29 avr. 202510 ans de CeCil’s BoxUne vitrine de la création contemporaine

Auteur : Loïc Millot
Photo : CeCil's Box de Julie Wagener © Mike Zenari
Retour avec Iyoshi Kreutz et Marion Vergin, programmatrices de la CeCiL’s Box , sur un projet qui a su transformer un espace modeste en laboratoire d’art contemporain.
À l’occasion de cet anniversaire, le Cercle Cité donne carte blanche à cinq artistes pour un cycle de projections de films tout au long de l’année. Explorant leurs recherches actuelles ou constituant une source d’inspiration pour leur pratique, ces projections seront suivies d’une rencontre avec les artistes, en discussion avec des spécialistes de leur champ artistique ou amateurs de leur art.

Pourriez-vous revenir s’il vous plaît sur le constat ayant conduit au lancement de la Cecil’s Box, dont on célèbre cette année le dixième anniversaire ?
Iyoshi Kreutz & Marion Vergin : La vitre de la CeCiL’s Box servait initialement de signalétique pour les expositions présentées au Ratskeller. Le concept de la CeCiL’s Box est né en 2015 d’une réflexion commune de l’équipe du Cercle Cité, menée conjointement par nos prédécesseurs, Anouk Wies et Saskia Raux. Il poursuit la vocation du Cercle Cité d’être un lieu accessible et ouvert à tous par l’organisation d’expositions au Ratskeller et d’événements (concerts, danse, conférences, etc.) au Bel-Étage et au Centre de Conférences tout au long de l’année, en poussant l’art hors des murs du bâtiment et en permettant à un public plus large de le découvrir depuis la rue.
Dans une certaine mesure, less is more : la limite ou la contrainte, comme c’est le cas de cette vitrine de format modeste mise à la disposition des artistes, peut être un avantage créatif. Êtes-vous d’accord avec cela et est-ce là l’un des partis pris esthétiques de ce dispositif ? Comment les artistes abordent-ils l’approche « minimaliste » imposée par le lieu ?
I.K. & M.V. : Le format modeste de la vitrine peut, de prime abord, être perçu comme une contrainte, car il impose à l’artiste de concevoir une œuvre dans un espace particulièrement réduit. C’est un véritable challenge, notamment pour celles et ceux qui ont l’habitude de travailler sur des formats plus généreux. Mais cette contrainte se transforme souvent en un véritable levier créatif. Elle oblige les artistes à se recentrer sur l’espace et à penser différemment l’articulation entre leur œuvre et l’espace qui l’accueille. Ce dispositif n’impose pas une esthétique minimaliste à proprement parler, et pousse à l’ingéniosité. C’est un des partis pris du projet de la CeCiL’s Box : offrir une liberté totale dans un cadre restreint, pour voir comment cette tension entre liberté et contrainte génère des formes artistiques inattendues.
Y a-t-il deux ou trois événements marquants que vous souhaiteriez mettre en avant au terme de ces dix ans d’existence, en guise de rappel « historique », qui ont contribué à faire connaître ce dispositif ?
I.K. & M.V. : Il y a tout d’abord la naissance de la CeCiL’s Box, dont la première intervention a été confiée à George(s) aka Christophe Peiffer, qui a aussi pensé l’identité de la CeCiL’s Box et développé la carte postale qui sert encore aujourd’hui d’outil de communication et de promotion du projet. Il y a également les collaborations qui ont ponctué la CeCiL’s Box tout au long de ces dix ans avec Marc Buchy (dans le cadre de la 5e Triennale Jeune Création en 2020) ou encore Mary-Audrey Ramirez (dans le cadre de l’exposition Club Quarantina avec le Grimmuseum de Berlin en 2021). Enfin, le dixième anniversaire avec une carte postale entièrement renouvelée, dont le design a été confié à omniscientbeing, qui comprendra pour la première fois une œuvre évolutive avec Yannick Muller : celui-ci présentera dès le 8 mai un dessin par jour dans la CeCiL’s Box.

Sur quels critères repose la sélection des artistes exposés à la Cecil’s Box ? Y a-t-il une ligne « éditoriale » ou esthétique constante au terme de cette décennie ou celle-ci a-t-elle changé avec le temps ?
I.K. & M.V. : Nous nous occupons de la programmation de la CeCiL’s Box depuis 2019 en poursuivant l’héritage des quatre premières années, durant lesquelles des designers ont principalement exposé. Nous l’avons désormais ouverte à d’autres champs des arts appliqués comme l’architecture, et alternons avec les arts plastiques, en nous concentrant sur la jeune création artistique ou émergente de la Grande Région. Notre sélection se fait au gré de nos visites et de nos découvertes. Par exemple, le prochain artiste, Yannick Muller, a été découvert à l’occasion de l’exposition YOUNG LUXEMBOURGISH ARTISTS VOL.4 en 2024. Il est aussi déjà arrivé que nous exposions des artistes qui nous avaient contactées en nous envoyant leur portfolio.
Y a-t-il une certaine familiarité qui s’est développée avec le temps entre ce lieu et le public luxembourgeois en particulier ? Ou, dit autrement, avez-vous remarqué des évolutions dans la réception des expositions auprès du public luxembourgeois ?
I.K. & M.V. : Il est très difficile de répondre à cette question, car la CeCiL’s Box se trouve dans une rue qui brasse beaucoup de passants qui ne viennent pas forcément spécifiquement pour le projet, mais qui s’arrêtent pour autant parfois spontanément, interpellés par l’art qui se présente à eux.
Il est toujours agréable de retrouver certains artistes par la suite dans d’autres expositions suite à leur passage par la CeCiL’s Box, comme par exemple Lynn Klemmer qui a fait un beau bout de chemin depuis.

L’hybridité des arts est au cœur de ce nouveau cycle de projections de films d’artistes. Vous semble-t-il important d’encourager le dialogue et les passerelles entre les arts au Luxembourg ?
I.K. & M.V. : Il nous semblait important que ce cycle de projections soit ouvert à toutes les disciplines et ainsi fidèle à la programmation que nous proposons pour la CeCiL’s Box. Comme dans ce dispositif d’exposition, nous avons souhaité que les films présentés soient représentatifs de la diversité des pratiques artistiques contemporaines, et qu’ils puissent mêler les langages et les formes.
C’est au cœur des missions du Cercle Cité : créer des passerelles, décloisonner les disciplines, favoriser des rencontres inattendues entre les artistes, les œuvres et les publics.
Pouvez-vous succinctement présenter le travail des artistes à l’affiche dans le cycle de films proposé cette année ? Outre Guillaume Barborini, quels sont les prochains artistes et le principal intérêt de leur travail selon vous ?
I.K. & M.V. : Ce cycle de projections est né d’un appel à projets que nous avons lancé à tous les artistes qui ont participé à la CeCiL’s Box et dont nous avons fait une petite sélection.
Après Guillaume Barborini, ce sera au tour de Julie Wagener, Steve Gerges, Keong-A Song et Stephen Korytko de présenter leur travail ou leur processus créatif à travers des artistes qui les ont inspirés. Plasticien, artiste-peintre, motion designer, illustratrice, et vidéaste – autant de disciplines seront mises à l’honneur au cours de ce cycle.
Guillaume Barborini a ouvert le cycle avec 32 pierres pour doubler l’équilibre, un film réalisé à l’occasion d’une résidence artistique en montagne dans le massif des Écrins. À travers un vocabulaire minimaliste – des pierres, de la ficelle, des gestes simples –, il interroge les liens entre le corps et le paysage, dans une démarche poétique, presque méditative. Julie Wagener propose Self-Portrait as a Coffee Pot de William Kentridge, dont la démarche conceptuelle fait écho à ses propres questionnements autour de l’identité, de la narration visuelle et de la complexité du monde intérieur. Un dialogue sensible entre deux artistes aux langages différents. Steve Gerges nous plonge dans une odyssée cosmique avec ONE, entre art numérique et récit universel. Son approche immersive mêle science, technologie et contemplation pour évoquer la création et la transformation du monde. Keong-A Song a choisi deux courts métrages de Co Hoedeman, en lien avec son propre univers visuel et sensible. Dans ses dessins, elle partage avec lui une attention à la nature, aux écosystèmes et à la fragilité du vivant. Enfin, Stephen Korytko, avec The Golden Record, transpose la quête de communication interstellaire à l’échelle intime, en explorant les difficultés de la relation humaine. Un film qui interroge notre besoin de connexion, entre cosmos et émotions.
Chacun de ces artistes, par ses choix, ses gestes et son imaginaire, contribue à faire de ce cycle un terrain d’exploration à la fois visuel et narratif, en parfaite résonance avec les valeurs qui animent la CeCiL’s Box depuis dix ans.
Une chose que vous souhaiteriez mettre en avant de façon particulière et qui vous tient à cœur, pour conclure ?
I.K. & M.V. : Oui ! Restez attentifs sur les réseaux sociaux car, tout au long de l’année, nous revenons de manière rétrospective sur les 34 CeCiL’s Box des dix dernières années !
Retrouvez le programme des projections sur cerclecite.lu et sur echo.lu
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