Op Lëtzebuergesh w.e.g. !

13 jan. 2023
Op Lëtzebuergesh w.e.g. !

Article en Français
Auteur: Pablo Chimienti

Le stand-up a le vent en poupe. Les grands noms internationaux de l’humour remplissent les salles et leurs sketches cumulent des millions de vues sur les réseaux sociaux. Le Luxembourg n’échappe à cette vague de la vanne et le public grand-ducal a désormais la possibilité de voir de nombreuses stars du stand-up en salle, mais aussi de découvrir de petites pépites locales à travers différents comédies clubs, des soirées open mic – souvent en français ou anglais –, et désormais ces soirées « Op Lëtzebuergesh w.e.g.! » où des humoristes du cru prouvent qu’on peut non seulement rire de tout, mais aussi rire en n’importe quelle langue, même celle de Dicks.

« Standup Comedy ass wéi e Box- respektiv Eenzelkampf. Du stees eleng am Ring a muss däi Bescht ginn fir keng op d’Nues ze kréien. Hei ans do gewënns de, an hei ans do verléiers de. Egal, opstoen, weiderkämpfen » dit Shayan Mehr, 37 ans, et cheville ouvrière des soirées « Op Lëtzebuergesh w.e.g.! » dont la deuxième édition se tient ce samedi 14 janvier au Flying Dutchman, salle mythique des nuits du nord du pays en général et de Beaufort en particulier.

Germano-Luxembourgeois d’origines iraniennes, Shayan Mehr s’est lancé dans le stand-up il y a trois ans à peine, mais possède déjà une belle expérience de scène. Des open mic principalement, en anglais et surtout en français, qu’il a fréquenté des dizaines de fois jusqu’à ce qu’il décide, en janvier 2020, « juste avant le Covid » précise-t-il désormais, de lancer le tout premier stand-up en luxembourgeois.

« Au début, il y avait des gens qui me disaient : “En luxembourgeois, ça ne marche pas. Les Luxembourgeois n’aime pas le stand-up ; ils n’aiment pas ce type d’humour“. Mais, comme j’avais déjà fait du théâtre en luxembourgeois, je savais qu’ils se trompaient. Tout le monde aime rigoler, il faut juste être drôle. Ça n’a rien à voir avec la nationalité ou la langue ! »

Plusieurs dates au Centre Wax de Pétange font que les sketchs dans la langue de Dicks se rôdent et que la petite équipe de passionnés du Luxembourg Comedy gagne son pari. « Ça a toujours été un énorme succès », reprend Shayan Mehr, « lors de la première soirée, on s’attendait à 30 ou 40 spectateurs, grand maximum ; il y en a finalement eu plus de 120 ! » se réjouit-il. De quoi donner des ailes à tous ces adeptes de la vanne « op Lëtzebuergesh ».

Un besoin de rire

Les soirées se succèdent, les comédiens se succèdent et une petite communauté d’afficionados se crée. Il faut dire que, depuis plusieurs années, le Luxembourg fait face à une véritable vague de one-man-show et de stand-up.

Il semble loin le temps où le regretté Showtime d’Esch-sur-Alzette semblait un îlot d’avant-garde humoristique dans un désert grand-ducal. Depuis, les Luxembourg Comedy, les Luxembourg Laughing Out Loud, les La Grand Duchesse Comedy ont vu le jour et essaimé le stand-up dans différents café-théâtre, principalement de la capitale : Rocas, Respaws, Updown, Croque Bedaine… sans oublier le prestigieux hôtel Le Royal qui a lancé, en octobre dernier, son « Royal Comedy Club » avec Roman Frayssinet en tête d’affiche de la première édition. Sans oublier non plus certains centres culturels, tels que Aalt Stadhaus de Differdange et le Casino 2000 de Mondorf-les-Bains, qui se tirent désormais la bourre pour attirer à eux les grands noms du stand-up francophone. Rien que dans les prochains mois on aura : Fanny Ruwet, Josselin Dailly, Baptiste Lecaplain ou encore Pablo Mira à Differdange tandis que Jérôme Niel, Paul Mirabel, Olivier de Benoist, Bun Hay Mean ou encore Manu Payet se produiront du côté de Mondorf.

Bref, au Grand-Duché comme ailleurs le stand-up est à la mode. Il coute moins cher à produire et à accueillir, avec la plupart du temps un seul artiste sur scène et un décor ultra-minimaliste, que d’autres spectacles et il peut rapporter gros ; d’autant que la durée de leurs sketch semble idéale pour une diffusion dans les réseaux sociaux, ce qui fait que les noms des artistes circulent vite. Et puis, peut-être aussi que les gens ont plus que jamais besoin de rire en ce moment pour faire face à une période particulièrement morose faite de pollutions, pandémies, guerres et envolées des prix.

« Si la chute est bien écrite et bien placée, les gens vont rigoler »

Quand on interroge Shayan Mehr sur cette évolution de la scène stand-up, il répond de manière un peu sibylline : « Les gens ont toujours besoin de rire. Rire ça détend. Rire c’est ce qui nous tient en vie ». Et quand on lui demande s’il y a un « humour luxembourgeois » et quelle en serait sa spécificité, le stand-upper a aussi du mal à donner une réponse précise : « Il faut prendre en compte les références culturelles, politiques, d’actualité... Si vous faites une blague sur Zemmour, bien sûr, les Français vont plus rigoler que les Luxembourgeois. C’est normal ». Et de poursuivre : « Il y a des sujets qui marchent peut-être mieux en français… d’autres qui ne marchent peut-être pas en luxembourgeois… ». Il hésite : « Et encore, ça reste à voir. Je pense qu’on peut trouver quelque chose de drôle, qui fonctionne partout, sur tous les sujets ». En conclusion : « Pour faire rire, il faut être drôle, raconter une blague avec une bonne histoire et une bonne chute. Si la chute est bien écrite et bien placée, les gens vont rigoler ». Il hésite encore : « En fait, il faut vraiment s’adapter à son public », et prend finalement un exemple : « Quand je joue en Belgique, à Arlon, ça ne sert à rien de faire une blague sur Differdange, je la ferai sur Athus ».

Shayan Mehr
Shayan Mehr

Differdange ? Le mot n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Differdange et les Differdangeois seraient-ils les victimes expiatoire de l’humour grand-ducal ? « Oui, non… On ne se moque pas vraiment… », s’explique celui qui a, d’ailleurs, grandi dans la Cité du Fer. « Disons qu’on peut jouer un peu avec les stéréotypes, les clichés. Et le cliché dit que dans le Minett il y a beaucoup de criminalité, que c’est dangereux, etc. À l’inverse, les gens du Sud disent que les Luxembourgeois du Nord c’est que des Bauer, qui aiment leurs vaches et qui ne couchent qu’entre eux ; et puis au Nord comme au Sud on va dire que ceux de la capitale sont arrogants. On peut jouer avec tout ça, comme on peut aussi rire sur les stéréotypes sur les Portugais ou les Français ».

Les clichés ont la vie dure et, à condition d’avoir une bonne dose d’auto-dérision, peuvent effectivement offrir de bons moments de rigolade, mais impossible de réduire l’humour op Lëtzebuergesh à ces poncifs. Et la soirée de ce samedi à Beaufort devrait le prouver une nouvelle fois.

Larissa Magnus
Larissa Magnus

La crème de la crème

Pour cette deuxième édition du « Op Lëtzebuergesh w.e.g.! », ce sont six artistes qui vont se succéder sur la scène du Flying Dutchman : Shayan Mehr lui-même, Greg Melmer, Sarah Diederich, Scott Reuter, Sundeep Bhardwaj et une « special-guest » allemande, Larissa Magnus. « Comment j’ai fait ce choix ? J’ai regardé qui étais disponible » rigole le programmateur. Puis plus sérieusement, il précise, malgré quelques réticences pour ne pas paraître trop arrogant : « Comme c’est un show payant, pas un open mic, j’ai choisi ceux qui ont déjà fait du comédie show en luxembourgeois et qui ont déjà cartonné ». En d’autres termes : la crème de la crème !

Sarah
Sarah Diederich
Sundeep Bhardwaj
Sundeep Bhardwaj

Greg Melmer, un habitué des soirées impro, va servir de maitre de cérémonie et de fil rouge tout au long de la soirée, Scott Reuter va proposer son humour noir on ne peut plus grinçant tandis que Sundeep Bhardwaj amuse habituellement son public avec les histoires sur son arrivée au Luxembourg, son travail dans le secteur bancaire, ses collègues, sa vie de famille, etc. Ils sont tous les quatre des habitués des soirées stand-up luxembourgeoises. Sarah Diederich, par contre, apparaît pour la première fois à l’affiche. « C’est une jeune luxembourgeoise qui habite en Allemagne », précise Shayan Mehr, « elle a découvert la scène là-bas, a commencé les spectacles d’humour il y a un peu plus d’un an seulement mais et a déjà fait une quarantaine de scènes en allemand. Samedi ce sera sa première scène en luxembourgeois ».

Greg Melmer
Greg Melmer
SCOTT REUTER
Scott Reuter

Chacun aura une douzaine de minutes pour laisser un souvenir indélébile auprès des spectateurs. Avant que Patrick Rolando ne vienne terminer la soirée avec une afterparty.

Op Lëtzebuergesh w.e.g. !
Ce samedi 14 janvier à 20 h.
https://www.flying.lu