durablement l’espace urbain et favoriser la cohésion sociale. Après sept éditions, ce sont plus de soixante-dix œuvres d’art urbain en Grande Région qui ont émergée, dont cinquante-cinq à Esch, et près de soixante projets pédagogiques qui ont rassemblé autour de mille-cinq-cent personnes. Le 20 avril dernier la Kulturfabrik lance l’ouvrage « TRACES – Kufa’s Urban Art Esch », avant sa sortie en librairies, et en parallèle d’une exposition éponyme de neuf jours, consacrée à la monstration de photographies liées, réalisées par Emile Hengen et John Oesch (Drone Vision). Un ouvrage phare pour éclairer près d’une dizaine d’années d’ouvrage d’art urbain – et qui resteront là, à jamais – que la programmatrice « kufasienne » Herrade Fousse nous commente, au nom, évidemment, du Centre Culturel Eschois.

Quelle aura été la genèse de ce projet phare tenu corps et âme par la Kufa ?

L’idée est née de la volonté d’égayer notre centre culturel, d’embellir les murs, de végétaliser davantage la cour. La notion de « lieu de vie » accueillant commençait à germer dans nos têtes. Nous voulions faire en sorte que la population et le public s’approprient les lieux, puissent s’y rendre en dehors des spectacles, s’y donnent rendez-vous. Pour cela, il fallait que les lieux s’y prêtent et donnent envie d’y rester. Nous avons songé à inviter des artistes à s’emparer des murs. L’idée d’un projet d’art urbain s’est donc faite naturellement, sans grande ambition, seulement la volonté de colorer, décorer notre centre culturel. Au même moment, nous avons fait connaissance avec les membres d’Art Square asbl, désireux de développer un projet autour de l’art urbain. Le projet est né !

Deux ans plus tard, en 2016 nous avons ouvert le bistrot Ratelach dans la même optique. Du mardi au samedi de 17h à 01h, le public peut se retrouver à la Kulturfabrik pour boire un verre, flâner en terrasse, jouer au basket ou au ping-pong dans la cour…

Si l’art urbain s’invitait à la Kulturfabrik, nous nous devions d’en faire découvrir sa diversité : ses multiples techniques, son histoire. Et comme toujours dans notre programmation : veiller à un équilibre entre artistes internationaux et le soutien à la scène locale. Il est important pour nous de pouvoir permettre aux artistes locaux de travailler aux côtés d’artistes internationaux et reconnus.

À cette époque, l’équipe de la Kufa était déjà animée par l’envie de développer des projets pédagogiques, de se concentrer sur la formation des publics : toucher la jeunesse, aider à lutter contre le décrochage scolaire, former les publics de demain, favoriser l’accès à la culture, soutenir la créativité… L’axe pédagogique s’est donc naturellement invité dans le projet. Discrètement au début : workshops pour le jeune public, conférences, projections de films… Puis de manière exponentielle à travers de multiples projets et partenariats.

© John Oesch
© John Oesch

Par la publication du livre « TRACES – Kufa’s Urban Art Esch », c’est l’occasion, pour la Kufa de faire « (re)découvrir Esch-sur-Alzette et son architecture ! », introduisez-vous, mais aussi et surtout de dresser le bilan des expériences logées au cœur du Kufa’s Urban Art Esch et de rendre compte de leur incidence concrète sur « l’espace public et ses enjeux, l’architecture du territoire, l’histoire de l’art urbain et l’expérience authentique d’une œuvre créée de manière participative avec la population », expliquez-vous encore. À l’heure du tout numérique, pourquoi « mettre en livre » ?

Pour laisser une trace concrète, palpable. Les photographies d’Emile et John sont très belles et permettent de découvrir le territoire et l’espace urbain sous un autre angle. Les vues du ciel sont particulièrement impressionnantes. Elles nous permettent d’apporter un autre regard sur notre ville, de découvrir les friches, de voir comment une œuvre d’art urbain se mêle au paysage. Il aurait été dommage de voir ces photographies sur écran… Nous sommes un centre culturel qui défend « l’objet livre » et à nos yeux ce projet méritait de terminer sur un bel objet. Nous sommes heureux.ses du rendu, des différents papiers, du toucher. Le site internet www.kufasurbanartesch.lu restera également. Il dresse la rétrospective du projet complet : le moindre workshop y est répertorié, les partenariats, ou encore les villes concernées par le projet.

En outre de l’aspect rétrospectif des sept dernières années du projet Kufa’s Urban Art Esch, par ce livre votre ambition est de poursuivre, voir éclairer, les questionnements ouverts par le Urban Art. Logiquement donc, vous donnez la parole à des spécialistes de la ville, l’histoire, l’art, l’urbanisme, l’architecture, tels que l'architecte Philippe Nathan, les auteur.rices autrichien.nes Fabian Sever et Anna-Maria Tupy et Thomas Cauvin, de l'Université du Luxembourg. Aussi, comment ont-ils contribué à l’expertise que ce livre offre ?

L’art urbain nous est « tombé dessus » un peu par hasard en 2014 comme je l’expliquais dans la genèse du projet. Nous n’avons jamais eu la prétention d’être des expert.es en art urbain mais avons voulu à travers ce livre donner une dimension nouvelle au projet. Pour ce projet, comme à la Kulturfabrik de manière générale, nous travaillons de manière organique, nous suivons nos instincts. Ces personnes, chacune experte dans leur domaine, permettent d’apporter un éclairage différent à tout ce qui a été réalisé.

Fruit de la coopération entre la Kulturfabrik Esch – pour laquelle tu agis en tant que cheffe de projet –, la maison d'édition Point Nemo Publishing – avec l’éditrice Anna Valentiny –, et le Studio Polenta – avec les graphistes Annick Kieffer et Sara Giubelli –, « Traces - KUFA's Urban Art Esch » s’est donc façonné telle une édition de 324 pages, à la manière des « beaux livres » contemporains. Comment s’est déroulée cette collaboration tripartie, pour en arriver à ce livre aussi léché ?

Après avoir entendu parler de son travail, nous avons pris contact avec Anna Valentiny de Point Nemo Publishing. La rencontre s’est très bien passée. Nous lui avons exposé notre projet et lui avons immédiatement fait confiance. C’est la première fois que la Kulturfabrik se lance dans un ouvrage de cette envergure et il était important pour nous de nous sentir accompagnés et en confiance. Il nous a fallu un temps énorme pour faire le choix des œuvres que nous allions mettre en avant, trier les milliers de photos, sortir les informations utiles etc. Anna souhaitait travailler avec Studio Polenta et nous étions ravi.es de cette proposition. Studio Polenta connaît très bien la Kulturfabrik, nos envies, nos valeurs. En effet, nous avons collaboré avec eux à de nombreuses reprises pour différents projets graphiques. Annick avait notamment travaillé sur l’identité du projet « Kufa’s Urban Art » en 2017.

© John Oesch
© John Oesch

Agencé sous trois chapitres, « Zoom », « Projets » et « Éducation », la ligne centrale du bouquin est axée sur son caractère visuel. John Oesch (Drone Vision) et Emile Hengen ont posé leur vision de photographes sur une sélection d’œuvres du KUFA's Urban Art Esch pour qu’ainsi le lecteur navigue dans l’ouvrage au gré de ces nouvelles images re-immortalisant le projet artistique. Comment leur regard a pu valoriser à nouveau et sous d’autres aspects votre projet, et en quoi l’exposition qui gravite autour du livre sert-elle son propos ?

Les photographies permettent de découvrir le territoire et l’espace urbain sous un autre angle. Les vues du ciel sont particulièrement impressionnantes. Elles nous permettent d’apporter un autre regard sur notre ville, de découvrir les friches, de voir comment une œuvre d’art urbain se mêle au paysage urbain. Elles montrent également une ville « verte », riche d’espaces verts, chose que l’on a parfois du mal à imaginer. Ces photographies mettent également l’accent sur des détails des œuvres, montrent différentes techniques, laissent apercevoir le grain des murs… Au-delà de l’ouvrage papier, nous voulions montrer ces photos en grand format, d’où l’exposition dans la Galerie Terres Rouges. L’exposition sera présentée également à la Fondation Valentiny à Remerschen.

Sept ans après, vous publiez TRACES quasi comme un ouvrage posthume. Alors, le Kufa’s Urban Art Esch est mort, vive le Kufa’s Urban Art Esch ? Finalement, quelles sont les suites pour ce projet notoire dans le paysage culturel eschois, et plus encore, frontalier ?

Les projets d’art urbain ne manquent pas, ni au Luxembourg, ni en Grande Région. Il en est de même pour les artistes. Le Luxembourg regorge d’artistes plus que talentueux comme en attestent ce livre et ce projet. Une vingtaine d’artistes ont réalisé des œuvres dont certains ont pu participer au volet pédagogique du projet. Nous avons tenté de sensibiliser la jeune génération durant toutes les éditions du projet. Certain.es prendront peut-être la relève !