Light Leaks Festival

14 mai. 2025
Light Leaks Festival
Regard grand angle sur la gare

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Le Light Leaks Festival fait bouger les lignes cette année ! Fini les murs, place à la rue ! Le quartier de la gare devient une galerie à ciel ouvert, transformé en scène vivante de la photographie contemporaine. En raison des rénovations des Rotondes, l’exposition investit l’espace public, rendant l’art photographique plus accessible, en résonance directe avec le quartier qu’elle explore. En plein cœur de Luxembourg, les trottoirs, places et passerelles racontent une histoire en images : celle d’un quartier en mouvement, multiple et vibrant.

© Markus Jokela

Portraits d’un quartier vivant

Coup d’envoi le 15 mai sur la place de Strasbourg avec « Mäi Quartier », une initiative participative portée par le Luxembourg Streetphoto Collective. Des caméras jetables ont été confiées à des habitants, jeunes et moins jeunes, pour capturer leur quotidien. Entre leurs mains, à travers des regards intimes, apparaît une vision brute et sincère du quartier, un quotidien sans filtre. Résultat ? Une mosaïque de regards sincères et puissants.

Aux Rotondes, une grande exposition collective réunit les œuvres des membres du Luxembourg Streetphoto Collective ainsi que celles de Nathalie Bernard, la lauréate de la Slidenight 2024. De nouveaux regards, issus du lycée Aline Mayrisch et du Lycée des Arts et Métiers exposent également leurs réflexions.

Le festival propose également une plongée immersive dans l’univers de la gare au Loop & Cube, au Klub (Rotondes). The Rock in the River, une installation de Liz Lambert et Dirk Mevis explore la gare comme point de passage chargé d’émotions et de flux humains. À la manière d’un rocher dans une rivière, elle capte les instants suspendus et les croisements furtifs entre voyageurs. Le duo met en lumière la poésie discrète du transit, où chaque passage laisse une trace, aussi brève soit-elle. 

Sur la passerelle, la photothèque prend ses quartiers ! Avec une sélection choisie de photos d’archives, retrouvez-vous plongé de façon surprenante au cœur du quartier tel qu’il était il y a bien longtemps…

© Greg Girard

Créer, exposer, partager

Comme chaque année, le festival invite de grands noms de la scène photographique. Éléonore Simon, Greg Girard, Diana Markosian et Markus Jokela viendront partager, sans filtre, leur vision et leurs pratiques à travers des conférences interactives.

Le Light Leaks Festival, c’est aussi l’art de faire place au public. Cette année encore, deux formats participatifs sont à l’honneur : l’ « Open Wall » et le « BAZAAR ». L’Open Wall, devenu un incontournable, prend ses quartiers au Klub des Rotondes. Le principe est simple : apportez au maximum trois de vos tirages, accrochez-les et prenez part à cette galerie collective en perpétuelle évolution. Un jury sélectionnera ses favoris, avec remise des prix le 18 mai à 16 h !

© Luxembourg Streetphoto Collective

Le « BAZAAR » fait son grand retour comme une véritable place de marché photographique. Photographes de rue et documentaristes y présentent tirages, livres, et partagent leur univers avec le public. Un coup de cœur ? Repartez avec !

En pleine effervescence des préparatifs du festival, Paulo Lobo, membre du collectif Luxembourg Streetphoto, nous guide à travers les temps forts du programme.

Le quartier de la gare est au cœur du festival cette année : pourquoi ce choix maintenant ? Que dit-il, selon vous, du Luxembourg contemporain ?

Le plus intéressant pour un street photographer, c’est la vie. Et si Luxembourg-ville n’est pas une métropole, le quartier de la gare est le lieu le plus vivant, c’est là qu’il y a le plus de monde, le plus de passage et une richesse sociologique. Ce quartier est souvent au cœur de l’actualité en raison des tensions liées à la sécurité et aux dynamiques de gentrification. Il y a une dizaine d’années, on imaginait que le quartier allait se transformer, se gentrifier. De nombreuses personnes ont investi dans l’immobilier en pensant que les problèmes de sécurité allaient se résoudre avec le temps, mais ils existent toujours et se sont amplifiés. Toutes ces problématiques se croisent ici, dans un espace urbain dense, ce qui en fait un terrain d’observation fascinant pour un photographe de rue. Au-delà de l’aspect sociologique, il y a aussi la dimension graphique : c’est un quartier où il y a beaucoup de choses à photographier, de lumières, de contrastes, et puis il y a les gens, beaucoup de gens différents, et pour nous c’est passionnant.

C’est pourquoi, il nous semblait évident de commencer par ce quartier. Nous ne savons pas encore si cette approche centrée sur un quartier sera pérennisée et deviendra le fil rouge de chaque édition du festival. Tous les quartiers de la ville n’ont pas ce même potentiel cinématographique et photographique.

Le projet « Mäi Quartier » confie l’appareil photo aux habitants eux-mêmes. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans les images reçues ?

La plupart des personnes qui ont reçu cet appareil photo ne sont pas photographes. Pour beaucoup, c’était même la première fois qu’elles tenaient un appareil analogique entre les mains. Par conséquent, elles ne se sont pas posées mille questions: elles ont simplement pris des photos de leur vie quotidienne. Le résultat, ce sont des photos brutes, spontanées, des photos très réalistes qui montrent l’environnement parfois dégradé du quartier de la gare. Chacun a livré des fragments de son regard, des instants de vie, des détails qu’il voit en passant. Ce sont des points de vue subjectifs d’une réalité qui ne prétend pas être la réalité globale.

© Diana Markosian

Chaque année, vous invitez des photographes de renommée internationale. Quel a été votre choix pour cette édition ?

Cette année, nous avons invité quatre photographes internationaux : Éléonore Simon, Greg Girard, Diana Markosian, Markus Jokela. Tous quatre donneront des conférences qui s’apparentent à de véritables masterclass.

Le fil conducteur de cette édition repose sur des contributions qui proposent des fragments d’une réalité subjective, qui ne prétend pas refléter la réalité absolue. Ce regard, nous le retrouvons aussi chez nos invités.

Chacun d’eux cultive une approche très personnelle de la photographie, une narration très intimiste, et porte un regard subjectif sur la réalité et leur environnement. Diana Markosian par exemple, un talent émergent sollicitée aujourd’hui dans tous les festivals et musées du monde, mêle beaucoup des éléments de sa vie personnelle avec ce qu’elle photographie dans la rue.

Au-delà des conférences, les photographes invités participent aussi aux « portfolio reviews ». Selon des plages horaires de trente minutes définies, tout photographe — amateur ou professionnel — peut présenter son travail et bénéficier du regard critique et bienveillant d’un de nos invités. Ces moments d’échange sont souvent très précieux et enrichissants pour les participants.

© Luxembourg Streetphoto Collective

Comment les lycéens ont-ils été accompagnés pour présenter leur travail ? Avez-vous noté des regards ou des approches qui vous ont particulièrement marqués ?

Cette année, deux classes ont participé : l’une du Lycée des Arts et Métiers, l’autre du Lycée Aline Mayrisch, qui proposent un cursus lié aux arts visuels ou à la photographie. Leur accompagnement s’est fait en lien étroit avec notre collectif, notamment grâce à Éric Engel, qui coordonne cette partie du projet. Il assure le lien avec les enseignants et organise la participation des élèves en amont du festival. Les élèves savent donc plusieurs mois à l’avance qu’ils vont participer. Les années précédentes, il n’y avait pas de sujet imposé, on leur demandait simplement de réaliser de la photographie de rue. Cette année, ils ont dû s’adapter à la thématique du festival. Et on peut voir dans le résultat final qu’ils ont effectué un véritable travail graphique, qu’ils ont beaucoup travaillé sur la forme et la lumière. Ils ont exploré la gare, la rue, les ambiances, les atmosphères, il y a peu de portraits, mais de belles photos qui montrent qu’ils sont sensibles aux atmosphères.

Certains ont tenté des expérimentations parfois dans le cadre, parfois hors cadre. Ils ont à la fois l’envie d’expérimenter et celle d’appliquer les codes classiques de la street photography, c’est une bonne chose, car ce genre photographique a un langage visuel bien spécifique, qu’il est bon d’apprivoiser. Mais on peut apprécier la fraîcheur de leurs regards.

Depuis la création du festival, nous avons toujours eu à cœur de sortir la photographie des carcans élitistes. L’idée n’était pas de séduire un public déjà acquis à la photographie comme art majeur. La collaboration avec les lycées illustre bien notre volonté de toucher le grand public.

© Luxembourg Streetphoto Collective

Quel impact espérez-vous que le festival ait sur les passants qui croisent ces œuvres en plein air sans forcément être « un public averti » ?

Chaque photo ou série photographique porte en elle ses propres vibrations. Évidemment, tout le monde n’y sera pas sensible de la même manière. Sur la passerelle de la gare, par exemple, ce sont des photos issues des archives de la photothèque. Je pense que beaucoup de passants vont y être sensibles et se dire « ah, c’était quand même mieux avant… ». 

Rue de Strasbourg, c’est à double tranchant. Pour les habitants du quartier, c’est une thématique qu’ils connaissent, il n’y a rien de nouveau. C’est un miroir, c’est leur quotidien, mais peut-être qu’ils vont apprécier le fait que l’on mette en lumière les problématiques du quartier. Et peut-être que cette visibilité, conjuguée à la présence des autorités lors de l’inauguration, contribuera à faire avancer certaines choses de manière concrète.

L’exposition aux Rotondes, quant à elle, est plus artistique. Il y a beaucoup d’expérimentations, un travail sur les contrastes, les fragments, les réflexions, une grande part de subjectivité dans les photos présentées.

Nous sommes neuf photographes à y participer: Nathalie Bernard, Eric Engel, Giulia Thinnes, Tom Herz, Patrick Hoffmann, Marc Erpelding, Gilles Kayser, Viktor Wittal et moi-même. Chacun a travaillé autour du thème de la gare, avec un regard personnel. Sur de grands cubes installés sur le parvis, des photos géantes des différents participants s’entremêlent. Deux d’entre nous, Gilles Kayser et moi-même, avons axé notre travail sur le portrait. Ces portraits se mêlent à des extraits de vie, des fragments de la gare.

Dates : du 15 au 18 mai 2025

Lieu : Centre culturel des Rotondes et quartier de la Gare, Luxembourg

Inscriptions et détails :  www.lightleaks.lu et www.rotondes.lu.

Auteurs

Patricia Sciotti

Artistes

Nathalie Bernard
Liz Lambert
Dirk Mevis
Éléonore Simon
Greg Girard
Diana Markosian
Markus Jokela
Paulo Lobo
Nathalie Bernard
Eric Engel
Giulia Thinnes
Tom Herz
Patrick Hoffmann
Marc Erpelding
Gilles Kayser
Viktor Wittal

Institutions

Rotondes
Luxembourg Streetphoto Collective
Lycée Aline Mayrisch
Lycée des Arts et Métiers

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