Ptolemea

18 jan. 2023
Ptolemea

Article en Français
Auteur: Pablo Chimienti

Ptolemea, le projet de Priscila Da Costa, sort son premier album après les EP Tome 1, sorti en 2018, et Mazearrivé en 2020 ainsi que de nombreux singles. Balanced Darkness propose un voyage initiatique et spirituel dans les profondeurs de l’âme humaine à l’écoute du côté obscur de chacun. Un album aussi étonnant que fascinant dont la release se tiendra ce samedi 21 janvier à la Rockhal.

Début 2022 Ptolemea promettait un premier album pour janvier 2023. On peut dire que vous êtes une femme de parole. Voici Balanced Darkness. Pouvez-vous nous le présenter ?

Priscila Da Costa : L’album découle d’une expérience que j’ai vécue il y a quatre ans au Pérou et pendant laquelle j’ai pris part à des rituels chamaniques. Ça a été une grande source d’inspiration pour l’écriture de cet album. Balanced Darkness est une sorte de voyage spirituel pour découvrir les parties les plus sombres, mais pas nécessairement de manière négative, avec aussi beaucoup d’espoir. Le but est d’explorer nos parts obscures pour trouver un certain équilibre, d’où ce titre de Balanced Darkness.

Balanced darkness

Il y a un an, justement, vous parliez de vos deux singles Mad et Wrong Tears comme d’une transition pour le projet Ptolemea. Là on peut dire que la transition est achevée, au point que même le line-up du groupe a changé. La basse et le violon ont disparu et ont laissé la place à un synthétiseur. Expliquez-nous ça.

Oui, c’est vrai. Avant j’écrivais toujours mes morceaux sur une base de guitare, mais l’année dernière je me suis intéressée au synthétiseur Moog et ça a été une grande révélation. Ça a complétement changé ma manière d’écrire de la musique et ça m’a ouvert énormément de portes du point de vue créatif. Du coup, comme le son des morceaux était surtout basé sur le synthétiseur, il n’y avait plus besoin de la basse. Parallèlement, j’avais très envie d’avoir une chanteuse pour faire les chœurs et j’ai immédiatement pensé à Sarah Kertz qui est une excellente chanteuse et qui a pris aussi des cours de batterie et de percussion. C’était la personne parfaite pour le nouveau line-up de Ptolemea dont font toujours partie Remo Cavallini et Martin Schommer.

Ptolemea
© Lugdivine Unfer

« Chacun a des éléments de lumière et d’obscurité »

Revenons à Balanced Darkness. Avant même de l’écouter on comprend que l’album garde l’aspect sombre et mélancolique typique de Ptolemea. Vous aimez mettre la noirceur des choses en lumière…

Ce n’est pas ça. Mon but est de trouver l’équilibre en intégrant et acceptant les parts sombres de l’âme ; une espèce de Yin et de Yang. Chacun a des éléments de lumière et d’obscurité. C’est une dualité qui nous rend entiers, mais généralement on se focalise trop sur le positif et on refuse le négatif alors que ça fait partie de la vie et que si on ne le prend pas en compte, ça finit par nous déséquilibrer et nous bouffer.

L’album comprend neuf pistes. Peut-on toutes les appeler des « chansons » ?

Disons qu’il y a des interludes. La première piste de l’album, Shamanic Lullaby, et la cinquième, Universal Feedback, sont des transitions. Shamanic Lullaby me sert à mettre les auditeurs dans un certain état d’esprit, un certain « mood », pour entamer ce voyage sonore et spirituel que je leur propose dans l’album. Universal Feedback, ouvre la face B de l’album et, comme le titre l’indique, c’est un feedback de l’univers. L’intention c’était d’un peu irriter l’auditeur pour lui proposer ensuite un sentiment de lâcher prise avec Ease Your Mind.

Ce n’est pas sans risque d’ouvrir les deux faces de son vinyle avec deux morceaux comme ceux-là. Certains risquent de ne pas aller au-delà de la première piste.

C’est un choix. Mais, comme je disais avant, tout ça vient d’une expérience chamanique et une telle expérience n’est pas toute belle et toute rose ; elle demande de se confronter à ses plus grandes peurs. Ces morceaux me servent à refléter ces moments-là du voyage. Il faut passer par là.

« Une exploration des éléments naturels »

Le cheminement chamanique était déjà entamé avec Mad et Wrong Tears ; et tout comme dans les deux singles sortis l’an dernier, on est dans les rythmes tribales, avec des percussions très présentes, mais aussi des sonorités naturelles : le vent, le feu, l’eau, etc. Il y a un côté 5e Élément.

Il y a effectivement une exploration des éléments naturels pour pouvoir se ressourcer. Ça demande énormément d’énergie d’entreprendre ce voyage d’exploration des parts obscures de son âme ; les éléments permettent de se ressourcer tout au long de ce processus. C’est l’idée des différentes textures sonores qu’on retrouve dans l’album et aussi dans le concept des vidéo-clips qui l’accompagnent.

Vous venez d’un style singer-songwriter, et on sent encore dans ces morceaux une claire proximité avec le genre, mais étonnamment, vous êtes avare en mots. Vos textes sont très courts. Un couplet ou un refrain se limite parfois à deux phrases, une phrase à juste trois mots. Comment expliquer cette économie de la parole ?

Ce n’est pas nécessairement réfléchi, c’est venu comme ça. J’ai fait parler mon cœur. Je sais que ça peut sonner un peu niais, mais c’est vraiment ça. Je ne me suis pas posée de questions sur ce que les gens pourraient en penser, comment ça va être interprété ou je ne sais quoi. Je n’ai rien analysé ou voulu rationnaliser, je me suis contentée de dire ce que j’avais envie de dire, ce que j’avais sur le cœur.

« Une sorte de transe »

Une économie de texte qui va de pair avec des rythmes très posés, où on donne le temps à chaque mot, voire à chaque syllabe, d’être entendu.

Oui, il y a effectivement des rythmes percussifs, répétitifs, calmes, mais c’est plus dans une idée de pouvoir entrer dans une sorte de transe, comme cela se passe lors de cérémonies rituelles.

Peu de paroles donc, mais les instruments en revanche – percussions et synthétiseur, mais aussi batterie et guitare électrique – sont très présents.

Ils sont très présents, c’est vrai, c’est voulu. Ils créent une ambiance tous ensemble. Dans nos précédents CDs ce n’était pas tout à fait le cas ; il pouvait y avoir un moment où la guitare était plus mise en évidence, à un autre moment c’était le violon, à un autre moment c’était la voix. Là, je trouve qu’on est tous en symbiose.

On ne va pas revenir sur chaque chanson, mais parlons tout de même de Fado - qui n’est pas un fado - qui, contrairement à toutes les autres qui sont en anglais, est en portugais. Pourquoi ce choix ?

Ce n’est pas un fado, effectivement, mais « fado » veut dire « destinée » dans un sens très fataliste. Et c’est justement le thème de la chanson. On a tous une destinée, mais aussi une flamme en nous. À chacun de la garder bien vivante et d’ornementer notre destinée, notre « fado ». Le portugais est ma langue maternelle, et j’ai commencé à écrire en portugais dans un autre projet et ça m’a beaucoup plu. Comme Ptolemea est un projet très personnel, j’ai voulu essayer d’écrire là aussi en portugais. C’est quelque chose que je souhaite d’ailleurs intégrer de plus en plus dans mes compositions. J’écris les textes d’une autre façon quand je le fais en portugais qu’en anglais et ma voix se pose différemment. J’ai donc prévu de sortir pour 2024 un CD de Ptolemea uniquement en portugais.

La release party se tiendra le samedi 21 janvier à Rockhal, quel est le programme ?

Il y aura AFTL, avec une chanteuse et poète islandaise magnifique (NDR : Ásta Fanney Sigurðardóttir aka Áfa from Iceland) qui a préparé un set dark-trip-hop spécialement pour cette release. Après il y aura Scarred qui va présenter son nouvel EP intitulé Patience ; d’habitude ils jouent du death metal, mais ce nouveau projet est très minimaliste, intimiste et atmosphérique. Ça va être trop bien, avec quatre batteurs et six chanteurs sur scène. Et ce sera un événement unique. Après, Ptolemea jouera le nouvel album, avec, en special-guest le luthier João Godinho, qui joue aussi de la guitare portugaise, avec qui je chanterai aussi une chanson traditionnelle du Portugal. Il y aura aussi d’autres surprises, mais ça, il va falloir venir à la release pour les découvrir.

Balanced Darkness, de Ptolemea

https://ptolemea.com

Release party le 21 janvier à la Rockhal
https://rockhal.lu/shows/ptolemea/

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