3 questions à Claude Conter du "Centre national de littérature"

30 avr. 2020
3 questions à Claude Conter du "Centre national de littérature"

Auteur: Ministère de la Culture

"En période de confinement, la littérature offre au lecteur une pause dans sa vie, car la lecture a besoin de temps et les livres ralentissent le temps."

Claude Conter, directeur du "Centre national de littérature" (CNL), souhaite que durant ce confinement les enfants et les adolescents puissent utiliser le temps libre après leurs devoirs pour découvrir de nouveaux mondes. Dans cette optique, le CNL a créé une chaîne sur Youtube avec des lectures pour enfants et adolescents.

Quelle est l'importance de la littérature en ce moment?

Un des livres les plus importants de la littérature mondiale est un recueil de nouvelles de Boccace "Il Decamerone", dans lequel sept femmes et trois hommes s'enfuient de la peste à Florence et se confinent dans une maison à la campagne. Là ils se racontent des histoires jour après jour; chaque jour, une personne est sélectionnée pour décider d'un sujet, puis tout le monde raconte une histoire; au total, il y a 100 histoires. Je ne peux que lire ceci allégoriquement. La pandémie de la peste est rencontrée avec la littérature car elle apporte les conditions préalables pour s'arranger avec la situation. La trame du récit fait prendre conscience des dangers auxquels les réfugiés sont confrontés et fait part de leurs craintes, mais également comment ils font face à la situation. Les histoires racontées divertissent et abordent des sujets, qui n'ont rien à voir avec la pandémie, qui peuvent parfois refléter la situation, mais qui peuvent aussi simplement divertir. Mais la chose la plus importante dans ce recueil de nouvelles est la convivialité que les gens développent en discutant des histoires entre eux. Après 100 histoires, les dix amis rentrent chez eux - ils ont survécu à la peste en tuant le temps, en faisant connaissance à travers les histoires, en vivant ce temps et en réfléchissant sur leur situation – c'est tout ce que la littérature peut faire en période de confinement: créer une convivialité virtuelle dans laquelle l'individu peut se mettre en relation avec les autres. La littérature en est capable en offrant au lecteur une pause dans sa vie, car la lecture a besoin de temps et les livres ralentissent le temps. Ce n'est pas rien.

Comment la pandémie a-t-elle changé le travail du CNL?

Le CNL était ouvert tout le temps - pas pour le public, mais nous n'avons jamais complètement fermé les portes, même si la plupart de nos collaborateurs travaillaient à domicile. De cette façon, nous pourrions gérer les requêtes, par exemple scanner des documents pour des commandes.
Cependant, tous les travaux ne peuvent pas être effectués. Même si les événements sont annulés jusqu'à la fin de l'été, nous travaillons déjà pour la prochaine saison et espérons qu'il y aura une reprise. Comme le CNL n'est pas seulement une maison de littérature, mais aussi chargé de faire de la recherche, ce volet progresse bien. Nous travaillons sur des dossiers pédagogiques pour mettre du matériel éducatif à la disposition des enseignants. Une fois le confinement fini, nous aurons terminé deux dossiers et nous espérons pouvoir à nouveau proposer notre formation dans ce domaine. Chacun du personnel scientifique travaille actuellement sur des expositions ou des publications scientifiques et notre département de bibliothèque catalogue des livres et des articles. Un volet de notre travail, qui est à la base de tout, à savoir notre travail d'archives, est actuellement très entravé: nous ne pouvons pas aller chez les personnes qui veulent nous confier des documents. Il est clair que le patrimoine littéraire ne quitte pas notre maison pour des raisons de sécurité et que ce travail ne peut pas être effectué à distance. Ce travail reste donc en attente, mais nous nous préparons à le reprendre progressivement. En attendant, nous continuerons à travailler sur nos autres projets - et la lecture fait également partie de notre travail.

Comment est née l'idée de la chaîne sur Youtube et comment vous organisez-vous pour le programme?

En mi-mars, tous nos événements ont été annulés et nous avions un programme assez large. Bientôt, j'ai été en contact avec Serge Tonnar à cause de "Live aus der Stuff" et j'ai également recommandé quelques auteurs pour éviter que la littérature soit négligée. Afin de ne pas laisser pousser d'initiatives comparables comme des champignons et de se faire concurrence, le CNL a jugé opportun de créer un programme pour ceux qui devaient d'abord rester à la maison: les enfants et les jeunes, du cycle 1 jusqu'aux adolescents d'environ 15-16 ans. Nous proposons une offre en luxembourgeois, allemand et français - et à la demande du ministère de l'Éducation, pour offrir également des textes en portugais, l'histoire "So mol Lobo!" de Christiane Kremer (Kremart Edition) a été traduit.

D'abord, j'ai fait le choix des auteurs moi-même et les ai contacté directement, puis parlé avec les éditeurs au Luxembourg. 1. Je voulais inclure certains livres et auteurs qui ont une place importante dans l'histoire de la littérature luxembourgeoise; 2. De nombreux textes traduits, tels que "Pippi Langstrumpf" ou "Grüffelo" ou "Wollef", sont très populaires auprès des enfants, il était donc clair que nous voulions ajouter ces textes, mais nous voulions aussi de nouvelles histoires d'auteurs contemporains. Entre-temps, nous avons également enregistré deux auteurs allemands (Martin Klein, Manfred Theisen), qui lisent presque chaque année au Luxembourg et qui étaient auteurs en résidence du projet "Struwwelpippi kommt zur Sprinprozession", qui est financé par le ministère de la Culture et organisé ensemble avec le CNL à Echternach; 3. Dès le départ, l'idée était d'impliquer l'ensemble du secteur. Pour cette raison, j'ai également contacté les éditeurs et ils ont pu faire des suggestions; 4. Comme nous défendons la solidarité dans le secteur du livre, nous avons toujours placé sous la vidéo un lien direct vers l'éditeur et vers letzshop.lu, où certaines de nos librairies sont également présentes. L'idée est qu'on n'écoute pas seulement une histoire, mais qu'on est aussi encouragé à acheter les livres et ainsi soutenir les éditeurs et les librairies pendant cette période très difficile; 5. Pour le CNL, il est toujours important que les travaux intellectuels et créatifs soient honorés. Parce que de nombreux auteurs travaillent maintenant pour rien, ce qui est un pas en arrière dans le processus de professionnalisation, ils reçoivent un honoraire et parce que les droits appartiennent (principalement) aux éditeurs, ils bénéficient également d'un dédommagement.

La mise en œuvre a été plus difficile. Pour la plupart des auteurs, gérer les outils numériques, était un défi. Mes collègues Marc Siweck et Jorg Willekens ont fait un tutoriel pour les utilisateurs IOS et Android. Comment est réalisée une vidéo? Comment est-elle téléchargée sur le serveur CNL? Il a donc fallu répondre à tous ces questions. Surtout Marc Siweck a fait un travail fantastique au cours des dernières semaines, en précisant les questions techniques avec les auteurs, en travaillant sur les vidéos et dans de nombreux cas, en intégrant également les images. Nous avons maintenant réussi à présenter plus de 30 vidéos sur Youtube https://www.youtube.com/channel/UC0iD4qteiFZy5iRlRG0pwxQ, mais également sur notre site web https://cnl.public.lu/fr/multimedia /Lecture_pour_enfants.html.