18 mar. 2025Entretien avec Nathalie LesureCuratrice de l’exposition Printemps au Cercle artistique du Luxembourg

Image : © Henri Goergen
Avant d’évoquer l’exposition dont vous êtes la curatrice, pouvez-vous présenter brièvement le Cercle artistique du Luxembourg (CAL), ses missions et les artistes qui y sont regroupés ?
Le Cercle Artistique du Luxembourg est une association qui soutient et partage la création artistique au Luxembourg. Elle existe depuis plus de 130 ans et vise à soutenir la scène émergente du pays, notamment à travers la création de l’exposition Printemps du CAL il y a quelques années. L’édition de cette année compte quarante-et-un artistes, dont la moitié sont des membres titulaires du Cercle Artistique du Luxembourg.
Au sein du Cercle artistique du Luxembourg, y a-t-il des tendances esthétiques qui se dégagent ou quelque chose qui caractériserait selon vous les artistes luxembourgeois ?
Il est difficile de mettre le doigt sur une caractéristique précise des artistes luxembourgeois, surtout en considérant un tel projet qui rassemble plusieurs générations de créateurs. D’une manière générale, l’absence d’un parcours d’études supérieures en art au Luxembourg fait que bon nombre d’artistes font leurs études à l’étranger, pour revenir, ou non, des années plus tard. Il me semble que cet éparpillement géographique marque profondément le milieu, et qu’il rassemble des influences de différentes cultures face à l’expression créative.
En tant que curatrice de l’exposition Printemps, sur quelle base avez-vous effectué la sélection des tableaux ?
Le principe et le but de l’exposition du Printemps du CAL sont de donner une plateforme dynamique et inclusive à des artistes émergents et aux artistes des ateliers protégés. Pour la première étape, j’ai choisi le thème de cette année, « Rebirth ». L’idée d’une perpétuelle transformation et d’un renouveau me paraissait pertinente pour annoncer une nouvelle approche du projet et un état d’esprit prenant en compte les étapes du passé qui ont forgé notre actualité. Rien ne se déroule d’une manière isolée ou déconnectée, et les artistes sont capables d’incarner une fluidité entre diverses sources d’inspiration.
Ma sélection parmi les artistes invités et les membres du CAL s’est basée sur leur capacité complexe à donner forme à des étapes d’évolution, que ce soit de manière thématique, conceptuelle ou matérielle. Ainsi, je n’avais pas de contrôle direct sur la forme finale des œuvres, il était important pour moi de faire confiance aux artistes et de soutenir leurs visions. Même si les échanges se faisaient principalement de manière virtuelle, j’ai également participé à des visites d’ateliers pour parler de vive voix avec les artistes et échanger avec eux sur leur processus de travail.
Comment avez-vous conçu l’accrochage des tableaux, et les articulations entre eux ?
Outre ma considération individuelle envers les artistes, j’ai gardé en tête dès le début une cohérence globale de la sélection. Une exposition de groupe requiert de posséder une vision générale et de penser à la façon dont les œuvres peuvent s’articuler entre elles. Avant tout, un travail de curatrice consiste à « prendre soin » des artistes et à les mettre en valeur le mieux possible. Pour visualiser la scénographie de l’espace, j’ai travaillé avec une petite maquette. L’emplacement exact de certaines créations a bien sûr changé le jour J, mais cette étape était primordiale pour donner du sens à l’accrochage. Mon but était de montrer des œuvres qui partagent des parallèles visuels ou thématiques et de donner un rythme à l’expérience de la visite. Par exemple, certaines créations nécessitent un alignement ordonné et régulier tandis que d’autres profitent d’un arrangement plus organique et éparpillé. Parfois, deux artistes avaient des couleurs et des formes qui se complétaient d’une manière surprenante et je veillais à les rapprocher pour créer un dialogue.
Outre le fait d’être curatrice de cette exposition, vous êtes par ailleurs artiste. Comment votre travail artistique influe-t-il sur votre travail de curatrice ?
J’ai effectivement une pratique artistique qui influence mon approche curatoriale. Ayant fait des études aux Beaux-Arts dans le Nord de la France, j’ai un faible pour certaines thématiques de recherche, telles que les cycles de la vie et de la mort, la métamorphose, la relation entre l’humain et la nature. Cela me donne une sensibilité envers les artistes évoluant dans ces univers, mais aussi un regard critique face à la complexité de leurs concepts et à l’originalité de leurs interprétations thématiques. En outre, ma pratique me permet de me mettre à la place des artistes dans leur processus de travail et de les guider d’une manière plus adaptée.

Pouvez-vous nous parler des diverses manières dont le thème du printemps s’exprime dans votre exposition ?
Les artistes de l’exposition ont abordé le thème « Rebirth » selon divers angles : on y retrouve une foule de techniques évoquant des références mythologiques, des anecdotes personnelles et des symboles qui soulignent la force du changement vers un nouveau chapitre. Les œuvres incluent une variété de peintures et de sculptures, ainsi que des dessins, des installations et quelques photographies. L’envie d’une reconnexion à la nature et à son héritage culturel constitue également un fil rouge de l’exposition. Notre ère technologique est marquée par des formes d’isolement, ce qui se ressent à travers nos relations humaines. Certains artistes ont pointé la force de transformation à travers l’échange et l’écoute, que ce soit face au vivant ou entre nous.
L’exposition comprend un grand nombre de peintures à l’huile, à l’aquarelle et à l’acrylique. On y retrouve aussi des sculptures en céramique, en porcelaine et impression 3D. Il y a même une installation multisensorielle combinant de la photographie et des sons.
Parmi les artistes mis en valeur dans l’exposition, y en a-t-il que vous souhaitez particulièrement mettre en avant, et si oui lesquels ?
L’exposition du Printemps du CAL remet chaque année un Prix Jeune Talent, décerné cette fois-ci à Francesca Amodeo. Bien que je ne fasse pas partie du jury, je soutiens à 100% cette décision : l’ensemble des peintures de Francesca témoigne de son savoir-faire technique et de son originalité. Elle insuffle poésie et humour dans le cycle de vie des orchidées au sein de nos domiciles, en soulignant les gestes de soin. Des tons de fuchsia brillent à travers des couches de vert, donnant un caractère vibrant aux prises de vue de fleurs fanées et de porcelaines cassées. Les artistes contemporains incarnent cette capacité de renouvellement ; ils ont leur propre manière de transformer et d’apporter un autre regard sur ce qui est « cassé ».

Quels sont les prochains projets en préparation au sein du CAL ?
Comme tous les ans, le prochain projet de l’association sera l’exposition du Salon du CAL, en novembre 2025. L’appel à candidature public sera publié dans les mois prochains.
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